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A mon retour, je vais payer le prix pour ce témoignage

mercredi 30 décembre 2009 - 07h:50

Ma’an News Agency

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« Je sais très bien que je vais payer le prix de ce témoignage quand je vais rentrer, aux points de passages israéliens à mon voyage de retour, après cette audience, »

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La prison et siège de la police de Saraya à Gaza, bombardés le deuxième jour de la guerre.
(MaanImages)




Bethléhem, le 28 décembre 2009 - On estime à 300 le nombre de Palestiniens tués durant les premières 48 heures de l’agression israélienne, l’hiver dernier, contre la bande de Gaza. Le second jour de l’agression, c’était il y a un an aujourd’hui.

Le 28 décembre, s’acharnant de plus en plus sur Rafah, les avions israéliens bombardèrent plus d’une centaine de cibles, tuant 70 autres Palestiniens, portant le nombre d’enfants tués à 22 et celui des civils à 60, dont 9 femmes.

Les jets israéliens frappèrent l’université islamique de Gaza ville, les bureaux du Premier ministre de facto Ismail Hanihey, la prison Saraya - où, comble d’ironie, 4 membres du parti national rival du Hamas, le Fatah, trouvèrent la mort -, ainsi que trois mosquées et 11 maisons et appartements.

Le feu engloutit Rafah quand les missiles israéliens réussirent à toucher les canalisations de carburant dans les quelque 40 sorties de tunnels de la bande de Gaza. Fuyant les flammes, les habitants terrifiés du sud de la bande de Gaza tentèrent par centaines de s’échapper en Egypte, mais ils en furent empêchés par les forces de sécurité égyptiennes. Un Palestinien et un policier égyptien furent tués dans le chaos provoqué ; au moins 10 autres personnes furent blessées.


La Cisjordanie manifeste

Les Palestiniens en Cisjordanie, horrifiés par le nombre de morts et les plus de 1 000 blessés, manifestèrent contre l’opération le deuxième jour. Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne dispersèrent une manifestation à Ramallah où les militants exhortaient à soutenir le Hamas et, de leur côté, les forces israéliennes abattirent 3 manifestants à leur proximité.

« Il y a eu une augmentation significative de l’usage de la force par les forces de sécurité israéliennes lors des manifestations en Cisjordanie après le début des opérations israéliennes dans la bande de Gaza, » selon le rapport définitif de la mission d’enquête des Nations unies, sur le conflit de Gaza. « Le degré de la force employée contre les manifestants au cours de l’année précédente avait déjà été très élevé... De nouvelles tactiques et de nouveaux armements utilisés par les forces de sécurité israéliennes et visant à réprimer le mouvement populaire ont entraîné des morts et des blessés. »

En juillet 2009, deux témoins, Mohamed Srour et Jonathan Pollak, ont décrit devant les enquêteurs des Nations unies à Genève comment furent tués deux jeunes hommes du village de Ni’lin, en Cisjordanie, pendant une manifestation contre l’opération à Gaza. Srour, élu maire en 2005, fut lui-même touché par un tir à la jambe pendant cette manifestation.

« Cette manifestation ressemblait à toutes les autres manifestations. Il y en a toujours eu et ce sont des manifestations non violentes, » explique Srour. « Y étaient présents des sympathisants israéliens et étrangers, ainsi que des parlementaires de haut niveau. Il était donc très clair que cette manifestation était une manifestation non violente. »

Alors que la manifestation touchait à sa fin, les forces israéliennes se servirent de grenades lacrymogènes et assourdissantes pour disperser la foule. Les deux jeunes hommes qui furent tués faisaient partie d’un petit groupe de manifestants, donc certains avaient jeté des pierres sur les soldats. Dans une séquence vidéo, on voit 4 ou 5 soldats marchant apparemment décontractés et qui ne semblaient aucunement menacés. Des dizaines de coups de feu à balles réelles furent tirés dans la direction de ce groupe de jeunes, touchant trois d’entre eux en quelques minutes.

« Malheureusement j’ai quelque expérience, et il est très facile de faire la distinction entre les tirs à balles enrobées de caoutchouc et les tirs à balles réelles, » explique Pollak, un militant israélien. « Quand j’ai dit [aux jeunes] que c’étaient des balles réelles, ils ne m’ont pas cru. Ils ont dit, "non, ce sont juste des balles à blanc qu’ils sont en train de tirer. Et ils ne nous tirent pas dessus". »

Mohammed Khawaja fut touché d’une balle au front ; Arafat Khawaja, alors qu’il tentait s’enfuir, fut touché dans le dos, et Srour, à la jambe.

Par la suite, une ambulance fut empêchée d’arriver jusqu’aux victimes qui durent être transportées à une certaine distance et finalement être chargées sur le plateau d’un camion, sur lequel l’armée se mit à lancer des lacrymogènes.

« Il y a eu des cris disant qu’une autre personne avait été touchée. Quelqu’un a dit, "Appelez les médecins. Il y a un autre blessé." Alors nous avons posé Mohamed au sol. Quelqu’un est resté avec lui et je suis revenu en courant immédiatement.

« Et puis, j’ai vu qu’on emmenait Arafat Khawaja. Mais il n’y avait pas assez de gens pour le porter. Sa tête pendait derrière, je lui ai pris la tête et ma main s’est retrouvée couverte de son sang. Il a été abattu dans le dos... J’arrivais derrière lui et je le voyais de dos. Et j’ai vu Mohamed prendre une balle, j’ai vu Mohamed s’effondrer. Et les gens criaient qu’une autre personne avait été touchée.

[...]

« Nous avons eu tort de poser Arafat au sol. Et nous n’étions pas loin du tout de Mohamed. Et quelqu’un en l’agrippant courait devant, et laissait passer. Et j’ai pu voir que son visage était tout en sang ; et que la blessure se trouvait tout près de son ?il. Je veux dire, je dirais que sur le moment j’ai cru que la balle était entrée dans l’ ?il. Je ne suis pas sûr que ce soit exact...

« Il n’y avait pas d’ambulance parce qu’elle avait été empêchée d’entrer dans le village à l’entrée, au barrage à l’entrée. Son sang continuait de jaillir de son dos et ses jambes étaient un peu relevées aussi, le sang lui dégoulinait derrière la tête. Il a été touché dans le dos, et je veux dire, j’aurais tendance à dire qu’il a été assassiné du fait qu’il tournait le dos aux soldats et qu’il ne représentait un danger pour personne. Mais, je suppose que légalement on ne peut pas appeler ça un assassinat parce que nous n’avons pas de preuve de l’intention. Mais pour le moins, c’est un meurtre, c’était volontaire. »

Et Srour d’ajouter : « Il n’y a eu aucun respect, en aucune manière, de la vie humaine ».


Aucune réponse

Selon le rapport définitif du juriste sud-africain Richard Goldstone, « La mission a demandé au gouvernement d’Israël de s’expliquer sur l’usage accru des balles réelles lors des manifestations en Cisjordanie, mais elle n’a reçu aucune réponse. »

Tant Srour que Pollak ont déclaré que le deuxième jour de la guerre, l’atmosphère rencontrée autour des soldats et des policiers des frontières étaient déjà devenue très différente de la situation qui avait précédé les opérations à Gaza.

Pollak : « L’atmosphère lors de l’incident [à Ni’lin], comme au moment et après le début de la guerre en général, était que tous les contrôles et les équilibres avaient été enlevés. Les soldats parlaient à propos de la guerre à Gaza, en raillant, par exemple : "C’est une honte que nous soyons pas à Gaza en train de tuer des Arabes", » « Ils nous provoquaient en raillant. Ils juraient après nous. En même temps, ce qui arrivait à Gaza les faisait se marrer. C’était le deuxième jour de la guerre, de l’agression. Et les gens étaient incroyablement furieux. »

Les forces israéliennes arrêtèrent Srour au passage d’Allenby lors de son retour en Cisjordanie, le 20 juillet. Il fut par la suite libéré sous caution. Le représentant permanent d’Israël à Genève déclara que l’arrestation n’avait aucun lien avec ses déclarations à l’audience publique [de la mission Goldstone] quelques jours plus tôt.

Cependant, alors qu’il témoignait, Srour avait manifesté sa crainte qu’Israël n’exerce des représailles contre lui pour ses dépositions à l’ONU. « Je sais très bien que je vais payer le prix de ce témoignage quand je vais rentrer, aux points de passages israéliens à mon voyage de retour, après cette audience, » avait-il dit.

Au moins 800 manifestants israéliens, la plupart d’origine palestinienne, furent arrêtés pendant la guerre de Gaza.

Parmi les recommandations du rapport définitif des Nations unies, il est indiqué, « le gouvernement d’Israël doit cesser les actions visant à limiter l’expression des critiques de la part de la société civile et de l’opinion publique à propos de la politique d’Israël et de sa conduite pendant les opérations militaires dans la bande de Gaza. La mission recommande également qu’Israël mette en place une enquête indépendante afin de déterminer si le fonctionnement des autorités judiciaires israéliennes à l’égard des Israéliens palestiniens et juifs qui avaient exprimé des désaccords en lien avec l’offensive avait été discriminatoire, tant en termes d’accusations que de détention préventive. Les résultats de l’enquête devront être rendus public et, sous réserve des conclusions, une action appropriée en rectification devra être engagée.

« La mission recommande que le gouvernement d’Israël s’abstienne de toute action de représailles contre les Palestiniens et Israéliens en tant qu’individus comme contre les organisations qui auront coopéré avec la mission d’enquête des Nations unies sur le conflit de Gaza, en particulier les personnes qui auront comparu aux audiences publiques tenues par la mission à Gaza et à Genève, et qui auront exprimé des critiques à l’égard des actions d’Israël. »

Bethléhem, le 28 décembre 2009 - Ma’an News Agency - traduction : JPP


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