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Au-delà de l’hypocrisie

jeudi 15 juillet 2010 - 05h:59

Mark Levine - Al Jazeera

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Rappel : les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n’engagent que leurs auteurs. Cet article de Mark Lévine est discutable par bien des aspects, mais l’intérêt de le publier réside dans sa description précise des manoeuvres israéliennes face au tollé général provoqué par l’acte de piratage contre la Flottille de la Liberté.

Il y a presque 2 000 ans, le génial leader et grand stratège militaire chinois Zhuge Liang avertissait les soldats de son armée que « quand l’hypocrisie prend le dessus, même si vous avez la sagesse des antiques rois guerriers, vous ne pourrez battre un paysan sans qu’une horde ne vous assaille ».

Il aurait pu ajouter que l’hypocrisie est aussi nuisible pour les paysans qui se battent pour leur liberté que pour le roi qui la leur refuse.

Ce qui nous rapporte à une question que trop peu de spécialistes, hommes politiques et militants ont pris en compte en essayant de résoudre une grande partie du conflit frustrant du Moyen-Orient : que se passe-t-il quand tous les acteurs d’un conflit s’embourbent tellement dans l’hypocrisie que personne ne peut trouver le chemin d’une solution ?

Une limite à la force

Il est facile de voir que l’hypocrisie est le pouvoir. Cela ne coûte rien de confronter la rhétorique sur la démocratie et la liberté des successives administrations américaines à la réalité de la guerre, de l’occupation et du soutien aux régimes corrompus et oppressifs.

De même, les déclarations de routine d’Israël pour arriver à une résolution de paix au conflit avec les Palestiniens sont facilement contredites par ses actions sur le terrain dans les territoires occupés.

D’un autre coté, les puissances émergentes comme la Chine sont tour à tour critiquées pour leur manque d’hypocrisie politique et diplomatique. Ils font des affaires avec presque tous les gouvernements tant que cela convient à leurs intérêts stratégiques sans la prétention de blâmer ses partenaires à propos des droits de l’homme ou d’autres libertés fondamentales.

L’hypocrisie reste cependant néfaste à la gouvernance démocratique dans les « démocraties impérialistes » déchirées par la guerre comme les Etats-Unis, elle peut servir de contrôle utile sur le déploiement naissant de puissance politique. Le besoin de sembler suivre certaines normes et certains idéaux auto-décrits émet des limites à l’utilisation de la force ; c’est une des raisons-clés du développement de la nouvelle contre-insurrection américaine déployée en Irak et en Afghanistan.

En fait, selon la désormais tristement célèbre révélation de Rolling Stone, une des choses qui a rendu impopulaire le Général Stanley McChrystal’s aux yeux d’une grande partie de ses troupes était qu’il insistait pour que ses hommes changent leur attitude pour épargner les civils afghans, même si cela signifiait pour eux se mettre en plus grand danger pendant les opérations militaires.

Hypocrisie et pouvoir

Mais, qu’arrive-t-il quand le plus faible, du côté opprimé et assiégé dans le conflit, ou ceux qui le soutiennent, s’engagent aussi dans l’hypocrisie ?

L’hypocrisie est toujours une arme à double tranchant ; mais dans le cas de combats anticoloniaux, chaque coté de la lame frappe le faible plus profondément.

L’administration Bush avait clairement déployé une rhétorique de démocratie hypocrite en Irak car il revêtait le tout de légitimé pour permettre aux Etats-Unis d’occuper de façon permanente le pays. Le comportement schizophrène des différents groupes sunnites et chiites a permis aux Etats-Unis de conforter leur position en Irak.

Dans les territoires occupés de Palestine, l’hypocrisie du gouvernement israélien surplombant le processus de paix a fourni juste assez de légitimité pour assurer la passivité de la majorité du public juif israélien, et aussi important, le soutien de la politique américaine et des groupes médiatiques.

Pour leur part, les Palestiniens ne se sont pas permis le luxe de l’hypocrisie. La duplicité et les incohérences morales de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et des leaders du Hamas - plaidant pour la démocratie et la responsabilité alors que règnent la violence et la corruption - dans leur soutien, en anglais, d’une solution à deux Etats tout en tenant un discours plus radical en arabe, ont été consciencieusement exploités par Israël pour déclarer que la plupart des discours de paix palestiniens était des mensonges, ou au moins, étaient irréalistes.

Peser le pour et le contre

La tragédie de la flottille de Gaza avec l’assassinat de neuf militants turcs par les commandos israéliens offre une vision objective du calcul avantages/inconvénients de l’hypocrisie quand ils sont engagés, ici, pour les Palestiniens. Et c’est une chose que les futures flottilles feraient bien de prendre en compte.

Pendant que la vaste majorité des militants engagés dans la flottille s’en remettait à la non-violence, un groupe bien organisé d’une douzaine d’activistes du mouvement IHH, comme l’a révélé le capitaine du Mavi Marmara et la vidéo prise à bord avant le lancement du raid, projetait d’attaquer les commandos israéliens dès leur abordage, ce qui prouve une certaine hypocrisie de la part de la flottille.

Pourquoi une mission humanitaire pacifiste et non-violente attaquerait violemment des soldats ? Le gouvernement israélien et ses partisans souhaitent discréditer ou, au moins, remettre en question les fondements de cette mission dans les secteurs cruciaux des médias israéliens et américains ainsi qu’au niveau du monde politique.

Comme l’explique l’expert en non-violence Michael Nagler, à qui les organisateurs de la flottille ont demandé conseil sur la façon de gérer une telle situation : « Notre vision est que... dans la non-violence, comme dans beaucoup d’autres activités, c’est une mauvaise idée de faire deux choses à la fois. Pourtant, mélanger l’aide avec à bord des personnes controversées n’est rien comparé à ce qui peut être évité de part et d’autre : confondre la non-violence avec la violence. »

Faire deux choses à la fois, en particulier confondre violence et non-violence, a offert à Israël le prétexte dont il avait besoin pour défier la flottille tout entière.

« Une fois de plus, Israël fait face à l’hypocrisie et au mode de jugement biaisé », a déclaré le premier ministre israélien pour légitimer les agissements des commandos.

Plus tard, il a suggéré que les militants de la flottille devraient naviguer vers Téhéran, lâchant : « J’appelle tous les militants des droits de l’homme du monde à aller à Téhéran, c’est là-bas qu’il y a des violations des droits de l’homme. »

La talonnette de la vérité

Netanyahu est dans le vrai.

Le gouvernement iranien, qui a apporté son soutien inconditionnel à la flottille et menacé d’envoyer ses propres bateaux escorter la prochaine, viole de manière flagrante les droits humains élementaires, civils et politiques de ses citoyens.

Les activistes pour la paix et la démocratie devraient régulièrement envoyer des flottilles en Iran en solidarité avec les mouvements pour la démocratie sur place. Ils pourraient certainement en envoyer une à Larakia, le principal port méditerranéen de Syrie, depuis le soutien affirmé du régime du président syrien Bashar al-Assad, pour la flottille, et qui n’est certainement pas régie pas ses propres règles autocratiques.

Et pourquoi ne pas continuer avec la Turquie, dont le gouvernement a fourni le soutien le plus direct à la flottille ? Il n’est certainement pas cohérent de critiquer l’occupation israélienne et ses supposées violations de droits de l’homme quand la Turquie continue de poursuivre ses propres citoyens, comme le célèbre chanteur kurde Ferhat Tunç, simplement pour ses idées politiques. Plus largement, la Turquie refuse de reconnaître les droits nationaux de sa population kurde - dont l’identité ethnique et linguistique est plus ancienne que celle des Palestiniens - et tant pis pour le génocide arménien.

De manière cruciale, cette petite talonnette de vérité a permis à Netanyahu d’appuyer à l’endroit de la condamnation universelle à propos de l’assaut israélien sur la flottille et de son siège sur Gaza, créant une brèche pour continuer à déployer la rhétorique israélienne de base décrivant quiconque soutenant les Palestiniens comme « opposé à la paix », et en déclarant à tort que ni les Etats arabes ni les Palestiniens ont la volonté de s’engager dans des « négociations directes ».

La plupart des gens dans le monde n’acceptent pas ses arguments, mais la plupart des gens dans le monde ne sont pas la cible de ses arguments, qui se limitent à deux électorats cruciaux - les citoyens juifs israéliens et la diaspora juive d’une part, et les gouvernements amis et les groupes de médias, principalement aux Etats-Unis et en Europe Occidentale, de l’autre.

En effet, aux Etats-Unis, le président américain Barack Obama, a fait tout son possible pour prévenir Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre turc, que son soutien pour une enquête internationale sur la mort des neuf militants « pourrait avoir des conséquences négatives pour la Turquie, » principalement parce que cela pourrait « provoquer des dommages collatéraux » si des enquêteurs creusaient trop profondément le soutien du gouvernement à IHH.

Pire encore, le mélange de la violence, si léger soit-il, avec la non-violence a provoqué la remise en question de la sagesse des groupes d’aide participant aux prochaines expéditions.

Un militants chevronné dans un des groupes américains qui a aidé à organiser les premiers préparatifs a expliqué : »"Nous avons vraiment remis en question la possibilité d’une participation à une autre flottille, parce que regardez d’où viens l’argent (du groupe IHH). [Nous ne déplorons] pas seulement la violence de l’abordage d’un des bateau, mais l’hypocrisie de l’IHH qui prêche l’aide humanitaire pendant qu’elle s’engage dans une rhétorique violente et des actions qui nous forcent à suspendre précisément le travail qui a le plus besoin d’être fait ou qui risque de nous aliéner nos propres partisans. »

Opposer les flottilles

Les Israéliens ont aussi profité des accusations d’hypocrisie de Netanyahu. Peu après l’abordage sanglant du Mavi Marmara, l’Union des Etudiants Universitaires Israéliens a déclaré son intention de créer sa propre flottille, premièrement pour naviguer à la rencontre de la prochaine flottille d’aide et leur demander pourquoi ils sont obsédés par Israël quand leur propre gouvernement a tant de sang dans les mains. Ils veulent aussi si possible naviguer vers la Turquie en signe de soutien à la population kurde.

« Le but de notre flottille est de montrer l’hypocrisie des organisateurs de la flottille de Gaza, » a expliqué Boaz Toporovsky, avocat stagiaire et président de l’Union.

« Ils montrent une réalité virtuelle, mais nous voulons la paix, et nous savons que tout le monde, Juifs et Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza veulent la paix. Mais nous avons besoin de montrer que nous sommes des gens pacifiques, pas de vicieux conquérants comme nous affublent les médias, alors nous viendrons sans bâtons, sans cailloux, sans lance-pierres. Nous souhaitons faire remarquer que Gaza n’est pas le plus gros problème du monde. »

Pour Toporovski, le problème kurde est important. « Nous essayons de montrer la réaction exagérée de la Turquie. Elle occupe, elle tue, elle assiège le Kurdistan et oppresse sa population. Elle occupe le nord de Chypre et procède au nettoyage ethnique. Et ce, pendant que les activistes turcs ont le droit de parler de Gaza, je pense que quand on critique les actes des autres, il faut d’abord montrer l’exemple en balayant devant chez soi. »

L’hypocrisie s’inscrit sur toutes les flottilles pour Gaza aussi loin que Toporovsky se sent concerné. « Un tiers des Israéliens est sous la menace des missiles du Hamas. Je ne connais aucun Etat souverain qui laisserait des missiles l’attaquer régulièrement. Les Etats-Unis feraient la même chose que nous si la côte ouest subissait la même menace depuis le Mexique. Tous les autre pays feraient la même chose d’ailleurs. »

Faire front commun

Toporovski n’a certainement pas tort dans sa dernière déclaration. Mais évidemment, sa justification est précisément celle utilisée par le Hezbollah et le Hamas pour leurs actions militaires contre Israël en réponse à la violence et à l’occupation israélienne.

Il semble flairer le problème, car il continuait d’expliquer que les membres de son propre groupe « parlent tout le temps d’hypocrisie. »

« Il y a une partie de la population qui ne reconnait pas les droits des Palestiniens à avoir un pays et une partie du gouvernement qui veut développer autant de colonies que possible. »

« Mais ce n’est pas un problème pour la flottille. Pour la flottille, on se concentre sur l’hypocrisie du monde. »

Israël est, bien sûr, un pays du monde comme un autre. Et dans ce contexte, ni Toporovski ni les organisateurs de la flottille de Gaza n’ont considéré une troisième alternative pour se focaliser sur la ou les autres formes d’oppression : Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir de flottille pour Gaza et Istanbul, ou la ville portuaire iranienne de Bandar Lengeh ? Pourquoi les activistes de toute part ne peuvent pas faire front commun pour casser le siège de Gaza, exiger une plus grande reconnaissance des droits des Kurdes et la démocratie en Iran ?

Une telle stratégie, de regarder les nombreux conflits et les luttes de la région d’un point de vue global bourgeonne petit à petit dans l’esprit des militants de la région. C’est peut-être un des rares développements positifs dans l’ère post-11 septembre.

Alors qu’il y a dix ans, il y avait très peu de mouvements israéliens ou juifs de la diaspora poursuivant activement un calendrier de paix et de justice vis-à-vis des Palestiniens et fustigeant ouvertement les discours d’officiels israéliens, il est aujourd’hui difficile de compter sans tous les nouveaux groupes qui ont pour but de défier l’occupation et les « colons du Judaïsme » qui la permettent.

Ils font remarquer que la Torah interdit spécifiquement de déraciner des arbres portant des fruits, une tactique majeure que les colons utilisent à l’encontre des Palestiniens et ils citent le Prophète Isaiah exigeant que le Peuple d’Israël « se libèrent des chaînes de l’oppression... Laissez l’exploité partir libre, cassez tous les chaines. »

De la même façon, les militants musulmans s’inspirent de la nature essentiellement « orthopraxique » de l’Islam, qui exige le comportement éthique le plus approprié pour la pratique religieuse, afin de combattre la fétichisation de la violence parmi les militants.

Les chrétiens, particulièrement ceux de Palestine, regardent la vie de Jésus comme un modèle d’action directe non-violente contre l’injustice.

Une stratégie non-violente globale

Mais il y a une différence entre l’inspiration religieuse et le développement d’une stratégie cohérente de résistance globale non-violente contre l’oppression. Un tel changement est, en fait, dans le c ?ur de toutes les stratégies de résistance non-violente du Mahatma Gandhi et de Martin Luther King.

Une phrase célèbre de Gandhi disait que la non-violence était plus difficile que la violence et portait à l’infini vers plus de patience et de discipline.

Son disciple Martin Luther King était spécialement destiné au rôle d’hypocrite en subissant le racisme aux Etats-Unis. Il a développé une stratégie d’action directe de non-violence dont l’objectif était précisément de révéler les « tensions » au sein de la société américaine qui provoquait l’oppression sur les Noirs, et ainsi de créer « une telle crise et d’instaurer une telle tension que les communautés qui se sont toujours refusées à négocier seront forcées de s’attaquer au problème. »

Martin Luther King a décrit cette stratégie comme « une contrainte passive » - en utilisant les boycotts, les grèves massives, l’éducation et d’autres formes de confrontation militante qui a forcé le reste des Etats-Unis de prendre conscience de la réalité du racisme institutionnalisé.

Les protestataires qui aujourd’hui mélangeraient, même légèrement, violence et non-violence n’ont pas compris qu’une fois que le miroir est brisé, il ne sert pour ainsi dire plus à rien de le mettre devant la société pour mettre en relief sa propre hypocrisie et sa propre injustice.

De plus, la violence, même quand elle est essentiellement symbolique - comme sur la flottille de Gaza, ou même le théâtre des jets de pierres qui symbolisait la stratégie non-violente de la Première Intifada - fait qu’il est plus difficile de coincer un oppresseur avec ses propres contradictions parce que la violence en crée de manière inhérente de nouvelles des deux cotés ce qui éclipsent les raisons des tensions.

Les leçons tirées de la Première Intifada

Une des principales questions en cours se rapportant à la Première Intifada est l’utilisation omniprésente du jet de pierres.

Beaucoup d’analystes internes et externes à la société palestinienne déclarent que la violence théâtrale des jets de pierres a finalement affaibli l’Intifada puisque c’est devenu une part d’un spectre qui a instauré une violence de plus en plus manifeste à l’encontre d’autres Palestiniens et des Israéliens et a engendré un bilan physique lourd sur la population palestinienne.

Les militants palestiniens comme Mubarak Awad, un des premiers partisans de la non-violence palestinienne, a longtemps tenté de mettre en place des stratégies similaires dans les territoires occupés. Et Israël, comprenant le danger qu’ils représentent, a régulièrement déployé une violence appuyée en réponse, comme les assassinats quotidiens de protestataires sans armes dans les manifestations contre les colonies ou contre le mur de séparation.

Beaucoup de leaders palestiniens ont adopté la non-violence comme une tactique efficace mais peu souhaitent l’adopter comme stratégie primaire, car selon les mots d’un leader, cela mettrait en évidence les faiblesses face à un adversaire qui ne connait que le langage de la force et de la puissance.

Ce que la philosophie de Martin Luther King et des groupes contemporains qui exercent la non-violence telle que la Rickus Society - dont se sont en fait rapprochés des groupes palestiniens pour l’entrainement - nous dit qu’un engagement de non-violence doit aller droit au c ?ur de la société s’il souhaite réussir à long-terme. Quand ils doivent faire face à la non-violence, les oppresseurs amplifient habituellement leur violence jusqu’à ce que quelque chose se casse dans la société tout entière qui remet en cause la légitimité de tout un système qui s’écroule.

La question est de savoir si on se rapproche de cette configuration entre Israël et la Palestine. Le succès des différentes formes de non-violence telles que l’élargissement du mouvement de boycott et les flottilles de Gaza ont même mené le Hamas et le Hezbollah à faire connaître leur avis du pouvoir de la résistance non-violente qu’ils jugeraient comme une stratégie potentiellement plus efficace que la violence envers Israël.

Il y a seulement quelques années, une telle situation était inconcevable.

Les obstacles pour qu’une telle conscience devienne une stratégie bien développée sont toutefois importants.

Pour sa philosophie, la non-violence exige qu’on ne voie plus l’oppresseur comme un ennemi mais comme un « frère malade » qui a besoin d’amour pour briser la résistance. A cause de cela, l’action non-violente engagée dans la violence et la haine, comme c’est arrivé dans le Mavi Marmara, ne va pas réussir à vaincre la violence, précisément parce que ceux qui le pratiquent ne comprennent pas la nécessité d’auto-transformation aussi bien que la transformation de l’adversaire.

Au-delà du nationalisme

Voir un ennemi comme un frère ou une s ?ur n’est pas simplement difficile à faire psychologiquement, cela présente une menace directe aux idéologies entières à la base des conflits du Moyen-Orient, particulièrement le conflit israélo-palestinien.

Puisque personne d’autre que Rav Avraham Isaac Kook, considéré comme un père spiritual du sionisme de droite, n’a fait remarquer il y a 70 ans que : « La pensée primaire du nationalisme est méprisable pour Dieu, pour qui l’humanité est égale. Le but est de trouver la vraie raison des créations de Dieu. La vraie justice signifie qu’on regarde avec la même préoccupation l’avancement de la race humaine entière. »

Kook lui-même était incapable de l’admettre avec son soutien pour un nationalisme qui, il l’a compris, mènerait les sionistes à « recevoir l’impression erronée que la Torah approuve cette attitude, par laquelle on devrait assigner une plus grande valeur au bien-être de notre propre peuple plutôt qu’à celui des autres. »

A ce jour, la majorité des juifs, musulmans, chrétiens et des autres communautés continuent d’interpréter leurs textes religieux d’une façon qui approuve le même chauvinisme et les identités étroites contre lesquels toutes les grandes religions, dans leur essence, prêchent.

Finalement, une nouvelle génération émerge et tente de retourner aux textes et d’en retirer toutes les formes de sagesse qui soutiendraient la transformation non-violente au sein et entre leur société.

Reste à voir si cette perspicacité est arrivée trop tard pour sauver les Israéliens et les Palestiniens entre eux, mais il est clair que ceux qui ont choisi ce chemin méritent le soutien de tout le monde qui ne souhaite que la paix et la résolution du conflit israélo-palestinien, et tous ceux de la région.

* Mark LeVine est un professeur d’histoire à l’UC Irvine et un enseignant-chercheur au Centre pour les Etudes du Moyen-Orient au Lund University de Suède. Ses derniers livres sont Heavy Metal Islam et Umpossible Peace : Israël/Palestine since 1989.

6 juillet 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/focus/...
Traduction de l’anglais : Yazid Slaim


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