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Liban : pourquoi des élections anticipées

vendredi 23 février 2007 - 19h:06

Michel Aoun

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Dans la crise où se débat actuellement le Liban, les récriminations abondent et la logique s’efface, laissant les instincts et les sentiments exacerbés prendre le dessus, quant à la définition des raisons de cette crise, de ses composantes, de ses résultats et de la manière de la résoudre.

Il devient alors impératif, à tous ceux qui s’occupent de la vie publique d’exprimer leur opinion par écrit, permettant par-là de préciser les idées et les évènements et de définir la responsabilité de l’écrivain quant au fond et à la forme.


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Le général Michel Aoun

La crise que nous subissons est le résultat d’un nombre de facteurs, qui parfois se séparent ou s’entremêlent, mais qui en tout état de cause, sont le fruit d’une mauvaise volonté, qui a pu à une certaine période, corrompre la réalité politique ; les produits qui en ont résulté ont également corrompu la relation entre les institutions constitutionnelles et les ont totalement paralysées. Aussi avons-nous perdu les références constitutionnelles qui accomplissent effectivement leur rôle, tel que prévu par notre système démocratique.

Il ne fait pas l’ombre d’un doute que les élections parlementaires sont le point de départ essentiel pour constituer l’autorité gouvernementale, et que tout vice qui entache ce processus se répercutera plus tard sur le cours des événements. Celui qui a porté atteinte à notre démocratie à l’issu du retrait des forces syriennes du Liban est la loi électorale, à l’ombre de laquelle se sont tenues des élections qui ont fait élire les perdants au sein de leurs communautés et y ont fait perdre les gagnants. Ainsi, le principe même de la représentativité fut vicié, et des pôles politiques se sont formés sur la base d’un déséquilibre essentiel. D’autres lacunes ont également accompagné les élections ; j’entends par-là les transgressions qui peuvent être considérées comme base pour l’invalidation des résultats. Cependant, la dissolution du Conseil Constitutionnel a empêché l’examen des sièges controversés, et voilà comment s’est établie une majorité illusoire qui ne serait que minorité si le Conseil Constitutionnel avait pu statuer sur lesdites invalidations.

Dans les systèmes démocratiques, des élections se tiennent à l’issu de l’effondrement des grandes alliances politiques qui constituent la majorité au pouvoir, et c’est précisément ce qui a eu lieu avec l’alliance quadripartite -produit des dernières élections parlementaires- et sur la base de laquelle le gouvernement actuel s’est formé. Il est également d’usage, dans les systèmes démocratiques, d’avoir recours à un sondage du peuple à travers des élections qui se tiennent lorsque de grands changements surviennent dans le pays. Comment écarter une telle option au Liban, alors que le pays était victime d’une guerre qui a manqué de le démembrer, et qui s’est accompagnée de positions politiques tellement divergentes et conflictuelles qu’elles ont énormément affecté les opinions, les positions, les orientations, voire même les convictions de ses citoyens. A ceci viennent s’ajouter des manifestations populaires inégalées dans le pays de l’aveu même des historiens et des observateurs, doublées du premier sit-in de l’histoire de notre pays qui entame aujourd’hui son troisième mois.

Quant au gouvernement, nous pouvons affirmer sans crainte qu’il s’évertue en paroles et promesses et se distingue par sa non productivité et son incapacité jusqu’à présent, à tenir aucun de ses engagements, allant même parfois à les dénigrer, ainsi a-t-il renié les clauses de la déclaration ministérielle, notamment pour ce qui concerne la prise en charge politique des actions de la Résistance, et l’activation du Conseil Constitutionnel. De plus, et dans le même esprit d’inefficacité, il a élaboré pour « la Conférence de Paris 3 » une feuille de réformes économiques, ignorée par les conférenciers qui lui ont préféré des alternatives et des principes plus sérieux et plus efficaces. Il y va de même pour la loi électorale longuement promise et qui constitue en soi un devoir de réforme, mais qui pour le gouvernement est un outil de marchandage. Cependant, le plus grave de tout cela demeure la politisation des administrations transformées en organes électoraux qui, au lieu d’être au service de tous les citoyens, attisent les esprits partisans et confessionnels.

Si nous choisissons de passer outre les griefs sus-mentionnés, il est néanmoins de notre devoir de présenter au lecteur la destruction systématique des fondements même du pouvoir, à savoir la Constitution libanaise dont le texte, l’esprit, les coutumes et les traditions sont bafoués par les pratiques du gouvernement ; en effet, sans la Constitution, nous serons revenus aux systèmes primitifs révolus, ou aux systèmes mafieux modernes, et la majorité au pouvoir se transformerait en une tribu d’un autre age ou bien en une mafia de la ville de Chicago des années 30. C’est devant les transgressions répétées de la Constitution que nous nous sommes permis de brosser ce tableau de la situation du pouvoir. Commençons par ordre chronologique à citer les violations de la Constitution et le dénigrement de cette charte qui non seulement englobe les principaux textes relatifs à l’exercice du pouvoir, mais constitue également la base et la référence de tout pouvoir qui cherche à préserver sa légitimité.

Immédiatement, après le « vote de confiance » au parlement, le gouvernement a fait dissoudre le Conseil Constitutionnel, qu’il s’était pourtant engagé à consolider, violant ainsi l’article 19 de la Constitution. Au début de la session parlementaire en octobre 2005, ce même gouvernement devait présenter le budget pour l’exercice 2006, mais ne l’a pas fait, il a également réitéré cette violation en 2006 en ne présentant pas le budget pour l’exercice 2007, enfreignant ainsi l’article 83 de la Constitution. De plus, et à peine le Président de la République eut-il signé les décrets de la formation du gouvernement que celui-ci se retourna contre lui, et qu’un nombre de ministres se mit à comploter avec certains ambassadeurs pour boycotter le Chef de l’Etat et traiter directement avec le chef du gouvernement. Dans ce même esprit, le Premier Ministre s’est permis lors du dernier sommet de la francophonie, de recevoir directement une invitation qui aurait due être destinée au Chef de l’Etat, violant ainsi l’article 49 de la Constitution.

Le gouvernement ne s’est pas contenté de ce nombre de violations des articles constitutionnels, mais il a persévéré en essayant de ratifier le projet du Tribunal à Caractère International, transgressant ainsi l’article 52 de la Constitution selon lequel il appartient au Président de la République de négocier et de ratifier les traités internationaux. Enfin, et suite à la démission des ministres chiites, le gouvernement a perdu sa légitimité en enfreignant l’article 95 de la Constitution et le paragraphe J du Préambule de la Constitution qui stipule littéralement « Aucune légitimité n’est reconnue à un quelconque pouvoir qui contredise le pacte de vie commune ». Dans le même contexte, la participation chrétienne au pouvoir manque de représentativité, et les chrétiens sont devenus des faux témoins sans efficacité aucune, imitant ainsi la plupart de leurs pairs à l’époque de la tutelle.

En dépit de tout ce qui a était dit dans cet article, les pontifes de la démocratie dans le monde continuent de nous prodiguer leurs conseils à ?uvrer dans le cadre des institutions constitutionnelles que le gouvernement a délibérément vidé de tout sens. Aussi nous trouvons-nous dans l’obligation de rendre ces conseils avec nos remerciements. Beyrouth mère des lois, sait bien interpréter les lois et les constitutions, et n’a pas besoin de guidage en la matière, mais plutôt de voir cesser les ingérences dans ses affaires, alors laissez-la en paix... Et permettez-nous au moins, de nous occuper de nos propres affaires un peu plus que vous ne le faites.


Rabieh, le 7 février 2007

Tayyar.org, le 12 février 2007


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