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Israël, Etat d’apartheid à stratégie de domination machiavélique

samedi 17 février 2007 - 12h:17

Tobias Salander

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Divide et impera, divise et règne - telle est la devise, vieille comme le monde, suivie par tous les stratèges avides de pouvoir.

Comment l’alliance Etats-Unis/Royaume-Uni/Israël instrumentalise le Hamas et le Fatah

Divide et impera, divise et règne - telle est la devise, vieille comme le monde, suivie par tous les stratèges avides de pouvoir. Si l’on veut s’emparer illégalement d’un territoire, pour en exploiter les richesses, en faire une tête de pont ou réaliser une ancienne prophétie, il est recommandé d’étudier la situation sur place, d’examiner les ethnies qui peuplent ledit territoire, de repérer tous leurs petits désaccords et conflits - lesquels ont la plupart du temps été résolus sans grandes effusions de sang. Ensuite, on passe à l’action. On lance des rumeurs, incite à la haine, sème la discorde, finance des commandos de tueurs qui commettent des atrocités, arme les deux camps, les pousse à la violence, les rend tous les deux dépendants de soi, crée le chaos, téléguide en douce le développement de la crise, ouvre de nouveaux fronts, entraîne d’autres groupes dans le tourbillon des destructions et des massacres, jusqu’à ce que la situation devienne confuse au point que tout le monde appelle à l’aide. C’est le moment où notre stratège se pose en médiateur susceptible d’apporter la paix, soit directement avec ses propres troupes ou par le biais de gouvernements fantoches bien dociles.

Nos manuels d’histoire abondent en exemples de ce machiavélisme brutal. Les anciens Romains connaissaient déjà cette stratégie et les peuples soumis savaient la percer à jour. A l’époque déjà, la révélation des intrigues était le plus efficace moyen d’autodéfense. « Les plus grands brigands de la terre sont les Romains » : c’est ce que pensait un habitant de la Britannia [Angleterre]. Ce qui, en combinaison avec d’autres facteurs, a provoqué finalement la chute de l’Empire romain, c’était la surestimation systématique de ses propres forces et le fait de confier les opérations de guerre aux peuples autrefois vaincus. Mais cela n’a en rien diminué ou réparé les souffrances des victimes.

Tragédies vécues par la population

Cela appartient-il au passé ? Si l’on examine notre globe en ce début de 2007, on constate que la même tactique est à l’ ?uvre dans les innombrables régions en crise : On impose aux habitants et aux pays une dépendance économique totale et si ces « sous-hommes » tout juste bons à être exploités se montrent récalcitrants, on recourt à la force. C’est ce qui s’est passé ces derniers temps surtout en Yougoslavie, en Afghanistan et en Iraq, et depuis des décennies au Proche-Orient. Ce sont toujours les mêmes tragédies pour les populations qui ont la malchance d’habiter un territoire qui provoque l’avidité déchaînée de puissants dévorés par la soif de pouvoir et par un messianisme apocalyptique. Prenons pour exemple la bande de Gaza. C’est la plus grande prison « à ciel ouvert » de la planète, un immense ghetto où plus d’un million d’êtres humains sont réduits à végéter dans un tout petit espace. Le monde entier sait ce qui se passe et laisse faire. Jean Ziegler, dans un de ses livres, a parlé d’« Empire de la honte ». Et ces malheureux ne sont guère au bout de leurs souffrances. Le pire, c’est que ce « gigantesque camp de concentration » (Michael Warschawski) est au bord d’une guerre civile sanglante opposant deux entités dont on aurait dû depuis longtemps étudier l’histoire. D’un côté, on a le Hamas et de l’autre le Fatah. Là les prétendus fondamentalistes islamiques et ici les combattants laïques pour la libération de la Palestine et, à l’arrière-plan des deux factions, des forces qui, si elles ne les ont pas vraiment créés, les soutiennent depuis le début.
La Fraternité musulmane, invention de l’Empire britannique

C’est grâce à Robert Dreyfuss, auteur américain du livre fondamental intitulé Devil’s Game - How the United States Helped Unleash Fundamentalist Islam (Jeu infernal ou Comment les Etats-Unis ont contribué au développement de l’Islam fondamentaliste) que l’on sait aujourd’hui comment les Britanniques, au sein de leur Empire, ont facilité la création et le développement de fraternités musulmanes et comment, plus tard, les Etats-Unis et Israël ont joué cette carte pour lutter contre toutes les aspirations laïques, sociales et autonomistes du monde arabe. Aussi Israël a-t-il encouragé Ahmed Yassin, le leader des Frères musulmans dans les territoires occupés, à fonder le Hamas, dans le but de réduire l’influence du Fatah. Comme le montre Dreyfuss, Israël a ainsi, en collaboration avec la Jordanie, créé un véritable monstre qui a assassiné, depuis les années 90, des cen-taines de juifs (p. 191).

Les origines du Hamas, Mouvement de la Résistance islamique, remontent aux années 30 du siècle dernier (p. 191). La Fraternité musulmane aurait, téléguidée par les Britanniques, rassemblé des musulmans foncièrement anti-communistes qui combattaient toute forme de panarabisme.

Cette même Fraternité proposa, dans une prise de position écrite de 1957, que les frères palestiniens fondent une organisation à part, parallèle à la leur, dépourvue de tendance ou programme islamique, mais dont l’objectif déclaré serait la libération de la Palestine (p. 194). La Fraternité fonda alors la Ligue des étudiants palestiniens, dont quelques leaders, comme Yasser Arafat, Salah Khalaf et les frères Hassan, se détournèrent par la suite de l’islamisme en formant le noyau de la future OLP (p. 194).

Scission au sein du Mouvement palestinien : les Frères musulmans contre le Fatah

Cette évolution mena à la scission du Mouvement palestinien : d’un côté les nationa-listes, préconisant l’autodétermination, qui fon-dèrent, entre 1958 et 1959, le Mouvement de libération nationale ou Fatah ; de l’autre les islamistes restés fidèles à la Fraternité musulmane qui, en 1960, se dressèrent ouvertement contre le Fatah (cf. p. 194).

En 1965, le Fatah commença à mener des attaques de guérilla contre Israël et fit de nombreux adeptes en raison de sa politique d’autodétermination. Par contre, la Fraternité perdit beaucoup de partisans : elle comptait dans la bande de Gaza, en 1967, avant la guerre des Six-Jours, à peine 2000 membres. Tandis qu’en Cisjordanie, le royaume de Jordanie tolérait l’existence de la Fraternité, elle fut opprimée à Gaza par le président égyptien Nasser.

Après la guerre des Six-Jours, Israël misa totalement sur la Fraternité, libéra Ahmed Yassin de la détention que l’Egypte lui avait imposée et fit de lui et de son organisation un fer de lance contre l’OLP, l’Organisation pour la Libération de la Palestine, fondée en 1964, dont la faction la plus influente était le Fatah (p. 195), et cela en Cisjordanie, dorénavant occupée par les Israéliens, et dans la bande de Gaza. La population palestinienne connut alors une forte islamisation : le nombre de mosquées, par exemple, passa, entre 1967 et 1987, de 200 à 600 dans la bande de Gaza, et de 400 à 750 en Cisjordanie (p. 195). En 1973, Yassin, sous le regard à la fois -attentif et bienveillant des services secrets intérieurs israéliens, le Shin Bet, fonda le Centre islamique, préfiguration du Hamas. En 1978, le gouvernement de droite dirigé par Begin reconnut l’organisation de Yassin qui avait été rebaptisée Association islamique.

En 1987, un ancien journaliste du New York Times révéla qu’Israël soutenait financièrement les Islamistes contre l’OLP (p. 196). Yassin déclara que l’OLP était laïque et ne pouvait être acceptée si elle ne devenait pas islamique. Mais islamiser les Palestiniens s’avéra une entreprise malaisée car parmi eux, il y avait beaucoup de chrétiens et, de plus, les Palestiniens passaient, dans le monde arabe, pour la population la plus moderne, la plus cultivée et la plus orientée vers l’Occident (p. 197). Les Etats-Unis, qui avaient percé à jour le double jeu des Israéliens, l’observaient sans la moindre réaction.

La droite israélienne soutient le Hamas

En 1987, Israël a accueilli la création du Hamas avec bienveillance, de même qu’il soutenait, avec la Jordanie, la lutte de la Fraternité musulmane contre la Syrie, selon la devise : « L’ennemi de mon ennemi est mon ami ». En Afghanistan, Israël fit le même choix en encourageant le djihad contre les Soviétiques ; et il alla jusqu’à soutenir l’Iran, « le c ?ur militant du Mouvement islamique » pendant sa guerre contre l’Iraq (p. 206). En Israël, ce sont avant tout les partis d’extrême droite qui soutenaient la Fraternité musulmane, tandis que la gauche recherchait plutôt une entente avec l’OLP (p. 206). Ainsi, dans les années 80, la Fraternité musulmane a surtout combattu l’OLP et non pas Israël (p. 207) ! Quant aux spécialistes du monde arabe et aux élites plutôt anti-israéliennes du Pentagone, ils n’étaient pas du tout satisfaits de la montée du Hamas et voulurent se charger du dossier, mais les amis d’Israël au sein de l’administration Reagan les en empêchèrent (p. 208 sqq.).

L’OLP, sous Arafat, n’a jamais douté que le Hamas était une création israélienne (p. 209). Pendant la première Intifada (de 1987 à 1993), parmi ceux qui prirent les armes contre Israël, se trouvaient également des militants du Hamas. En même temps, le Hamas, par ses attentats ciblés, torpillait tous les efforts de paix de l’OLP et du parti travailliste israélien, ce qui faisait naturellement le jeu politique du bloc du Likoud (p. 209 sqq.). A partir de 1993, c’est précisément cette suite de provocations et de contre-provocations entre le Hamas et le Likoud qui coupa court à toute tentative de paix (p. 210). Le massacre perpétré par Baruch Goldstein dans une mosquée, les attentats-suicides du Hamas et l’assassinat de Rabin par un extrémiste juif préparèrent le terrain à la victoire électorale du Likoud dirigé par Netanyahou, l’électorat étant anxieux (p. 210). C’est le moment où le leader du Hamas, Ahmed Yassin, fut libéré de la prison où il était détenu depuis 1989. Il ne tarda pas à mobiliser massivement ses partisans contre le processus de paix d’Oslo et contre l’OLP, à la grande satisfaction du bloc du Likoud (p. 211).

La gauche israélienne préfère le Fatah

Un phénomène semblable s’est produit en 2000 avec la promenade provocatrice de Sharon sur le Mont du Temple qui a déclenché la deuxième Intifada (2000-2004), organisée notamment par la Fraternité musulmane (p. 211). Le bain de sang a provoqué la victoire électorale du « boucher de Sabra et Chatila ».

Arafat se trouva alors entre Sharon et le Hamas comme entre le marteau et l’enclume : Les islamistes commettaient des attentats épouvantables et Sharon frappait l’OLP, rendant Arafat responsable des attentats du Hamas (p. 211).

Bush et Sharon marginalisèrent Arafat et permirent ainsi au Hamas de prendre de l’extension. Selon des sondages, en 1996 seuls 15% des Palestiniens étaient favorables au Hamas, en 2000, ils étaient 17%, mais en 2001 ils étaient 27% et en 2002 déjà 42% ! (p. 211 sqq.)

Au moment où l’OLP et le Hamas se sont mis d’accord sur l’arrêt des attentats, Sharon donna l’ordre de tuer un dirigeant du Hamas. Le quotidien juif Yediot Achronot écrivit avec pertinence : celui qui a donné l’ordre de tuer était pleinement conscient que cela détruirait le gentleman’s agreement entre le Hamas et l’OLP (p. 212). Quand Yassin a été victime d’un « assassinat ciblé » en 2004, le nombre des adhérents du Hamas continua à augmenter. Et lorsque Sharon décida le retrait de la bande de Gaza, l’OLP était tellement affaiblie après la mort d’Arafat que le Hamas a pu monter en puissance et combler le vide (p. 212). C’est ainsi que le Hamas, après avoir été une création d’Israël et l’ennemi juré de l’OLP, est devenu l’ennemi principal d’Israël en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Telle est la conclusion de Dreyfuss (p. 212).

Echange de rôles entre le Hamas et le Fatah ?

Si le rôle du Hamas, manipulé par Israël, a été suffisamment mis en lumière, la question se pose de savoir dans quelle mesure l’OLP et le Fatah étaient sous Arafat, et sont encore téléguidés par les USA et Israël.

Selon Khaled Meschaal, un des fondateurs du Hamas, physicien et aujourd’hui sur la liste noire du Mossad, qui vit (dans la clandestinité) en Syrie, ce n’est pas un secret que l’appareil de sécurité du Fatah palestinien est équipé et formé par la CIA. Le fait que les livraisons d’armes et la formation des troupes spéciales, c’est-à-dire des escadrons de la mort, continuent, a été à nouveau évoqué récemment par les médias internationaux (par exemple Echo der Zeit - DRS 1 - du 22 décembre 2006) mais Meschaal doute que le Fatah forme un bloc compact. Il y a en son sein pas mal de gens qui sont favorables à la résistance contre le régime sioniste d’Israël (Junge Welt du 16 décembre 2006). Meschaal s’oppose également à l’idée de Robert Dreyfuss et au préjugé général propagé dans le monde occidental selon lesquels le Hamas serait un groupement de fanatiques religieux. Au contraire, le Hamas pratique la tolérance à l’égard de tous les groupes et il ne connaît pas la corruption. C’est pourquoi il a obtenu les suffrages de la population palestinienne lors d’élections libres. Et Meschaal sur le fait que le Hamas ne lutte pas contre Israël parce que des juifs y vivent mais parce qu’il continue à occuper la Palestine, acte contraire au droit international, comme Norman Finkel-stein le souligne également (cf. son interview dans cette édition). D’après le droit international, la résistance contre un envahisseur n’est pas du terrorisme, mais un acte légal de défense et de reconquête.

Arafat par la grâce du Mossad et de la CIA ?

Michael Warschawski, pacifiste israélien et antisioniste, conclut également que le gouvernement israélien actuel essaie de provoquer une guerre civile en Palestine. « C’est donc une guerre civile politique que les stratèges israéliens et américains ont essayé de fomenter, en posant à Yasser Arafat l’éradication du terrorisme comme l’une des exigences du processus d’Oslo. Mais, rapidement, et une fois les réseaux neutralisés, l’exigence s’est transformée en ?éradication de l’infrastructure terroriste’, autre façon de dire que l’Autorité palestinienne devait écraser le mouvement Hamas. »

Mais Warschawski rend aussi hommage à Arafat, qui s’est refusé fermement à fomenter une guerre civile :

« Sur cette question, plus encore que sur d’autres, Yasser Arafat a été intransigeant, répétant à qui voulait l’entendre que la Palestine ne serait pas l’Algérie, et qu’il ne fomenterait pas une guerre civile entre ?islamistes ? et ?laïques ?. La neutralisation de Yasser Arafat, à partir de 2001, a été le résultat de ce refus de fomenter une guerre civile inter-palestinienne. » (Michel Warschawski. Palestine : diviser pour mieux régner ? du 18 novembre 2006).

Mohammed Dahlan, un Ahmed Jalabi palestinien ?

Arjan El Fassed évoque également, dans Electronic Intifada du 20 décembre, les tentatives d’Israël et des USA pour armer le Fatah et former des escadrons de la mort destinés à assassiner des chefs du Hamas. Il mentionne Mohammed Dahlan comme étant une sorte d’Ahmed Jalabi palestinien (Jalabi a été président du Congrès national irakien à la botte des USA puis vice-président irakien), qui a négocié avec les USA et Israël la prise de contrôle de la bande de Gaza après le retrait des Israéliens. En 2002 déjà, le ministre israélien de la Défense Benjamin Ben-Eliezer déclarait devant la Knesset qu’il avait proposé à Dahlan le contrôle de Gaza. En 1994, Dahlan aurait conclu à Rome un accord avec les militaires et les services secrets israéliens pour endiguer le Hamas. Seulement, depuis peu, Dahlan serait retourné dans le premier cercle du pouvoir autour du président Mahmoud Abbas. Actuellement, il est accusé par le Hamas de préparer un attentat contre le chef du Hamas Ismail Haniya. Le fait que Dahlan ait été présent lors d’une rencontre avec la ministre des Affaires étrangères américaine Condoleezza Rice à Jéricho - l’endroit où les USA entraînent les « troupes spéciales » d’Abbas (DRS 1 du 22 décembre) - et lors de rencontres avec Javier Solana, Haut Représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, et le ministre des Affaires étrangères allemand, montre que l’Occident compte sur lui.

L’infamie de Rabin et l’autocratie d’Arafat

Chez Rupert Neudeck également, Arafat et le Fatah apparaissent sous un jour sinistre. Le fondateur de Cap Anamur (organisation des « Médecins d’urgence allemands ») qui a été récompensé plusieurs fois pour son engagement humanitaire, écrit dans son livre intitulé Ich will nicht mehr schweigen. Über Recht und Gerechtigkeit in Palästina (Je ne veux plus me taire. Droit et justice en Palestine) que le système Arafat ne s’est effondré qu’après la mort du leader le 5 novembre 2004 : « Le plus terrible pour Arafat est qu’il s’était engagé en faveur d’un « processus de paix » qui a abouti - comme Amira Hass n’a cessé de l’écrire dans ses articles et ses livres - à un déclin économique et politique. Israël a exercé, suite aux traités, un contrôle croissant sur la vie des Palestiniens et a divisé le territoire en petites enclaves isolées les unes des autres. Et même sous Rabin, qui était très respecté, l’établissement de colonies a été poursuivi sans retenue » (p. 239).

Selon Neudeck, le processus d’Oslo a rendu la vie des Palestiniens plus pénible et a été suivi par Arafat pour des motifs égoïstes : « Arafat s’était accommodé du processus d’Oslo pour conserver son pouvoir. La répression par la police et les services secrets sous le contrôle d’Arafat a abouti à l’emprisonnement de tous les dissidents qui critiquaient Arafat. [...] Le système Arafat était un régime autocratique » (p. 242). Cela fait pitié de voir tout un peuple souffrir depuis des décennies d’un calcul politique et de la vanité d’un homme et être finalement précipité dans une guerre civile provoquée et financée par Israël et les Etats-Unis. Les victimes sont des gens qui, depuis presque 60 ans, ont été empêchés de créer leur propre Etat.
Selon Ben-Ami, Arafat a trahi et vendu son peuple

Dans un débat entre Norman Finkelstein et l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères, Shlomo Ben-Ami,sur le conflit du Proche-Orient, voir l’article dans cette édition), dans lequel Ben-Ami propose un processus de paix entre Israël et la Palestine qui viole de manière flagrante le droit international humanitaire, ce dernier dit d’Arafat qu’il ne s’est jamais vraiment intéressé au destin des réfugiés palestiniens. Le plus important pour lui était Jérusalem. Un jour, Arafat aurait dit au président actuel de l’Autorité palestinienne : « Laisse-moi tranquille avec les réfugiés, ce dont nous avons besoin, c’est de Jérusalem. » Jusqu’à sa mort, Arafat, homme profondément religieux, aurait été membre des Frères musulmans. A Oslo, la conclusion d’un traité n’était pas primordiale pour lui ; il voulait seulement regagner de l’influence dans les territoires occupés. C’est pourquoi il a fait d’importantes concessions à Israël. Pour Ben-Ami, il ne fait aucun doute qu’Arafat a trahi et vendu son peuple.

Le droit humanitaire protège tous les peuples, qu’ils soient élus ou non

Finkelstein insiste tout d’abord sur le fait que le conflit du Proche-Orient doit être considéré avant tout sous l’angle du droit international humanitaire. Le conflit est alors facile à résoudre : Israël doit être reconnu et les Palestiniens obtenir le droit à l’autodétermination en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et dans leur capitale Jérusalem. Du moment qu’Israël a conquis ces territoires par la force, il doit les rendre. Les colonies sont également contraires au droit et devraient être dissoutes. Sur ce point crucial, Finkelstein s’oppose diamétralement à Ben-Ami.

Rabin fait de l’OLP le sous-traitant et le collaborateur d’Israël

Finkelstein montre comment Israël a d’abord combattu l’OLP puis l’a instrumentalisé : en 1981, l’OLP a accepté la solution des deux Etats, ce qu’Israël a refusé. C’est pourquoi ce dernier a décidé d’attaquer le Liban afin de détruire l’OLP. Lorsqu’en 1990 les pays arabes ont supprimé leur aide financière à l’OLP parce qu’elle avait soutenu l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, Rabin a eu une idée astucieuse : lancer une bouée de sauvetage à Arafat sous certaines conditions. Finkelstein cite Ben-Ami qui a parfaitement formulé cela : « L’OLP sera le sous-traitant et le collaborateur d’Israël dans les territoires occupés afin de réprimer les authentiques tendances démocratiques des Palestiniens. »

Israël aurait pu négocier dans cette situation avec les véritables représentants des Palestiniens et aurait pu obtenir la solution bi-étatique conformément au droit international, mais au lieu de cela, on a misé sur Arafat qui a lutté pour maintenir sa propre influence et a contesté au peuple palestinien ce que le droit international lui accordait. Arafat a réprimé toute opposition à l’occupation.

Ben-Ami confirme l’idée de Finkelstein selon laquelle Arafat a trompé son peuple. Le droit international ne l’a jamais intéressé. Son système était inefficace et extrêmement corrompu. L’ancien ministre israélien des Affaires étrangères avoue aussi qu’Israël a tout fait pour désintégrer le système palestinien.

La mission de l’Europe est de faire appliquer le droit international

Il devrait être évident maintenant qu’Israël et les USA ont, selon l’ancienne maxime divide et impera, manipulé et dressé l’un contre l’autre le Hamas et le Fatah.

Il ne faut pas oublier que la population palestinienne n’est pas seule à souffrir de cette désolante situation, bien qu’elle en soit la principale victime, surtout dans le camp de concentration de la Bande de Gaza. Il y a également la population israélienne et celle des pays limitrophes qui ne savent pas à quel moment ils seront visés par l’alliance belliqueuse USA/Royaume-Uni/Israël.

L’Europe doit faire entendre sa voix. Et ce n’est pas difficile car la situation est très claire. En juillet 2004, la Cour internationale de justice a décrété en dernière instance qu’Israël devait se retirer complètement de Cisjordanie, de Jérusalem et de la Bande de Gaza. Norman Finkelstein estime qu il n’y a plus aucune discussion à mener sur l’interprétation des Résolutions de l’ONU. Suite à l’avis de la CIJ, la question est claire au regard du droit international.

Selon le politologue français Thierry Meyssan, ce qui a réussi en Afrique du Sud, avec l’aide des Blancs, c’est-à-dire la suppression du régime d’apartheid meurtrier et contraire au droit international, devrait être également possible au Proche-Orient avec l’aide des Israéliens juifs et antisionistes qui refusent l’Etat d’apartheid comme étant inhumain et illégal. L’Afrique du Sud a excellemment montré que cela peut se faire sans entraîner ni bain de sang ni déclin d’un peuple. ?

Bibliograpie :

- Robert Dreyfuss. Devil’s Game - how the United States helped unleash fundamentalist Islam. New York 2005. ISBN 0-8050-8137-2
- Wir wollen Frieden. Entretien avec Chaled Meschaal. Junge Welt du 16/12/2006
- Michel Warschawski. Palestine : diviser pour mieux régner ? du 18/11/2006
- Arjan El Fassed. "Who is Mohammad Dahlan ?" Electronic Intifada du 20/12/2006
- Rupert Neudeck. Ich will nicht mehr schweigen. Über Recht und Gerechtigkeit in Palästina. Neu-Isenburg 2005, ISBN 3-937389-73-3
- Norman Finkelstein & Former Israeli Foreign Minister Shlomo Ben-Ami - Débat, en français dans cette édition)

Horizons et débats, 12 janvier 2007, (N°2)


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