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Les empreintes digitales d’Israël apparaissent dans l’assassinat de Hariri

vendredi 30 juillet 2010 - 07h:17

Rannie Amiri

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Au Moyen-Orient, le lien entre les machinations politiques, l’espionnage et les assassinats est soit clair comme de l’eau de roche, soit clair comme de l’eau trouble.
Pour ce qui est de l’assassinat, en février 2005, du premier ministre libanais Rafiq Hariri, affaire toujours pas résolue, l’eau pourrait devenir plus limpide.

Des enquêtes au sujet des réseaux d’espions israéliens travaillant au Liban ont conduit à plus de 70 arrestations ces 18 derniers mois. Parmi les personnes appréhendées, il y a quatre officiers de haut rang de l’armée libanaise et de la sécurité générale, dont l’un a espionné pour le Mossad depuis 1984.

L’enquête en cours a fait une percée importante en juin dernier aboutissant à l’arrestation de Charbel Qazzi, chef des transmissions et des émissions chez Alfa, l’un des deux opérateurs publics de téléphonie mobile.

Selon le quotidien libanais As-Safir, Qazzi a avoué avoir installé des programmes informatiques et planté des puces électroniques dans les transmetteurs d’Alfa. Les renseignements israéliens pouvaient ainsi les utiliser pour surveiller les communications, localiser et cibler les individus qu’il voulait assassiner et éventuellement déployer des virus capables d’effacer l’information enregistrée lors des communications. La collaboration de Qazzi avec Israël remonterait à 14 ans.

Le 12 juillet, il y a eu une deuxième arrestation chez Alfa. Tarek al-Raba’a, ingénieur et associé de Qazzi, a été appréhendé au motif d’espionnage pour Israël et pour avoir compromis la sécurité nationale. Quelques jours plus tard, un troisième employé d’Alfa a également été arrêté.

Israël a refusé de commenter les arrestations. Néanmoins, le fait qu’il ait pu apparemment pénétrer dans le secteur militaire et des télécommunications a ému le pays et suscité des inquiétudes quant à la sécurité.

Qu’est-ce que ceci a à voir avec l’assassinat de Hariri ?

Outre les conséquences de toute évidence nuisibles de la collaboration d’ officiers militaires libanais de haut rang avec Israël, c’est la légitimité même du tribunal spécial pour le Liban (STL) qui est maintenant en cause. Le tribunal, organe approuvé par les Nations unies, a été chargé d’assigner en justice les responsables de l’assassinat de l’ancien premier ministre. Le 14 février 2005, une tonne d’explosifs a tué Hariri et 21 autres personnes sur le passage de leur caravane de voitures.

On croit que le STL émettra les actes d’accusation début septembre - en s’appuyant considérablement sur les enregistrements téléphoniques et les transmissions par téléphone mobile.

Selon l’AFP, « dans son rapport préliminaire, l’équipe d’enquêteurs des Nations unies disait avoir rassemblé comme preuves des données d’appels par téléphone mobile effectués le jour de l’assassinat de Hariri.

Le National a relaté de même que « l’enquête internationale, qui pourrait aboutir à des inculpations ou à des conclusions dès septembre, aurait selon des articles de presse non vérifiés, utilisé des relevés d’appels téléphoniques pour conclure qu’il y avait eu complot pour tuer Hariri, impliquant largement la Syrie et ses alliés libanais.... »

Le 16 juillet, dans une allocution télévisée, le secrétaire général du Hezbollah, Sayyid Hassan Nasrallah, a suggéré que le tribunal utiliserait de l’information obtenue à partir de communications falsifiées par les Israéliens afin d’impliquer à tort son groupe dans l’assassinat du premier ministre :

« Dans leur analyse de l’inculpation, certains comptent sur des témoignages, dont certains se sont révélés faux, et sur des réseaux de télécommunications qui ont été infiltrés par des espions qui peuvent modifier et manipuler les données.

« Avant la guerre (de 2006), ces espions ont donné d’importantes informations à l’ennemi israélien et à partir de cette information Israël a bombardé des bâtiments, des maisons, des usines et des institutions. Beaucoup de martyrs sont morts et beaucoup d’autres ont été blessés. Ces espions sont complices de massacres, de crimes, de menaces et de l’exode de personnes.

Nasrallah a dit que la manipulation du STL est un « projet israélien » visant à semer le trouble au Liban.

Effectivement, en mai 2008, le Liban en a eu un avant-goût. Au comble du blocage de 18 mois concernant la formation d’un gouvernement d’unité nationale sous l’autorité du premier ministre de l’époque, Fouad Siniora, la décision de son cabinet de déclarer unilatéralement illégal le système de téléphonie fixe du Hezbollah a poussé le pays au bord de la guerre civile.

Reconnaissant l’importance de sécuriser leurs lignes de communication durant les combats contre l’envahisseur israélien en juillet 2006 et soupçonnant que les télécommunications publiques étaient corrompues, le Hezbollah a rejeté les plans de Siniora visant à démanteler son réseau. Ses membres se sont rapidement déployés à Beyrouth-Ouest et ont mis fin au plan du gouvernement. Deux années plus tard, ces soupçons se sont apparemment confirmés.

Michel Aoun, député de l’opposition et dirigeant du Mouvement patriotique libre a déjà prévenu Nasrallah que le tribunal inculpera probablement des membres « incontrôlés » du Hezbollah et il s’ensuivra « .... des tensions libano-libanaises et entre Libanais et Palestiniens ainsi qu’une guerre israélienne contre le Liban ».

Confirmant les assertions de Nasrallah et d’Aoun, le commandant en chef des forces de défense israélienne, Gaby Ashkenazi, a prévu « et il le souhaite de tout coeur » que la situation au Liban se détériorera en septembre après que le STL aura inculpé le Hezbollah pour l’assassinat de Hariri.

Le témoignage optimiste d’Ashkenazy, prononcé devant la commission des affaires étrangères de la Knesset, montre qu’Israël espère que le rapport du STL fomentera des troubles civils et sèmera la discorde parmi les partis libanais généralement divisés en factions pro et anti- syriennes. Si Ashkenazi peut prévoir ces conséquences, c’est parce qu’il connaît l’accès sans entraves d’Israël aux relevés téléphoniques critiques, grâce auxquels on pourra imputer faussement le crime au Hezbollah.

On a démasqué les barbouzes et les agents secrets israéliens au Liban ainsi que la manière dont ils ont infiltré le réseau de télécommunications. Le tribunal doit à tout le moins reconnaître que la preuve concernant la prétendue implication du Hezbollah dans la mort de Hariri (groupe qui a historiquement eu de bonnes relations avec l’ancien premier ministre) est totalement corrompue et a probablement été falsifiée.

L’arrestation de Qazzi et de al-Raba’a lors du démantèlement du réseau d’espionnage israélien devrait inciter le STL a porter son attention vers le seul acteur régional qui a bénéficié de l’assassinat de Hariri ; acteur qui continuera à en bénéficier s’il réalise son objectif qui est d’impliquer le Hezbollah.

Il est temps de tourner l’attention vers Tel-Aviv.

23 juillet - Cet article peut être consulté ici :
http://www.counterpunch.org/amiri07...
Traduction : Anne-Marie Goossens


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