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Les transformations d’Israël... et les nôtres !

mercredi 21 février 2007 - 16h:06

Mohamed Al-Sayed Saïd - Al Ahram Hebdo

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Le chaos politique généralisé que nous sommes en train de subir dans la région nous fait presque oublier les événements actuels en Israël. Une omission qui est en partie justifiée. Nous considérons que nos problématiques internes sont bien plus importantes que ce qui se passe ailleurs et a fortiori chez notre pire ennemi, qui n’est autre qu’Israël. Cependant, il est primordial de suivre les événements de près, surtout qu’ils interagissent et s’enchevêtrent à nos conjonctures régionales et à nos destinées politiques en tant que nation et région. N’oublions pas que cet enchevêtrement se reflète d’une manière ou d’une autre - consciemment ou inconsciemment - sur nos positions et nos relations internationales, y compris au niveau de notre position envers l’Etat hébreu.

A titre d’exemple, les pays arabes n’ont pas objecté une résolution onusienne unanime condamnant la négation de l’holocauste. Cette prise de position arabe reflète une nouvelle manière arabe de voir les choses et de comprendre que cette cause ne nous concerne en rien, qu’elle se soit déroulée selon les menus détails de la version sioniste ou autres. En somme, toute la question n’a aucune influence logique, juridique ou même politique sur les droits des Palestiniens, voire elle ne justifie pas à la base la création de l’Etat d’Israël aux dépens de ce peuple. Cet acquiescement pourrait également refléter une certaine compréhension du jeu politique.

L’intérêt manifesté par les Etats-Unis à promulguer une telle résolution est la confirmation d’une politique américaine qui voit que la position de certains pays arabes concernés par Israël doit prendre en considération essentiellement les relations américano-israéliennes. D’ailleurs, la diplomatie américaine ne supporte aucune réserve, même si elle est impartiale et juste concernant le dossier d’Israël. Cet intérêt exagéré transforme une cause académique qui n’est pas vide de sens politique en une position politique et c’est en d’autres termes la persistance d’un soutien américain et européen extrémiste et inconditionné à Israël et au mouvement sioniste mondial. A partir de ce prisme, nous pouvons également lire une autre signification à propos de l’attitude arabe vis-à-vis de cette résolution. A savoir la disposition des Arabes à emboîter le pas à la politique américaine sans rien en contrepartie, même pas une simple garantie d’harmoniser les différentes positions politiques et juridiques.

Théoriquement parlant, les pays arabes auraient pu demander la promulgation d’une résolution similaire condamnant le refus persistant d’Israël de reconnaître sa responsabilité dans la tragédie des réfugiés palestiniens. Même chose pour la colonisation occidentale moderne qui est la cause de l’aggravation des problèmes de retard dont souffre le Sud, notamment l’Afrique, avec à leur tête le problème des conflits ethniques. Naturellement, on s’attendait à ce que certains pays refusent la promulgation d’une telle résolution, abstraction faite des tonnes de recherches historiques prouvant ces événements. L’Algérie, de son côté, a été heurtée à un refus français de reconnaître la responsabilité de certains crimes atroces perpétrés par l’occupation française contre son peuple. Il n’en demeure pas moins qu’il existe seulement trois mois d’intervalle entre la résolution de l’Assemblée générale sur l’holocauste et la requête algérienne.

En tout cas, cet intérêt exagéré des Etats-Unis à promulguer une telle résolution autour d’une seule cause parmi tant d’autres de carnages contre les races et les crimes contre l’humanité, y compris ceux perpétrés par les Nazis contre des peuples non juifs également, démontre une exagération unilatérale à soutenir Israël aux dépens des bases de la justice internationale.

Cette exagération américaine va également dans le même sens d’une autre réalité éminente sur la scène israélienne qui est la multiplication du nombre de sympathisants de la droite. Moins de 6 mois après les élections israéliennes, la réputation du gouvernement d’Olmert est à son plus bas niveau, contre une montée en flèche de celle du Likoud et des autres partis d’extrême droite. Selon les sondages d’opinion, Libermann, connu pour son intransigeance abusive et ses déclarations de feu contre les Arabes et contre tout le monde, pourrait bien devenir premier ministre d’Israël s’il s’engage aujourd’hui dans une bataille électorale contre Olmert et Peretz.

Vraisemblablement, ce penchant israélien vers la droite émane du manque de confiance manifesté par l’opinion publique israélienne à l’égard de ces deux hommes qu’elle estime « faibles » face aux Arabes. Bien que le registre regorge des crimes les plus atroces commis contre les Arabes, dont le dernier en date est celui de juillet et d’août derniers contre le Liban, le mouvement sioniste mondial, de son côté, devient de plus en plus extrémiste, que ce soit vis-à-vis des Palestiniens ou de la politique et la culture arabo-musulmanes.

Malgré les nombreux discours israéliens sur la faiblesse de la répression israélienne, il n’en demeure pas moins que Tel-Aviv vit aujourd’hui ses plus beaux jours si on la compare à l’état des Arabes. Israël, épaulé par les Etats-Unis, a réussi à entraîner les Palestiniens au bord du gouffre de la guerre civile. Les deux partenaires ont réussi au même titre à provoquer l’indignation du monde entier contre Téhéran pour la bonne et simple raison qu’il existe des suspicions sur la possibilité que l’Iran oriente ses projets nucléaires à des fins militaires. Et bien sûr, ce n’est pas le cas pour ce qui est de l’arsenal nucléaire israélien. Ainsi, l’Oncle Sam et Tel-Aviv ont réussi à préparer le terrain au lancement d’une offensive militaire contre Téhéran. D’ailleurs, l’un des phénomènes régionaux et internationaux les plus curieux et les plus brouillés depuis la fin de la seconde guerre mondiale est la réussite des Etats-Unis et d’Israël à communiquer au monde l’existence d’une alliance sous-entendue entre les Arabes et Israël contre l’Iran. Ceci a eu pour conséquence l’effacement de la cause palestinienne des calculs politiques du monde entier, voire des Arabes. Même si nous supposons que les Arabes ont réussi à pousser l’Amérique pour ressusciter la diplomatie du règlement, le processus diplomatique viendra à coup sûr refléter cette réalité qui est totalement éloignée de tout équilibre.

Comment les Arabes, au moins théoriquement parlant, peuvent-ils traiter avec cette réalité ? La solution réside dans le réexamen global de la politique arabe et régionale afin de déterminer un agenda précis prenant en considération les intérêts des Arabes, tout en essayant d’accorder la priorité à la cause palestinienne dans la conscience mondiale et les politiques internationales. La société civile arabe peut réaliser un certain nombre de choses au profit de la cause palestinienne pour faire face à cette vague d’extrémisme de droite à l’intérieur de la société israélienne et dans les politiques sionistes mondiales.

Les efforts en vue de replacer la cause palestinienne au centre des intérêts arabes et mondiaux sont d’une grande importance. D’abord, ils inciteraient la politique internationale à faire une pause et à réaliser l’impossibilité de régler les problèmes du Moyen-Orient sans la restitution des droits palestiniens selon les bases absentes de la justice internationale. Ensuite, ces efforts vont contrer les conflits ethniques et confessionnels qui détruisent le tissu des sociétés arabes et musulmanes et qui réalisent à Israël l’un de ses plus beaux rêves, celui de conférer au conflit régional une teinte arabe et musulmane. Ainsi, n’aurait-il pas à payer les frais de ses crimes et de ses cupidités.









Mohamed Al-Sayed Saïd est politologue

Mohamed Al-Sayed Saïd - Al Ahram Hebdo, semaine du 14 au 20 février 2007, n° 649


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