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Pluralisme libanais

dimanche 18 février 2007 - 13h:14

Alain Gresh - Le Monde diplomatique

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La manifestation en hommage au premier ministre Rafik Hariri, assassiné le 14 février 2005, a confirmé la division du Liban en deux camps. Les risques de guerre civile restent présents, comme le rappelle Robert Fisk dans le quotidien britannique The Independant, du 14 février, « Lebanon slides towards civil war as anniversary of Hariri’s murder looms ». Dans son éditorial du 16 février du quotidien libanais en arabe Al-Akhbar, Joseph Samaha met en avant une réalité complexe et les clivages qui traversent les deux camps qui s’affrontent.

« Oui, il existe un accord au sein de l’opposition sur les objectifs politiques, un accord qui a provoqué une forte mobilisation à la suite de l’entente entre le Courant patriotique libre (du général Aoun) et le Hezbollah. Le passage graduel du mot d’ordre de gouvernement d’union nationale à celui d’élections parlementaires anticipées est venu après un débat interne. Des différences sont perceptibles au sein de l’opposition sur le rythme de la mobilisation, ses formes et ses moyens. Il y a ceux qui cherchent un résultat rapide fondé sur leurs calculs propres. Il y a ceux qui conseillent à l’opposition d’être patiente et de prolonger la mobilisation. Il y a ceux qui glissent dans la provocation ou répondent aux provocations et ceux qui refusent ces provocations. Il y a ceux qui penchent pour certains mots d’ordre que d’autres partis de l’opposition trouvent détestables et qui les rejettent parce qu’ils vont à l’encontre de leur culture et les embarrassent devant l’opinion. Il y a ceux qui veulent équilibrer les actions de protestation (qui, par leur nature, signifient la dissension dans le pays) par leur forte volonté de préserver la paix civile et éviter la sédition (...) Il y a ceux qui penchent vers le risque, acceptant un niveau de tension qui permettrait, selon eux, de hâter la solution. Et il y a finalement des voix à la marge qui pensent que l’un des camps doit gagner et l’autre perdre. »

Petite remarque de AG : bien que l’éditorialiste ne le dise pas, dans ce débat le Hezbollah fait partie du camp « modéré » qui veut éviter la guerre civile ; alors que le parti de Michel Aoun, souvent moins structuré penche vers l’affrontement.

« La seconde remarque, poursuit Joesph Samaha, concerne le camp pro-gouvernemental. De nombreuses remarques qui s’appliquent à l’opposition s’appliquent ici. Mais il est possible d’ajouter quelque chose qui a émergé clairement à la suite de la manifestation du mercredi 14 février. L’hypothèse que les forces de ce camp se sont divisées les rôles est peu probable. Ce que nous avons entendu plutôt ce sont des voix différentes qu’il est difficile de classer sur le même agenda politique. Les "trois mousquetaires" (Saad Hariri, Walid Joumblat et Samir Geagea) n’étaient pas vraiment sur la même longueur d’onde. Ils ne se sont pas vraiment contredits car le tronc qui les unit est bien enraciné et fort. Mais alors que le discours de Hariri représente une première offre acceptable de négociation à l’opposition, cela n’est pas le cas de la position de Geagea sur le gouvernement d’union nationale ni de celle de Joumblat sur les relations syro-libanaises. »

Remarque de AG. Voici un extrait du discours de Joumblat le 14 février : « Oh tyran de Damas, ô toi le singe inconnu de la nature, le serpent dont tous les serpents ont peur, toi le requin vomi par l’océan, toi la bête sauvage du désert, toi la créature qui est seulement une moitié d’homme, toi qui est le produit d’Israël au détriment des cadavres du Liban-Sud, toi le menteur et l’archi-tueur, toi le criminel qui verse le sang au Liban et en Syrie, nous reprenons sur toi les mots du grand poète Nizar Qabani : "Tous les vingt ans vient un homme armé pour massacrer l’unité dans le berceau et pour tuer les rêves". » Cette violence de la rhétorique n’a pas empêché le parti de Joumblat - comme tous les partis libanais, à l’exception de celui de Michel Aoun - de collaborer avec le régime syrien durant des décennies.

Le Liban ne serasauvé ni par l’argent promis par la communauté internationale, ni par les surenchères des acteurs politiques, mais par une entente qui reconnaisse que le pays est divisé et qu’aucune victoire d’un camp sur l’autre n’est possible.

Alain Gresh, Le Monde diplomatique - Blog Nouvelles d’Orient, le 18 février 2007


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