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Descendre toutes les chances de paix au Moyen-Orient

samedi 1er juillet 2006 - 12h:51

Ira Chernus

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" La chance pour la paix est une chose si fugace. Vous fermez les yeux et vous la laissez passer. Vous les rouvrez, et vous voyez les types avec des gros pistolets qui l’ont descendue."

Je suis parti de chez moi samedi avec une bonne raison de penser que la paix allait arriver au Moyen-Orient. Quand je suis rentré, seulement deux jours plus tard et que j’ai lu les nouvelles, j’aurais pu croire que cela ne fut qu’un rêve.

Mais cela n’était pas un rêve. Pendant toute une journée, les chances de paix en Iraq et en Israël et Palestine ont réellement existé et étaient à portée de mains.

D’abord l’Iraq : le 24 juin, le Times de Londres publiait dans le détail un plan de paix laborieusement négocié par des mois de discussions par tout un panel de factions concurrentes, dont un certain nombre de groupes dits « insurgés ». L’ambassadeur des Etats-Unis, Zalmay Khalilzad, était complètement impliqué dans le processus.

Le plan prévoyait un calendrier pour le départ des USA et l’amnistie pour les « insurgés » qui avaient tué des soldats américains ou iraquiens, mais pas de civils. Comme un fonctionnaire US l’a dit au Times, toutes les fois qu’une guerre se termine par la négociation, elle prévoit le retrait des troupes et une amnistie de ce genre. La seule alternative est de combattre jusqu’à ce qu’un côté obtienne la victoire absolue, ce qui semble impossible en Iraq.

Mais Khalilzad, un néocon porteur de cartes, s’inscrirait-il dans ce plan de paix alors que quelques jours plus tôt, les Républicains au Congrès avaient exigé qu’il n’y ait jamais de calendrier de retrait pour les USA ? Cela me semblait peu probable ; trop beau pour être vrai. En effet.

Quand je suis rentré à la maison le 26 juin, la une du Times titrait : « Les chiites tendent la main aux insurgés ». Le plan que le Premier ministre Nouri Al-Maliki avait présenté au Parlement iraquien le 25 juin « était une version édulcorée du document publié jeudi par le Times. » expliquait l’article.

« Le projet définitif, sensiblement réduit, demande au gouvernement de distinguer les résistants des groupes terroristes et une invite les groupes de la résistance à rejoindre le dialogue national... Dans ce plan, il manque la demande au gouvernement pour convenir d’un calendrier pour le retrait des forces étrangères, au fur et à mesure de la préparation des troupes iraquiennes. Ont été également supprimés l’engagement de revoir la constitution et la clause de réintégration des employés qui avaient eu un poste dans les ministères dissous sous l’occupation américaine... Zalmay Khalilzad, l’envoyé des Américains en Iraq, voyait le plan comme une bonne étape ’pour panser les blessures de l’Iraq’ ».

Mais ce plan attrape-nigaud ne pourrait probablement pas guérir la moindre blessure. Il ne pourrait que les envenimer, car (comme le Times de Los Angeles l’écrivait) il est un « plan de discorde pour unifier l’Iraq ». Certains sunnites sont, à juste titre, furieux d’avoir été escroqués. D’autres apparemment, le voit comme le meilleur qu’ils pouvaient espérer. Et Juan Cole suggère qu’il y a là un effort pour réhabiliter les anciens ba’assistes montant ces laïcs contre les sunnites plus religieux. Ainsi, les politiciens chiites guidés comme toujours par l’ambassade américaine, étaient en train d’essayer de diviser l’ensemble politique sunnite. Pourtant, les chiites aussi sont divisés. Certains pensent qu’un plan même revu à la baisse donne aux sunnites beaucoup trop ; d’autres auraient soutenu le plan initial, plus généreux.

La seule chose qui est sûre, c’est le rôle des Etats-Unis dans tout ceci : manipuler la politique iraquienne à leurs propres fins, faire voler la marmite alors que le ragoût est prêt depuis longtemps à être servi, et transformer un désordre meurtrier en chaos. Certains dirigeants iraquiens s’étaient prononcés il y a peu, bien tardivement et en colère, à propos du retrait des troupes US et se rapprochaient de l’Iran. La dernière chose dont voudrait l’administration Bush, c’est d’un gouvernement iraquien qui pourrait réellement unifier le pays et agir de façon indépendante. Khalilzad savait parfaitement cela et ce que son plan attrape-nigaud déclancherait.

En attendant, l’administration peut se vanter qu’Al-Maliki et Khalilzad ont proposé un plan de paix excellent qui a été cruellement rejeté par les « insurgés ». Cela pourrait en calmer certains parmi l’élite de la politique étrangère US qui veulent vraiment obtenir, sans tarder, le départ des troupes d’Iraq. Cela fournira sûrement de la bonne matière aux candidats républicains pour la campagne électorale. « Nous avons fait le maximum pour la paix. Mais l’ennemi ne comprend qu’une seule chose : le force qui s’impose. C’est pourquoi nous devons tenir bon... bla-bla-bla-bla. »

Israël-Palestine. Si les gens de Bush n’avaient pas été assez futés pour trouver cette combine eux-mêmes, ils auraient pu l’apprendre du gouvernement israélien. Les Israéliens aussi avaient une chance pour la paix entre les mains. Mais ils sont en train de serrer leurs poings de fer pour la mettre en pièce.

Les deux partis principaux palestiniens, le Fatah et le Hamas, avaient finalement signé un accord, parvenant à une position commune. Ensemble, ils ont proposé à Israël une trêve de longue durée et un plan de paix basé sur la négociation. Comme je l’ai rapporté précédemment, le gouvernement israélien est prêt à tout pour éviter une telle situation. Il a tué de nombreux civils ce mois-ci dans une démarche violente afin de provoquer le Hamas à des actes de violence en retour et de monter les groupes palestiniens les uns contre les autres.

Néanmoins, les modérés du Hamas ont résisté à la pression de leurs propres extrémistes poussés par Israël, et ils sont parvenus à conclure un accord avec le Fatah. Les négociateurs du Hamas ont voulu une formulation qui reste vague volontairement, pour avoir une chance de réunir le maximum de leurs membres les plus extrêmes sous cette grande tente. Mais il est certain que, comme le titrait Ha’aretz, il s’agit « d’un plan qui reconnaît implicitement Israël. »

Les Israéliens disent depuis des décennies que c’est ce qu’ils veulent le plus. Maintenant que finalement c’est arrivé, ils vont certainement montrer au monde que c’est ce qu’ils veulent le moins, car le monde les incite à négocier une fin à leur occupation de la Cisjordanie. Ils ne vont pas se caler dans leur fauteuil et laisser faire.

Heureusement pour les Israéliens, un groupe palestinien (avec quelques membres du Hamas apparemment) a attaqué un avant-poste militaire israélien, tuant deux soldats israéliens et en capturant un troisième. Ces Palestiniens ont voulu saborder le plan de paix naissant, tout comme les Israéliens le veulent. Maintenant, les responsables politiques du Hamas, du Premier ministre à la base, sont occupés à essayer d’obtenir la libération du soldat capturé et à remettre le processus de paix sur les rails. Un autre titre d’Ha’aretz récapitule justement : « Le fossé se creuse entre les branches militaires et politiques du Hamas ».

Si les dirigeants israéliens avaient voulu réellement la paix, ils se seraient expliqué devant le monde et diraient : « Nous sommes heureux que les modérés politiques du Hamas aient fait l’unité avec le Fatah. Nous sommes prêts à discuter du plan que le gouvernement palestinien a élaboré. » Les sondages montrent que 90 % des Palestiniens soutiennent ce plan, qui appelle à deux Etats vivant pacifiquement côte à côte, aussi longtemps qu’Israël montrera un réel désir de paix.

Etant donné que les responsables israéliens ne veulent pas la paix, ils accusent de l’attaque, tout le mouvement du Hamas. Bien que ce fut un acte de guerre - le genre de chose que les soldats américains en Iraq réalisent tous les jours - les Israéliens le dénoncent comme un outrage moral qui les autorise à répondre par une violence énorme contre le gouvernement palestinien tout entier. Cela fait du gouvernement israélien le partenaire des Palestiniens qui ne veulent pas la paix, condamnant les espoirs de paix comme ils le savent bien.

Après tout, là est toute la question. Tout comme le plan de paix manigancé par l’ambassadeur US en Iraq peut avoir été conçu intentionnellement pour condamner les espoirs de paix là-bas.

Les types avec les gros pistolets ont une bonne raison pour descendre la fine colombe de la paix. Ils ont fabriqué les pistolets les plus gros pour prouver au monde - et le plus souvent, je suppose, à eux-mêmes - à quel point ils sont vraiment forts. Et il leur faut le prouver. Aussi, ils ont besoin d’un ennemi sur lequel ils peuvent tirer. S’ils peuvent faire qu’il leur ressemble pour traiter les chances de paix, alors ils se seront donné une justification morale pour couvrir leurs actes immoraux et continuer la guerre.

Ira Chernus est professeur d’Etudes religieuses à l’université du Colorado à Boulder, et auteur de "La non violence américaine : l’histoire d’une idée" ; mel : chernus@colorado.edu - 2006 CommonDream.org

vendredi 30 juin 2006 - http://www.imemc.org/index.php?opti...
Traduction : JPP


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