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L’attaque de la flottille par Israël viole le droit international

mardi 29 juin 2010 - 06h:26

Jinan Bastaki

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A la suite de l’attaque israélienne contre la flottille de la Liberté qui a provoqué la mort de neuf personnes et un grand nombre de blessés, chaque partie affirme que leurs actions étaient protégées par le droit international.

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La flotte israélienne a le droit, comme tout autre flotte, de naviguer en Méditerranée en dehors des eaux territoriales des Etats riverains. Mais s’attaquer à des navires civils comme elle l’a fait à quatre reprises au cours des derniers mois, est un acte de piraterie qui relève des tribunaux maritimes.

Pendant que les Israéliens parlent de légitime défense, les activistes de la flottille de la Liberté répètent qu’ils sont des pacifistes participant à une mission humanitaire et qu’ils ont été attaqués dans les eaux internationale, où Israël n’a aucune autorité (ni aucun autre pays, d’ailleurs). Cela a rendu la situation complexe, particulièrement à cause de la vaste médiatisation donnée par les officiels israéliens par tous les outils de communication. Toutefois, tout le monde sait qu’Israël n’a aucune autorité sur les règles établies par le droit international, et que cet Etat n’avait aucun droit d’attaquer un convoi pacifique dans les eaux internationales ; et que cette attaque constitue en effet un crime international voire même un crime de guerre.

L’argument israélien part du principe que le blocus sur Gaza est justifié, qu’”il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza”, et que par conséquent, comme Israël est en guerre contre le Hamas, intercepter la flottille était justifié. Cela est cité dans le Manuel San Remo sur le droit international appliqué aux conflits armés en mer, qui établit dans le Section II que le blocus est une méthode légitime de guerre. Dans une interview donnée à Al-Jazeera, Mark Regev, porte-parole du Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu, affirme qu’ »Israël est en guerre avec le Hamas ». Fondé sur une subjective lecture du Manuel San Remo, Israël considère que la flottille peut contrevenir à ce blocus, et qu’il peut, en application de l’article 98, prendre le contrôle des bateaux. Mais cela est-il vraiment écrit noir sur blanc ?

Pour le savoir, nous devons vérifier si le blocus est effectivement une méthode légitime à l’Etat d’Israël pour se défendre du Hamas. L’article 102 du Manuel San Remo établie que tout blocus est interdit si les dommages provoqués sur les populations civiles sont excessifs par rapport à l’avantage militaire. Un rapport de 2009 du Conseil des Droits de l’Hommes des Nations Unies montrait que les restrictions imposées par Israël sur les importations et les exportations sur Gaza étaient peu claires et souvent contradictoires, les civils se voyant refuser une nutrition adéquate. Des produits sont arbitrairement interdits, parmi lesquels la sauge, la cardamome, le gingembre, la confiture, la viande fraîche et les cannes à pêche, entre autres. Bien que les aides à destination de Gaza soient importantes, Israël ne permet pas qu’une quantité suffisante y soit acheminée. Cela représente une infraction de l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève, qui interdit les punitions collectives. Rien ne pourrait être plus claire que la déclaration du Cabinet de Sécurité israélien qui considère Gaza comme un « territoire hostile », ils restreignent la circulation des hommes et des biens, ce qui nuit effectivement au gagne-pain des simples civils. En Mars 2009, 65% de la population vivaient sous le seuil de pauvreté, et 37% dans un état d’extrême pauvreté. Le rapport des Nations Unies estime que « dans la mesure où il constitue une punition collective pour toutes les personnes vivant à Gaza, y compris les civils, le blocus est en lui-même une violation du droit humanitaire international ».
Considérer que le blocus est en lui-même illégal signifie que l’ONU a demandé à Israël de lever le blocus, le Manuel San Remo étant inapplicable puisqu’il ne s’applique qu’aux blocus légaux. L’article 103 ne prend effet que si un blocus est légal, ce qui implique que si la population civile du territoire soumis au blocus n’est pas suffisamment approvisionnée, la partie qui procède au blocus doit permettre le passage libre des biens alimentaires et de première nécessité, mais dispose d’un droit d’inspection. La réalité du problème est qu’Israël impose des conditions insoutenables.

Dans les faits, puisqu’Israël exerce un « contrôle efficace » sur Gaza, elle demeure une puissante occupante. L’article 47 des Règlements de la Haye de 1907 stipule qu’un « territoire est considéré comme occupé dès lors qu’il est placé sous l’égide de l’autorité de l’armée hostile » et cela impose de nombreuses responsabilités sur Israël sur la population civile, et nous avons vu que ce qui a été dit plus haut n’a pas été respecté. L’article 55 des Conventions de Genève affirme que la puissance d’occupation doit fournir des biens alimentaires et médicaux en niveau suffisant, mais les rapports des Nations Unies et des différentes organisations des droits de l’homme concluent que ce n’est pas le cas. Les infractions graves de la Quatrième Convention de Genève sont des crimes de guerre. Selon l’article 146 de ces mêmes conventions, chaque Etat « devra ramener chaque personne (qui a commis de graves infractions aux conventions), quel que soit sa nationalité, avant ses propres poursuites ». Ainsi, les responsables parmi le gouvernement israélien sont susceptibles d’être poursuivis de crime de guerre dans n’importe quel Etat.

Israël invoque la légitime défense car il s’agissait d’attaques des passagers des bateaux. Cependant, c’est Israël qui a intercepté les bateaux en haute mer. Selon l’article 87 de la Convention des Nations Unies sur le droit en mer, les hautes mers sont ouvertes à tous les Etats et ont certaines libertés, incluant la liberté de navigation. En interceptant la flottille, Israël a enfreint cette liberté. Un bateau de guerre peut seulement intercepter un navire marchand en haute mer s’il se livre à la piraterie, à l’esclavagisme, ou si le bateau est de même nationalité que le bateau de guerre (aussi bien selon le droit en mer que selon les conventions de Genève en hautes mers). Dans ce cas, il n’y avait aucune base de suspicion rationnelle, et Israël ne peut invoquer aucune de ces exceptions.

De plus, selon le droit en mer, l’Etat doit appliquer aussi bien ses lois nationales que les lois internationales. En clair, le bateau représente une extension du territoire de son pays d’origine. Dans le cas des cargos turcs, contre lesquels l’armée israélienne a mené des opérations, tué et blessé des civils, les Israéliens sont soumis aux lois turques et sont susceptibles d’être poursuivis dans des tribunaux turcs pour leurs actions. Les civils des bateaux appliquaient la légitime défense, limitée par le principe de proportionnalité. Comme cela a été souligné, les Israéliens sont montés à bord du bateau avec des armes à feu chargées et des armes anti-émeute, pendant que les civils utilisaient des objets pointus et des bâtons. Une chose est certaine, les témoins oculaires présents à bord du Mavi Marmara affirment qu’un des passagers a été tué en premier.

Le cas aurait été plus simple s’il s’agissait de civils israéliens, ou au moins une attaque non-autorisée par le personnel militaire israélien. Dans les faits, le problème est plus complexe car il s’agit d’un assaut autorisé par les militaires israéliens, le classant parmi les actes de guerre contre la Turquie. Et même dans une situation de guerre, les civils ne peuvent pas être attaqués. La Flottille transportait clairement des civils sans armes (ce qui a été confirmé avant par l’inspection avant l’appareillage et après par l’inspection israélienne) âgés d’un à 89 ans. Selon l’article 6 de la Charte des Fournitures des Procès de Nuremberg, tout meurtre ou autre acte inhumain contre une population civile est considéré comme un crime contre l’humanité.

Israël ne doit pas seulement répondre de son attaque contre les cargos devant la Turquie, mais comme Israël est signataire de la Convention de l’Organisation Maritime Internationale sur la Suppression des Actes Illégaux contre la Sécurité de Navigation Maritime de 1988, il a enfreint l’article 3 qui interdit la prise de contrôle de bateaux par la force ou par tout autre forme d’intimidation, ou de commettre des actes de violence contre les passagers du bateau.

On peut conclure que l’application d’Israël des articles du Manuel San Remo sur le Droit International Appliqué aux Conflits Armés en Mer pour défendre ses actions contre la Flottille est caduque car le blocus lui-même est illégal. Dans ce cas, l’utilisation de la force par Israël contre le vaisseau turc, le meurtre de civils et la prise de contrôle des autres vaisseaux constituent des infractions à plusieurs Conventions dont Israël est signataire, un possible acte de guerre contre la Turquie aussi bien que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, dont Israël peut être tenu pour responsable.

* Jinan Bastaki est diplomée en Droit au London School of Economics. Elle a été active au LSESU Palestine Society et vit actuellement aux Emirats Arabes Unis. Elle est actuellement candidate au LMM à l’Université de Californie, Berkeley.

7 juin 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Yazid Slaim


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