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Une légende s’est éteinte

mardi 20 juillet 2010 - 08h:08

Omayma Abdel-Latif - Al Ahram

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Les Musulmans à travers le monde entier ont pleuré la disparition, cette semaine [le 4 juillet], d’une figure emblématique de la pensée et de la jurisprudence islamique. Omayma Abdel-Latif revient sur le parcours de l’Ayatollah Fadlullah et sur la lutte qu’il a menée tout au long de sa vie.

Le Grand Ayatollah Sayed Mohamed Hussein Fadlullah s’est éteint dimanche à Beyrouth à l’âge de 75 ans. En janvier dernier, au cours de l’un de ses prêches du vendredi, il s’était adressé à ses disciples en évoquant le « véritable Islam ».

A ce propos, il rappelle que le « véritable Islam » « nous incite à fonder nos vies sur la raison, de l’élever par les moyens du savoir et ce, pour l’enrichir et pour s’enrichir ». Ce précepte résume la personne de Fadlullah que ses disciples appellent Al-Sayed [le Monsieur], ainsi que la doctrine qu’il a embrassée, l’engageant tout au long de sa vie dans une lutte pour l’Islam.

Et c’est cette même doctrine qui lui a valu le rang et le statut d’idole dans le monde musulman à travers son immense et remarquable contribution pour la pensée et la jurisprudence islamiques. Il était considéré comme l’un des plus grands penseurs islamiques de son temps.

Mardi [6 juillet], dans le quartier sud de Beyrouth, des dizaines de milliers de personnes ont afflué pour assister aux obsèques et pour rendre un dernier hommage à un homme qui, pendant les moments sombres de la fitna (conflit ethnique) a émergé tel un flambeau dont la lumière guidait des millions de Musulmans de différentes appartenances sectaires. A une époque où très peu de figures emblématiques musulmanes étaient en mesure de favoriser et développer un rapprochement sectaire, Fadlullah en a été capable.

Fadlullah, que les médias occidentaux et non occidentaux qualifiaient comme étant un érudit Shiite, était en réalité loin d’être confiné à cette thèse car ses contributions pour le renouveau de la pensée et de la jurisprudence de l’Islam, offrant une notion originale à travers ses innombrables fatwas, étaient plus importantes que ses engagements pour la foi shiite.

De parents libanais, Fadlullah naquit en 1935 dans la ville de Najaf et grandit dans une famille d’érudits. Son père, Ayatollah Abdel-Raouf Fadlullah émigra en Irak pour poursuivre son enseignement religieux à Al-Hawza Al-Deeniya [le séminaire religieux]. Suivant les traces de son père, Fadlullah étudia chez les plus célèbres des érudits shiites, à l’instar d’Abul-Qassem Al-Khoei, Mohsen Al-Hakim et Mohamed Baqir Al-Sadr. Sa formation religieuse parachevée, Fadlullah excella dans le domaine de l’interprétation où il fit preuve d’un immense talent, inspirant ainsi un bon nombre de partisans dans les rangs des étudiants. Il retourna au Liban en 1966 pour fonder l’Institut de la Jurisprudence Islamique.

Par ailleurs, il convient de souligner qu’à travers ses prêches du vendredi, Fadlullah ne véhiculait pas seulement des enseignements religieux mais aussi politiques. En effet, le fait de ne jamais séparer la politique de la religion marquait peut-être sa particularité parmi ses pairs.

Quand il commençait ses prêches, il abordait les questions relatives à la religion, puis il poursuivait en s’exprimant sur des sujets d’actualité. Ainsi, l’essence de sa méthode d’enseignement se fondait sur trois sujets prépondérants, à savoir la lutte pour la Palestine, le combat pour l’unité des Musulmans et la résistance face à l’hégémonie américaine et au despotisme arabe.

De ce fait, il était impossible que l’un de ses prêches soit abordé sans qu’il ne recèle ces trois éléments où Fadlullah affichait toujours des connaissances impressionnantes ayant trait aux sujets d’actualité. Dans ce contexte, il réservait les critiques les plus sévères à l’encontre de la bureaucratie arabe, américaine et israélienne. C’est pourquoi, à cause de ses critiques acerbes contre les politiques américaines dans la région et l’occupation israélienne des territoires arabes, il a fait l’objet, à maintes reprises, de tentatives d’assassinat.

En effet, la plus périlleuse des tentatives remonte aux années 80 pour laquelle les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite ont été accusés. Une explosion a pris pour cible son quartier général situé à la Mosquée Al-Imam Al-Reda dans la région de Bir Al-Abad.

Au fil des années, Fadlullah était devenu un des plus éminents savants qui caractérisent la pensée islamique, et une inspiration pour le mouvement islamique naissant au Liban. Quand le Mouvement pour la Résistance Islamique (Hezbullah) a vu le jour en 1982, Fadlullah en est devenu le leader spirituel.

Cependant, et avec le temps, la relation avait fini par se compliquer. L’année 1994 est représentée comme la période la plus critique. Fadlullah s’est déclaré comme un marjie taqlid (source d’émulation) mais a refusé d’être considéré comme wilayat al-faqih (gouvernement du docte). Aussi, se considérant comme un érudit et juriste indépendant, il avait tenu à garder ses distances du Hezbullah et de la République Islamique d’Iran.

Durant toute sa vie et jusqu’à ces derniers jours, et en dépit de plusieurs campagnes de diffamation dont il a fait l’objet, Fadlullah s’est consacré pour la cause de la résistance et continuait à défendre l’Iran et le Hezbullah, s’opposant aux campagnes qui les prenaient pour cibles.

C’est ainsi que nombreux sont les partisans du Hezbullah qui continuent à imiter Fadlullah, considéré comme une source d’inspiration. Le Secrétaire Général du Hezbullah, Hassan Nasrallah avait une fois décrit la relation avec Fadlullah en confiant que son Mouvement et Sayed Fadlullah partagent la même vision et le même objectif. Aussitôt sa mort annoncée, Nasrallah a publié une déclaration en son nom, et au nom de tous les leaders de la résistance, clamant leur appartenance au cercle des disciples de Fadlullah.

Ceci étant, cette déclaration a été perçue comme une démarche désirant mettre un terme aux spéculations autour de leur relation compliquée. Pour rappel, au lendemain de l’agression israélienne contre le Liban en 2006, la voix de Fadlullah fut parmi les quelques unes qui s’étaient fait entendre dans des interviews ou lors des prêches pour réitérer leur soutien et leur aide à la résistance.

Toutefois, sa réussite la plus remarquable reste - ses partisans pourraient le confirmer - le fait qu’il ait changé, radicalement, les méthodes de dialogue et de communication entre les savants religieux et leurs sociétés. C’était un homme du peuple qui ne manquait pas de rappeler son attachement et ses relations avec ses partisans.

Enfin, si on se réfère à un de ses aveux où il déclare : « Je veux être disponible pour tous, même après mon départ », on comprendra pourquoi il avait choisi d’être enterré à la Mosquée d’Al-Emamyen Al-Hassanyein, située dans le quartier sud de Beyrouth et non pas à Najaf comme le veut la tradition.

Considéré comme un grand réformateur, Fadlullah avait un jour expliqué que la réforme « ne signifie pas ?uvrer pour l’innovation de l’Islam lui-même...l’innovation réside dans la manière de comprendre cette révélation ; en l’occurrence le Saint Coran ».

Fadlullah, une légende qui s’en va laissant derrière elle un important héritage constitué d’un réseau d’institutions sociales remarquable : neuf orphelinats, dix-huit écoles et de nombreux centres culturels et religieux au Liban, en Syrie et en Irak.

8 juillet 2010 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/100...
Traduction de l’anglais : Niha


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