16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

USA et URSS : des parallèles fortuits ?

jeudi 18 février 2010 - 07h:34

M. Shahid Alam

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


S’interroger sur des parallèles entre les USA et l’URSS serait-il superflu, voire désobligeant ? Peut-être est-ce ni l’un ni l’autre, et qu’au contraire, la question mérite toute notre attention.

JPEG - 13.5 ko
Quels parallèles peut-il exister entre deux antagonistes aussi inconciliables ?




Pendant la Guerre froide, USA et URSS étaient de grands rivaux, l’un aux antipodes de l’autre. Pendant environ quelque quatre décennies, ils se sont battus pour la « survie » et l’hégémonie mondiale, chacun avec ses missiles nucléaires pointés vers l’autre pour lui faire baisser les yeux, prêt à presser le bouton pour consommer un anéantissement mutuel garanti. Quels parallèles peut-il exister entre deux antagonistes aussi inconciliables ?

Avec condescendance, des sceptiques pourraient rétorquer que leurs similitudes commencent et finissent aux deux premières lettres de leur acronyme. Les USA ont gagné et l’URSS a perdu la Guerre froide. Avec ses quatre lettres, l’URSS nous a quittés. L’Etat qui lui a succédé, la Russie, se classe maintenant au deuxième rang après les USA comme puissance militaire, position qu’elle ne tient que grâce à son arsenal nucléaire. Mesurée en dollars internationaux, l’économie russe est classée en 2009 à la huitième place dans le monde, se traînant derrière l’Inde, son ancien client.

De leur côté, les USA continuent de croire qu’ils peuvent se moquer totalement du monde, tel un colosse. Ils ont failli y arriver pendant les quelques années qui suivirent l’effondrement du communisme. Mais depuis, avec leur occupation de l’Iraq, cette image s’est quelque peu brouillée. Les évènements de la dernière décennie - un défi grandissant à l’hégémonie US en Amérique latine, l’essor économique de l’Inde et de la Chine, et le redressement de la Russie après sa chute dans la décennie précédente - ces évènements n’ont-ils pas rapetissé le colosse des années 1990 ? En effet, le quasi effondrement de son économie en 2008 semble bien avoir mis le colosse à genoux.


D’étranges coïncidences

Pour en revenir à la question des parallèles, commençons par faire observer que les USA en sont bel et bien exactement au même point que l’URSS autrefois. En Afghanistan. L’URSS était en Afghanistan entre 1979 et 1989 : les USA y sont depuis novembre 2001.

N’est-ce pas là la plus étrange des coïncidences ? Et un peu inquiétante aussi, puisque, un an seulement après avoir retiré ses 100 000 hommes de troupe d’Afghanistan, l’URSS s’effondrait.

Evidemment, personne ne s’attend à ce que les USA s’effondrent à leur tour, qu’ils partent ou non d’Afghanistan. Contrairement aux Soviétiques qui quittèrent l’Afghanistan après dix années d’occupation acharnée, les Etats-Unis n’ont pas à l’esprit d’en partir de sitôt. Si c’est nécessaire, prétendent certains politiciens et généraux états-uniens, leurs troupes peuvent y rester encore des décennies.

Qu’est-ce qui a attiré les grandes puissances - trois, ces deux dernières décennies - en Afghanistan, mais qui leur rend si difficile un départ dans la dignité ?

La Grande-Bretagne, l’URSS et les USA sont allés en Afghanistan pour des raisons différentes. La Grande-Bretagne y est allée plusieurs fois pour créer un Etat tampon, afin de mettre sa colonie indienne à distance de la Russie. Les troupes soviétiques y sont entrées pour soutenir un régime communiste frère, mais si tout s’était bien passé, ils auraient eu, via l’Afghanistan, un pied dans les eaux chaudes de l’océan Indien. Il est difficile de dire exactement pourquoi les USA ont débarqué leurs troupes en Afghanistan. Etait-ce pour tuer ou capturer Osama Ben Laden ? Ou n’était-il qu’un prétexte pour faire stationner leurs troupes dans l’arrière-cour de l’Iran, près des champs pétrolifères de la mer Caspienne, un peu au sud de la Russie et de la Chine, et garder un ?il sur le Pakistan pour entraver son programme nucléaire ?

Questions fondamentales, mais y répondre nous entraînerait loin de notre sujet : la question des parallèles entre les USA et l’URSS.

L’Afghanistan nous conduit à un parallèle des plus troublants. Certains ont soutenu qu’en accélérant la course aux armements, le président Ronald Reagan précipita la chute de l’Union soviétique. Irrésistiblement, les dirigeants soviétiques s’y laissèrent prendre parce que leur prestige dépendait de leur capacité à rivaliser militairement avec les USA. Avec une économie affaiblie et un ralentissement de la croissance commencé dans les années 70, la course aux armements ne fit qu’empirer les choses. Et comme la croissance continua de décliner, la stagnation qui en suivit pour le niveau de vie provoqua un mécontentement populaire.

Quand les réformes économiques pour stimuler la croissance échouèrent, la désillusion s’empara alors de la direction du Parti communiste. La chute survint très vite : le système avait perdu ses défenseurs.

Serait-ce bizarre de suggérer que les USA ont pris le même chemin depuis 2001 ? C’est sûr, personne ne croit que les Etats-Unis sont sur la voie de l’effondrement.

Néanmoins, on a de plus en plus l’impression que leur aventurisme militaire récent hâte leur descente vers une deuxième place - derrière la Chine - dans la hiérarchie mondiale des puissances économiques et militaires.


Un catalyseur pour les néoconservateurs

La chute spectaculaire de l’URSS en 1990 impulsa un nouveau dynamisme aux ambitions américaines. Elle encouragea, et pas seulement à droite, à croire que cette période unipolaire dans l’histoire de l’Amérique allait devenir irréversible. En particulier, les néoconservateurs se mirent à soutenir plus vigoureusement que jamais qu’il fallait renforcer les capacités militaires et montrer davantage les muscles des forces militaires US, partout dans le monde mais surtout au Moyen-Orient.

Comme les néoconservateurs logent surtout au Parti républicain, il leur a fallu faire le pied de grue pendant huit ans, de 1992 à 2000, le temps de la présidence de Bill Clinton. Quand les républicains revinrent au pouvoir en 2000, les néoconservateurs s’emparèrent vite des postes clés dans l’administration de George W. Bush, surtout à la vice-présidence et au département de la Défense.

En septembre 2000, les néoconservateurs avaient écrit qu’ils devaient attendre quelque évènement catastrophique et catalyseur - un nouveau Pearl Harbor en quelque sorte - pour lancer leur politique unilatéraliste et ancrer leur hégémonie sur le monde. (1) Ils n’ont pas eu à attendre longtemps. Le 11 septembre 2001, Al-Qaida, un petit groupe d’acteurs non étatiques - des terroristes, en langage courant - leur rendirent ce service en attaquant les Tours jumelles et le Pentagone, tuant près de 3 000 Etats-Uniens.

Il a suffi d’une simple pression sur un bouton pour mettre en route le projet tout prêt des néoconservateurs pour une guerre sans fin. Ils appelèrent cela, la guerre globale contre le terrorisme (GWOT).

La GWOT était follement ambitieuse. Elle démarra par un ultimatum à toutes les nations non occidentales, plus faibles : vous êtes avec nous ou contre nous. Pour faire cette guerre, les USA allaient mobiliser, attaquer et utiliser leurs forces militaires dans le monde pour menacer, agresser et envahir les pays « inamicaux ». Aucune loi internationale ni nationale ne leur barrera le chemin.

Plusieurs agences US allaient kidnapper, emprisonner sans jugement, torturer et assassiner quiconque résisterait ou serait suspecté de résister à leur politique. Le but était de neutraliser toute résistance à l’hégémonie américaine au moyen de la peur, du terrorisme d’Etat.


Des coûts financiers, humains et politiques vertigineux

Le chiffrage du coût global, pour les Etats-Unis, de cette politique téméraire d’unilatéralisme ne sera guère possible pendant un moment, mais nous pouvons avancer certaines estimations partielles et provisoires. Fin 2008, le coût budgétaire direct de la GWOT était prévu à hauteur de 758 milliards de dollars. (2) En mars 2008, Linda Bilmes [professeur de finances publiques à l’Ecole Kennedy de Harvard] et Joseph Stiglitz [économiste, ancien conseiller dans l’administration Clinton] estimèrent que le coût budgétaire indirect de la guerre contre le terrorisme - la restauration des équipements et matériels militaires dépréciés et le soutien aux vétérans des guerres - s’élèverait à mille cinq cents milliards de dollars. « Tout est dit », écrivent-ils, « la facture de la guerre en Iraq peut monter jusqu’à 3 mille milliards de dollars. Et c’est une estimation prudente. » (3). Il faut ajouter à cela les coûts qui montent à une allure vertigineuse de la guerre AfPak [pour Afghanistan et Pakistan], encore aujourd’hui, neuf années après que la guerre en Afghanistan fut qualifiée de succès.

Les guerres américaines dans le monde de l’Islam imposent d’autres coûts douloureux, plus démoralisants peut-être encore que les dépenses budgétaires. Nous pensons là aux pertes humaines de ces guerres, à l’érosion des libertés qu’elles génèrent à l’intérieur même des Etats-Unis, et à la façon dont elles portent atteinte à la prédominance économique des Etats-Unis. L’armée des Etats-Unis a maintenu à un niveau bas, 5 340, le nombre de ses tués militaires, à janvier 2010, avec des gilets pare-balles grandement améliorés, des moyens de transports de troupes blindés, et une guerre menée depuis les airs, c’est-à-dire qui préserve les vies américaines en sacrifiant des vies de civils, en Iraq, en Afghanistan/Pakistan et au Yémen. (4) Selon les calculs de myopes des politiciens états-uniens, le faible nombre de morts américains rendrait ces guerres attrayantes. Ils oublient cependant que les nombreux morts civils dans les pays qu’ils agressent ou qu’ils envahissent font qu’ils ne pourront jamais gagner leurs guerres, car ces morts renforcent les résistances.

Le nombre d’Américains blessés et traumatisés par les guerres est beaucoup plus élevé. A juillet 2009, selon les chiffres officiels, 34 592 soldats américains avaient été blessés dans les guerres d’Iraq et d’Afghanistan. (5) Un nombre encore plus important d’anciens combattants de ces guerres souffrent du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). En novembre 2007, selon une source officielle, il y avait un « minimum de 300 000 victimes psychologiques » rien que pour la guerre d’Iraq. Le coût de leurs traitements à vie est estimé à 660 milliards de dollars. (6)

Les dommages économiques des guerres peuvent se mesurer à l’aune de la rapidité avec laquelle la Chine a réduit son retard, voire dépassé les Etats-Unis depuis 2001.

Pendant une grande partie de la décennie écoulée, les USA ont consacré une part énorme de leurs ressources, l’axe de leur politique et l’attention des médias sur leurs guerres multiples ; ils ont emprunté à la Chine et l’Arabie saoudite pour financer ces guerres ; leur économie n’a pas été loin de s’effondrer en 2008 ; et ils ont peu fait pour réparer leurs infrastructures, réduire leur dépendance du pétrole, ou revoir leur système de santé coûteux. Pendant ces mêmes années, la Chine, qui n’a aucune guerre à supporter, orienta sa politique et ses ressources pour développer ses infrastructures, son énergie verte, ses productions, ses exportations, son enseignement supérieur, et avoir accès aux matières premières au niveau mondial.

Les dommages causés à la situation morale de l’Amérique ne sont pas moins préoccupants. Les Etats-Unis sont accusés, à la face du monde, de s’être engagés dans une guerre d’agression contre l’Iraq, de mener une guerre non déclarée contre le Pakistan et d’approuver la torture, les enlèvements, les assassinats, et les emprisonnements sans procès. « Il y quinze ans, » écrit Kishore Mahbubani, ancien diplomate de Singapour, « si quelqu’un avait insinué que les pays occidentaux appuieraient ou autoriseraient l’usage de la torture, il aurait été balayé d’un revers de main. » Après 2001, la torture est devenue une routine. En 2005, Irene Khan, à la tête d’Amnesty International, disait, « Guantanamo est le goulag de notre temps. » (7) Un an après son entrée en fonction, Obama a nullement mis fin à ces violations des droits humains. En effet, il a choisi l’assassinat comme premier outil dans sa guerre contre les Taliban au Pakistan.


Et si Al-Qaïda avait anticipé ces retombées spectaculaires ?

Quel fut le coût pour Al-Qaida pour avoir provoqué cette avalanche d’actions américaines en tous sens et à ce prix ? Le total des investissements de la direction d’Al-Qaida pour son attaque sur les Tours jumelles et le Pentagone reste insignifiant, tel quel : la vie de 19 hommes, et un investissement compris entre 400 et 500 000 dollars en formation de pilotage, billets d’avions, hébergement dans les capitales occidentales, boîtes de cutters, etc. (8) Ca revient à peu près au coût de l’envoi d’un soldat US en Iraq pendant un an. (9)

Et si les dirigeants d’Al-Qaida avaient anticipé cette spectaculaire retombée sur leurs investissements dérisoires ? En partie, la stratégie pour le 11 Septembre n’a-t-elle pas cherché à conduire la machine de guerre des plus grandes puissances du monde à venir poser ses bottes sur les terres musulmanes, où les djihadistes tour à tour pourraient les harceler et les vaincre, et finalement chasser les Etats-Unis hors du monde islamique ? Oui, telle fut la stratégie qu’Al-Qaida adopta vers la fin des années 90. Mis au défi par son échec à vaincre un « ennemi proche » avec les gouvernements égyptiens et algériens alliés aux Etats-Unis, Al-Qaida a décidé de porter sa guerre aux Etats-Unis, chez l’ « ennemi lointain » qu’il considérait comme la « tête du serpent ». (10)

Récemment, Eric Margolis [journaliste états-unien qui écrit surtout sur les pays musulmans] a publié un compte rendu succinct sur la stratégie d’Al-Qaida. Osame Ben Laden, écrit-il, « évincerait les "croisés" modernes en attirant les Etats-Unis et leurs alliés dans une série de petites mais démoralisantes et coûteuses guerres, pour saigner et amener doucement l’économie US à la faillite, qu’il désigna comme le talon d’Achille de l’Amérique  ». (11)

Si cela n’avait pas été sa stratégie, Al-Qaida l’aurait rapidement faite sienne après avoir observé les réactions frénétiques de l’Amérique aux attaques du 11 Septembre. Les néoconservateurs attendaient les hommes aux cutters, prêts à lancer leur projet finement élaboré pour pouvoir redessiner la carte du Moyen-Orient. Si les Etats-Unis ont pu aussi facilement être provoqués pour l’invasion des pays musulmans, c’est que c’est Osama Ben Laden - et non le président des USA - qui décida quand et où les Etats-Unis feraient leurs guerres dans le monde musulman.

Effectivement, Al-Qaida provoqua les Etats-Unis pour qu’ils agressent une liste toujours plus longue de pays musulmans.


JPEG - 30.2 ko
Une délégation de la société chinoise, China Metallurgical Group Corporation, visite le site d’une mine de cuivre à Aynak, ancien fief d’Al-Qaïda, au sud-est de Kaboul, en 2007.
(R. Yeager/AP)




Les USA pris au piège par Al-Qaïda, au grand bonheur de la Chine

Neuf ans après qu’elle aurait été « gagnée », les Etats-Unis sont en train d’intensifier leur guerre en Afghanistan. Quelque huit années après leur cake-walk » [danse d’origine afro-américaine] dans tout l’Iraq, ils commencent juste à y réduire leurs forces. En outre, plusieurs unités de l’armée américaine sont « impliquées dans des opérations au Pakistan, en Somalie, au Yémen, en Afrique occidentale, en Afrique du Nord et aux Philippines. Une nouvelle base US à Djibouti a lancé des raids sur le Yémen, la Somalie et le nord du Kenya. Les forces américaines ont aidé à l’invasion éthiopienne ratée de la Somalie en 2006 ». (12) Si en effet, il est bien de la stratégie d’Al-Qaida d’entraîner les troupes américaines partout dans le monde musulman, qui peut nier qu’elle a totalement réussi ? Irrésistiblement, les USA sont tombés dans les traquenards d’Al-Qaida, l’un après l’autre.

Pendant que les USA sont engagés dans « la destruction séquentielle des nations musulmanes » - pour emprunter l’expression troublante de Liaquat Ali Khan [homme politique pakistanais, 1896/1951]-, la Chine marque des points dans le domaine économique dans les pays mêmes que les Etats-Unis occupent, agressent ou menacent d’agresser. (13) Au cours de la décennie passée, la Chine a obtenu des gains économiques en Iran, au Soudan, au Venezuela, en Syrie et en Afghanistan, pendant que les Etats-Unis occupent, sanctionnent et agressent militairement ces pays.

Il y a deux ans, la Chine a acquis des droits sur l’un des plus grands gisements de cuivre du monde, en Afghanistan. Dans un article du New York Times de décembre 2009, Michael Wines met très justement en avant la symbolique de cet investissement, « pendant que les Etats-Unis dépensent des milliards de dollars à se battre contre les Taliban et Al-Qaida, la Chine assure ses matières premières pour son économie vorace. La superpuissance mondiale a les yeux fixés sur sa sécurité. Son concurrent le plus en pointe se concentre, lui, sur son commerce. » (14)

Un scénario identique se dégage de l’Iraq. Les compagnies pétrolières américaines ne parviennent pas à obtenir les accords pétroliers qu’elles voudraient, à savoir des accords de production mutuelle, au lieu de contrats de services. Dans cette zone également, un partenariat entre une compagnie pétrolière britannique et une compagnie chinoise a pemis de décrocher haut la main un contrat de développement pour Rumaila, l’un des plus grands gisements de pétrole du monde [à la pointe sud de l’Iraq, mordant sur le Koweït]. (15)

Certes, les Chinois doivent se dire qu’Al-Qaïda est leur meilleur allié - quoique occasionnel et non reconnu - dans la course pour remplacer les Etats-Unis à la tête de l’économie mondiale.

Il est difficile à ce stade d’évaluer l’importance à long terme d’Al-Qaïda pour le monde islamique - sa stratégie entraîne de grandes souffrances pour les populations musulmanes en Iraq, en Afghanistan et au Pakistan - mais les gains qu’il a apportés à la Chine sont clairs. Le chant des sirènes du terrorisme a attiré les Etats-Unis dans ses pièges, l’un après l’autre, pour faire grimper leurs dépenses militaires, financer leurs guerres de plus en plus intenses en empruntant à leurs premiers rivaux économiques, épuiser leur capital moral dans la communauté internationale, et réduire à néant leurs propres garanties contre la tyrannie de l’Etat. La Chine ne peut reconnaître les cadeaux qu’elle reçoit d’Al-Qaïda, mais en privé, peut-être que la direction chinoise porte un toast à ces gains tombés du ciel.


Pour inverser cette politique : tenir tête aux forces proisaéliennes

Au lieu de se dresser et de faire face aux défis économiques posés par l’ascension rapide de l’Inde, de la Chine et du Brésil ; au lieu d’investir dans des programmes pour développer des énergies alternatives ; au lieu de développer un réseau de trains à grande vitesse ; au lieu de redresser la scolarité K12 [le primaire et le secondaire] en déclin ; la droite chrétienne et la cabale néoconservatrice ont poussé les Etats-Unis dans un vaste bourbier qui va d’un bout à l’autre du monde islamique. Tout cela, pendant que la Chine continue de défier la domination américaine dans une gamme croissante d’activités économiques.

Dans les années 80, les Etats-Unis dépensèrent beaucoup pour pousser l’URSS à la ruine économique. Depuis 2001, Al-Qaïda, avec ses investissements dérisoires en hommes et en argent, est en train d’attirer les Etats-Unis dans des guerres qui vont précipiter leur déclin économique. Au moins pour l’instant, la Chine est le premier bénéficiaire du mécanisme pervers qui force les Etats-Unis à s’engager dans des guerres contre le monde islamique, comme si c’était la panacée pour leurs problèmes, alors qu’en fait, elles ont l’effet inverse.

C’est Euripide qui le premier a écrit, « Avant de détruire, les dieux rendent fous  ». Est-ce ce qui arrive aux dirigeants d’un pays qui, obstinément, suivent un chemin - comme l’ont fait les Soviétiques dans les années 80 et 90 - qui conduit au déclin ou pire, à la ruine ? En principe, les démocraties ont la capacité de remplacer des dirigeants qui les conduisent au désastre. Pourtant, il semble que les politiques militaires catastrophiques initiées sous le président Bush ne sont pas abandonnées avec le Président Obama, son successeur démocrate. Est-il vraisemblable que les deux partis politiques aux Etats-Unis soient prisonniers d’un système politique - au moins sur la question de l’Islam et du monde islamique - qui est dominé par un conglomérat puissant de forces proisraéliennes, conduit par des Américains juifs mais avec un fort soutien des sionistes chrétiens ?

Si les Etats-Unis souhaitent inverser leur politique ruineuse envers le monde islamique, ils doivent agir, honnêtement et courageusement, pour contrebalancer l’influence des forces proisraéliennes dans leurs institutions politiques. Le temps manque pour cela aussi. Cela ne se fera pas en élisant un candidat qui veut les éblouir avec sa rhétorique de changement. Il leur faudra également élire un Président et un Congrès qui auront l’étoffe pour tenir tête aux forces proisraéliennes aux Etats-Unis.



Références

(1) - "Projet pour le nouveau siècle américain, la reconstruction des défenses de l’Amérique" - (Washington DC : Project for the New American Century, septembre 2000) ; 63 - http://www.newamericancentury.org/R...

(2) - Anthony Cordesman, "Les coûts incertains de la guerre globale contre le terrorisme" - (Washington DC : Center for Strategic and International Studies, août 2007) - http://csis.org/files/media/csis/pu...

(3) - Linda Bilmes et Joseph Stiglitz, "La guerre d’Iraq nous coûtera trois mille milliards de dollars, et plus encore", Washington Post (8 août 2008) - http://www.washingtonpost.com/wp-dy...

(4) - "Département US de la Défense, Rapport Défense sur les victimes, 2010" - http://www.defense.gov/NEWS/casualty.pdf

(5) - Anne Leland et Mary-Jana Oberoxeanu, "La guerre américaine et les victimes des opérations militaires : listes et victimes" - (Congressional Research Service, septembre 2009) ; 12 - http://www.fas.org/sgp/crs/natsec/R...

(6) - Bob Roehr, "Taux élevé de SSPT au retour des combattants d’Iraq" - Medscape Today (6 novembre 2007). <http://www.medscape.com/viewarticle...> http://www.9-11commission.gov/report/911Report_Exec.htm]

(9) - Tom Engelhardt, "Ce que les progrès signifient vraiment en Iraq", The Nation (13 avril 2007) - http://www.thenation.com/doc/200708...

(10) - Fawaz Gerges, "L’ennemi lointain : pourquoi le Jihad s’est mondialisé" (Cambridge University Press, 2005) ; 21, 24-26.

(11) - Eric Margolis, "Osama : 10. US : 0" - LewRockwell.com (12 janvier 2010) - http://www.lewrockwell.com/margolis...

(12) - Eric Margolis

(13) - Liaquat Ali Khan, "Maintenant, le Pakistan" - CounterPunch.Org (21 octobre 2009) - http://www.counterpunch.org/alikhan...

(14) - Michael Wines, "La Chine prête à dépenser beaucoup pour le commerce en Afghanistan", New York Times (30 décembre 2009) - http://www.nytimes.com/2009/12/30/w...

(15) - Timothy Williams, "Les companies pétrolières regardent l’avenir en Iraq" - The New York Times (30 novembre 2009) - http://www.nytimes.com/2009/12/01/w...


M. Shahid Alam, universitaire pakistanais, est professeur d’économie à l’université Northeastern, Boston. Il est l’auteur de : L’exceptionnalisme israélien : la logique déstabilisante du sionisme (Palgrave Macmillan, 2009).

Son adresse courriel : alqalam02760@yahoo.com
Son site : http://aslama.org/

14 février 2010 - The Palestine Chronicle - sous-titrage et traduction : JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.