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Liban : si ton pays est en guerre civile, n’oublie pas de privatiser et de payer la dette externe

mercredi 21 février 2007 - 00h:05

Gemma Galdon

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Pendant que le Liban s’enfonce de plus en plus dans une situation de pré-guerre civile, ses dirigeants se réunissent à Paris pour demander plus de prêts pour leur permettre de payer une partie de la dette de la seconde économie la plus endettée du monde et de privatiser les entreprises d’électricité, de téléphone, d’eau et de transport aérien.

Lors de la Conférence de Paris III organisée le 25 janvier par Jacques Chirac pour recueillir des fonds destinés à aider le Liban et pour exprimer publiquement l’appui occidental à la coalition gouvernementale, le Premier Ministre Fouad Siniora est parvenu à collecter plus de 7.600 millions de dollars pour financer la reconstruction des infrastructures détruites par les attaques israéliennes de l’été passé et créer différents programmes sociaux. Les plus généreux ont été l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, le Fonds Monétaire Arabe et l’Union Européenne.

Une pomme empoisonnée

Néanmoins, en voyant la situation et l’évolution économique, il semble à nouveau que la facture de cette générosité finira pas être payée par la population libanaise.

A l’issue du conflit civil de 1975-1990 le Liban était pratiquement un pays sans dette externe. Cependant, huit années plus tard, en 1998, après six années de gouvernement sunnite avec Hariri à sa tête et une politique d’endettement pour payer la construction d’infrastructures qui remplit d’orgueil la Banque Mondiale - et on le suppose, les poches de la famille Hariri - , le Liban s’est retrouvé devant 17.000 millions de dollars et utilisant 89% des ressources publiques pour les payer.

Actuellement, ce chiffre atteint les 41.000 millions de dollars et représente 188% du PIB du pays (le second plus fort pourcentage du monde après le Malawi). Curieusement le Premier Ministre actuel, Siniora, a été ministre de l’Economie de 1992 à 1998 et de 2000 à 2004.

Dans ce contexte, il est difficile de voir comment un plus grand endettement (étant donné que ce que les « donateurs » ont donné à Paris est en grande partie des prêts) peut être la solution aux problèmes du Liban, surtout quand les chiffres démontrent que le déficit primaire libanais (la différence entre la dépense publique et la recette) est très bas, parce que l’endettement répond à l »effort que réalisent les finances libanaises pour payer la dette. En d’autres termes, l’effort pour payer la dette est ce qui cause l’endettement.

En outre, comme il est habituel, l’ « aide » économique n’est pas seulement accordée en échange de hauts taux d’intérêts, mais de l’exigence d’appliquer des programmes d’ajustement structurel, avançant que le problème est la dépense publique et les « limitations au marché ». Parce que le 2 janvier, peu de semaines avant la Conférence, le gouvernement libanais a présenté un « ambitieux » plan quinquennal pour « impressionner les donateurs », centré sur les réformes sociales et financières, qui inclut la privatisation des secteurs de la téléphonie, de l’électricité, de l’eau et de l’assainissement et le transport aérien ainsi qu’une hausse de la TVA de 2%.

Comptabilité créative

Selon le FMI qui rendit public un communiqué de presse durant la Conférence incitant les donateurs à racler leurs fonds de tiroir (avec l’argent public), les revenus provenant des privatisations « pourraient réduire le niveau de la dette à moins de 150% en 2011 ». Néanmoins, dans le même document, il était reconnu que ce niveau demeurera « hautement dangereux », parce que les réformes proposées « ne seront pas suffisantes pour mettre le pays sur la voie de la soutenabilité » financière ; c’est dire que les réformes génèrent la nécessité de plus de « réformes ».

Ainsi donc, ce que le FMI et les donateurs internationaux sont en train de faire est de prier instamment le gouvernement libanais de s’endetter plus encore et de privatiser les entreprises publiques pour ainsi payer la dette, mais en même temps ils reconnaissent que la réduction qui en résultera, de 188% à 150%, restera insuffisante pour permettre une amélioration significative de la situation économique. C’est dire, comme l’ ont dénoncé les syndicats libanais, que les réformes proposées ne vont pas redresser la situation générale de l’économie, mais affecter négativement la majorité de la population du fait de l’augmentation des impôts indirects et des licenciements massifs qui suivent inévitablement toute privatisation et de plus l’Etat perdra les revenus stables que jusqu’à maintenant apportent les entreprises publiques.

Si à cela on ajoute le fait que le plan approuvé par le FMI se fonde sur l’hypothèse que la croissance économique sera de 4-5% à partie de 2007, et inclut les revenus potentiels du secteur touristique, quand la conférence se tint seulement quelques jours après une grève générale, du premier couvre-feu depuis 1996 et de violents affrontements dans les rues de Beyrouth qui entraînèrent la mort de plusieurs personnes, ce qui pourrait initialement s’interpréter comme un cas de comptablitié créative, d’optimisme ou de manque de domination de l’économie réelle se transforme en un exercice de manipulation, d’irresponsabilité et un dangereux manque de réalisme.

Voie ouverte à la guerre civile

Il y a quelques semaines Robert Fisk a écrit un article intitulé « Le monde ignore les signes de guerre civile au Liban », où il parle de la façon dont les diplomates européens et étasuniens réunis à Paris « parurent croire qu’ils venaient de sauver le gouvernement de Fouad Siniora des forces des ’extrémistes’ islamiques ». Chirac, par exemple, affirma que « ne pas aider le Liban coûtera beaucoup plus cher que l’aider ».

Néanmoins, non seulement on ne voit pas comment un gouvernement aussi illégitime que celui de Siniora pourrait mettre en oeuvre les réformes et les programmes sociaux promis, mais en outre, pour le moment, les 29 pages du projet n’ont fait qu’ajouter plus de travailleurs et de syndicalistes dans le mouvement d’opposition. La semaine du 9 janvier, la Confédération Générale des Travailleurs Libanais (CGTL), qui compte 200.000 adhérents, a appelé tous ses membres et la population en général à occuper les rues et à manifester devant les Ministères de l’Economie, de l’Electricité, de l’Eau et de l’Information, dénonçant « depuis 1992 tous les gouvernements qui ont contribué à la détérioration économique » et « les responsables de l’urgente situation économique du pays qui ne méritent pas de résoudre les problèmes des Libanais ». Le 23 janvier, seulement deux jours avant la Conférence de Paris III, la CGTL appela à une grève générale à laquelle participèrent tous les groupes de l’opposition, dont les partisans campent depuis le 1er décembre dernier devant les bureaux gouvernementaux de Siniora.

Dans ce contexte, les recettes du FMI et des donateurs occidentaux semblent ne rien faire d’autre que de jeter de l ’huile sur le feu d’un pays au bord de l’explosion. Avec de pareils amis, les jours du gouvernement de Siniora paraissent comptés. Espérons qu’il n’entraînera pas tout le pays dans sa chute.

11 février 2007 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.sinpermiso.info/textos/i...
Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant, de l’association de traducteurs TLAXCALA


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