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L’acharnement grandit en Israël contre les personnalités politiques arabes

vendredi 5 février 2010 - 06h:10

Jonathan Cook - The National

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Mr Zahalka, dirigeant du parti de l’Assemblée démocratique nationale : « Imaginez le tollé si un représentant juif aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne devait jurer fidélité à son pays en tant qu’Etat chrétien ».

Les dirigeants de la minorité arabe d’Israël ont averti cette semaine qu’ils étaient confrontés à une campagne de persécution sans précédent, soutenue par le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu et destinée à mettre fin à leurs activités politiques.

L’avertissement a été lancé après que Said Nafaa, membre druze du parlement israélien, ait été spolié de son immunité la semaine dernière, dégageant la voie pour qu’il soit jugé pour s’être rendu en Syrie il y a trois ans.

Ces dernières semaines, des sanctions juridiques ont également été évoquées contre deux autres dirigeants politiques arabes, suite à des affrontements avec les forces de sécurité israéliennes lors de manifestations contre l’occupation, et la pression se fait plus forte sur les deux parlementaires pour qu’ils fassent l’objet d’une enquête.

Les personnalités arabes sont particulièrement préoccupées à propos d’un projet de loi déposé le mois dernier et qui obligerait tous les candidats aux élections législatives à jurer fidélité à Israël en tant qu’Etat juif. S’il était adopté, les sièges des dix députés arabes appartenant aux partis non sionistes, sur les 120 que compte le parlement, la Knesset, seraient alors menacés.

Jamal Zahalka, un des députés, a déclaré : « Chaque semaine, c’est soit la Knesset soit le gouvernement qui essaie d’imposer de nouvelles mesures pour restreindre nos activités et notre liberté d’expression. Il y a une tendance croissante à une législation antidémocratique ».

Mr Nafaa, dernière cible de l’action judiciaire, a été privé de son immunité parlementaire contre toute poursuite la semaine dernière par une commission de la Knesset, tenue par la droite.

Conserver son immunité était, pour lui, le seul espoir d’éviter un procès après son inculpation par le procureur général, Menachem Mazuz, en décembre, au motif qu’il avait organisé en 2007 un voyage en Syrie, considérée comme pays ennemi.

Le député avait mis sur pied un pèlerinage pour un groupe de 280 religieux druzes sur les lieux saints de Syrie, via la Jordanie, après qu’un visa leur ait été refusé à plusieurs reprises par le ministère de l’Intérieur. Mr Nafaa faisait valoir que les religieux s’étaient alors trouvés privés de leur liberté religieuse.

Afu Aghbaria, député arabe, a qualifié cette situation de persécution politique et a interrogé ainsi la commission : « Pensez-vous qu’il a organisé un voyage d’espionnage avec 280 personnes ? ».

Mr Nafaa est lui aussi accusé d’avoir eu un contact avec un agent étranger. D’après le témoignage de l’un de ses assistants, qui fut interrogé par la police secrète israélienne, le député se serait entretenu de la querelle entre Fatah et Hamas avec Talal Naji, dirigeant syrien du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), et il aurait tenté de rencontrer Khaled Meshaal, chef du Hamas, à Damas.

Mr Nafaa, qui nie avoir rencontré Mr Naji, maintient que sa visite était uniquement de nature politique et que les actions de la Knesset visent à l’empêcher de remplir la mission pour laquelle il a été élu par la minorité arabe, soit le cinquième de la population d’Israël.

Pour Orna Kohn, l’avocate du centre Adalah, un centre juridique, qui représente Mr Nafaa, si l’immunité des députés juifs est levée dans les cas de corruption et d’infractions pénales graves, la levée de l’immunité pour activités politiques était « très rare » et semblait toucher uniquement les députés arabes.

La dernière en date est celle d’Azmi Bishara qui fut jugé en 2001 sur deux chefs d’accusation - s’être rendu en Syrie et incitation présumée lors d’un discours -, les deux ont été rejetés par les tribunaux.

Les députés arabes évitent de trop se déplacer dans le monde arabe depuis qua la loi de 2008, dite Loi Bishara, donne au gouvernement le pouvoir d’interdire à quiconque se serait rendu, sans autorisation, dans un Etat ennemi, de se présenter aux élections.

Ces dernières semaines, d’autres personnalités politiques arabes se sont trouvées en difficulté.

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Sheikh Raed Salah, chef du Mouvement islamique en Israël, a été condamné à 9 mois de prison, accusé d’avoir craché sur un policier, ce qu’il conteste.
(Tara Todras-Whitehill/AP)

Le mois dernier, Sheikh Raed Salah, chef du Mouvement islamique, a été condamné à une peine de 9 mois de prison après avoir été jugé coupable d’avoir craché sur un policier lors d’un affrontement près du site de la mosquée Al-Aqsa, en 2007. Mr Salah, qui a réfuté l’accusation, dit être la victime d’une action concertée visant à empêcher les musulmans de protéger le lieu saint de la Vieille Ville de Jérusalem.

Autre dirigeant arabe touché, Mohammed Barakeh, responsable du parti communiste à la Knesset, qui fut traduit en jugement sur quatre chefs d’accusation de voies de fait sur des officiels de la sécurité lors de manifestations, sur une période de quatre ans.

Mme Kohn, qui représente aussi Mr Barakeh, dit que le député a été présent à des centaines de manifestations au cours desquelles il a servi de médiateur entre les manifestants et les forces de sécurité.

« Souvent les soldats devenaient violents contre les manifestants et dans certains cas, Mr Barakeh s’était fait agressé. Dans de telles conditions, il est plus facile pour les soldats d’accuser Mr Barakeh d’être violent que de risquer d’en être accusés eux-mêmes ».

Pour elle, la décision d’inculper Mr Barakeh cherche à « criminaliser » son rôle politique et reflète une « escalade » dans l’utilisation de la loi contre les personnalités politiques arabes.

La recrudescence des actes d’accusations a fait réagir Mohammed Zeidan, responsable de la première commission de contrôle, principale instance politique pour la minorité arabe, afin de se plaindre des « attaques continuelles » contre la direction arabe.

A l’audience sur l’immunité de Mr Nafaa, Anastasia Michaeli, membre de la commission et membre du cabinet du ministre des Affaires étrangères d’extrême droite, Avigdor Lieberman, a déclaré qu’elle présenterait une proposition de loi afin de retirer la citoyenneté de quiconque se rendrait dans un Etat ennemi et de les expulser vers ce pays.

Les collègues de son parti ont déjà lancé une législation qui obligerait les députés à prêter serment d’allégeance à Israël en tant qu’ « Etat juif, sioniste et démocratique ». Actuellement, le serment s’en tient seulement à la fidélité à l’ « Etat d’Israël ».

Mr Zahalka, dirigeant du parti de l’Assemblée démocratique nationale fait remarquer : « Imaginez le tollé si un représentant juif aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne devait jurer fidélité à son pays en tant qu’Etat chrétien ».

Mr Zahalka a lui-même été accusé d’incitation après avoir déclaré à la télévision israélienne en décembre, qu’Ehud Barak, ministre de la Défense, écoutait de la musique classique pendant que des enfants se faisaient tuer à Gaza. A l’antenne, Dan Margalit, l’animateur, a traité Mr Zahalka d’ « impertinent » et lui a ordonné de quitter le studio.

Danny Danon, du Likoud, le parti de Mr Netanyahu, a par la suite déposé une proposition de loi visant à interdire la Knesset à tout député qui serait trouvé à inciter [la population] contre l’Etat.

Des demandes ont été déposées également contre un autre député, Taleb al Sanaa, du parti de la Liste arabe unifiée, pour qu’une enquête soit diligentée contre lui pour s’être servi de son radiotéléphone afin de permettre à Ismail Haniyeh, dirigeant Hamas à Gaza, de s’adresser à un groupe de manifestants, lors du premier anniversaire de l’agression d’Israël contre Gaza.

Yitzhak Aharonivitch, ministre de la Sécurité publique, fait partie de ceux qui appellent à l’inculpation de Mr al Sanaa.

Sur le même sujet :

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* Jonathan Cook est écrivain et journaliste basé à Nazareth, Israël. Il est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont été présentés le 4 mars 2009.

Son site : http://www.jkcook.net/
Son courriel : jcook@thenational.ae

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2 février 2010 - Jonathan Cook - publié initialement par The National - traduction : JPP


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