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Autorité palestinienne : un langage répétitif et dangereux

mercredi 20 octobre 2010 - 11h:06

Ramzy Baroud

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Chaque fois qu’Israël outrepasse ses droits, l’Autorité Palestinienne [AP de Ramallah] réplique avec le même vocabulaire superflu.

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Nabil Shaath (à g.) et Salem Fayyad - Combien de temps leur comédie va-t-elle encore durer ?

Le cycle est devenu tellement prévisible qu’on se demande pourquoi les officiels de l’AP prennent encore la peine de protester face aux actions israéliennes. Ils doivent être parfaitement conscients du fait que leurs cris, sincères ou non, ne feront que tomber dans des oreilles de sourds. Ils savent que leurs lamentations ne peuvent en rien contribuer au moindre changement dans le comportement d’Israël ou dans la position des Etats-Unis à ce propos.

Jetons un coup d’oeil sur le contexte autour du vocabulaire utilisé par l’AP pour faire entendre ses protestations. Dans un discours prononcé en juillet dernier, le Président [de l’AP] Mahmoud Abbas a qualifié des entretiens directs avec Israël de « futiles ». Des milliers de journaux et de sites Internet ont repris ce « titre », plaçant le mot « futiles » entre guillemets, comme s’il s’agissait d’une révélation à faire trembler le sol.

Mais toute personne informée sur le Moyen-Orient et le conflit israélo-palestinien sait bien que de tels entretiens seront « futiles ». De plus, Israël n’a pas vraiment gardé secret son désintérêt pour une solution juste et pacifique.

M. Abbas, cependant, est parvenu à se faire passer pour pertinent dans le conflit, employant habilement ce terme. Ce mot a eu autant d’impact en arabe qu’il en a eu en anglais.

Naturellement, rien de tout ceci ne signifie qu’Abbas a adopté réellement une nouvelle posture. Il n’est pas besoin de fouiller dans de vieilles archives pour se rappeler que le président de l’AP avait réagi de la même manière au sujet des soi-disant « entretiens indirects » avec Israël en mai de cette année. Avant que ces entretiens n’aient commencé, il avait également donné son avis en parlant d’entretiens futiles.

Il a ensuite insisté sur le fait qu’il n’y aurait pas d’entretiens, directs ou autres, sans un arrêt complet des constructions coloniales israéliennes à Jérusalem-est sous occupation. Après cette forte déclaration, Abbas s’en est allé participer à cette comédie des entretiens indirects, alors que des familles palestiniennes continuaient à être expulsées de leurs maisons dans leur ville historique. Une seul barrière a été levée avant que l’on ne s’embarque dans ces entretiens : Abbas et ses sbires ont cessé de se plaindre.

Presque deux mois plus tard, quand il est devenu évident pour tous que ces entretiens indirects étaient en effet « futiles » - particulièrement après que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ait cloué le bec du président des Etats-Unis, Barack Obama, lors de sa visite à Washington - monsieur Abbas s’est retrouvé à chercher désespérément une autre ligne de défense. D’où la nouvelle campagne déclarant d’avance comme « futiles » des entretiens directs avec Israël.

M. Abbas n’est pas le seul comédien dans cette comédie. D’autres également ont tenu leur rôle, aussi efficaces et aussi vrais que jamais. Yasser Abed Rabbo, qui a utilisé plusieurs chapeaux dans le passé et est maintenant l’un des assistants de M. Abbas, a déclaré que l’AP « n’entrera pas dans de nouvelles négociations qui prendraient à nouveau plus de 10 ans. » Cette promesse - que la direction palestinienne ne sera pas trompée dans des entretiens qui auront pour seul but de discuter et sans un calendrier - n’est pas la première de la sorte de la part d’Abed Rabbo, et elle n’est sans doute pas la dernière.

L’assistant d’Abbas continuera très probablement à faire preuve de la même perspicacité usée, parce que c’est le script que n’importe quel officiel palestinien « modéré » doit rejouer en permanence pour rester dans le coup. Sinon comment donner l’impression que l’AP serve toujours de rempart contre l’empiétement territorial et l’occupation militaire d’Israël ?

Ahmed Qoreï, ancien ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne et ex-Premier ministre, a participé récemment à une conférence à l’Université hébraïque, intitulée : « Les pourparlers indirects israélo-palestinien : les leçons des négociations passées. » La conférence était organisée par l’Institut Harry S. Truman pour la promotion de la paix. Le lieu et le moment de cette conférence ne pouvaient être plus importants. Tout d’abord, une grande partie de l’Université hébraïque a été construite grâce « au nettoyage ethnique » de terres palestiniennes. Ensuite, M. Qoreï a pris la parole dans une université israélienne dans une ville occupée, à un moment où des militants et des universitaires de partout dans le monde, dont plusieurs en Israël même, sont à la tête d’un boycott culturel et académique des universités israéliennes pour protester contre le terrible rôle que jouent ces institutions dans la violence israélienne contre les Palestiniens.

Pire encore, immédiatement avant son discours, M. Qoreï avait rencontré l’ancienne ministre israélien des Affaires étrangères et premier ministre par intérim, Tzipi Livni. Livni a ordonné et supervisé les meurtres et les mutilations sans précédent de milliers de Palestiniens à Gaza entre Décembre 2008 et Janvier 2009. Le niveau d’inhumanité dont elle a fait preuve au cours de ces journées a été accueillie avec indignation à travers le monde, y compris par beaucoup en Israël même. Mais tout le sang a été mis sous le tapis, tandis que « Livni (et) Abou Ala [Qorei] échangeaient ?des amabilités’ » selon le Jerusalem Post.

Compte tenu de tous les compromis que M. Qoreï a faits par sa simple présence à cette conférence et par sa poignée de main avec Livni, on ne comprend pas la raison de telles déclarations.

Ces déclarations creuses n’auront aucune incidence sur l’issue des événements, et cela ne forcera en rien Netanyahu et son gouvernement de droite d’y réfléchir à deux fois avant de démolir des maisons et déraciner des arbres. Mais elles sont plus importantes que jamais pour l’AP, alors que les voix s’élèvent à Washington, à Londres et ailleurs, pour exiger que les États-Unis et ses partenaires reconnaissent, et même « négocient » avec Hamas. Une telle perspective est une mauvaise nouvelle pour les dirigeants palestiniens de Cisjordanie, qui comprennent que leur pertinence pour le dit « processus de paix » dépend d’une constante négation du mouvement Hamas. Par conséquent, l’Autorité palestinienne de Ramallah continuera à souscrire à sa méthode habituelle : ne pas critiquer Israël trop durement, afin de ne pas perdre sa faveur ; suivre les diktats américains, de manière à maintenir un statut de « modérés » ainsi que de nombreux privilèges, et toujours donner l’impression aux Palestiniens, aux Arabes et aux Musulmans que l’Autorité palestinienne est le seul et unique défenseur de Jérusalem.

On se demande combien de temps encore les dirigeants palestiniens pourront appliquer cette règle, qui est en fait le véritable exercice de futilité.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international syndiqué et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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19 juillet 2010 - Communiqué par l’auteur
Traduction : Naguib


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