Gaza : Un an déjà
(et un poème de Z. Medoukh)
mercredi 23 décembre 2009 - 00h:49
Ziad Medoukh
Gaza se souvient, Gaza étouffe, Gaza patiente
- (Photo Ziad Medoukh)
Fin décembre 2008, fin décembre 2009, un an déjà ...
Je ne vais pas revenir dans cet article sur les 3 semaines terribles vécues par la population civile de la bande de Gaza lors de l’agression israélienne contre une région innocente, contre une prison à ciel ouvert, contre un territoire isolé, emmuré, une population enfermée, sans possibilité de fuir...
Chacun est libre de qualifier et de décrire avec ses mots ces horribles événements de Gaza : guerre, agression, pilonnages, massacres, crimes de guerre, attaques sanglantes, voire des attaques barbares... Les seuls mots pour moi sont, massacres et crimes commis par la cinquième puissance militaire dans le monde contre un million et demi de civils, contre des femmes et des enfants et des vieillards sans défense, contre la totalité des infrastructures de la bande de Gaza, et ce, dans le plus profond mépris des condamnations internationales.
C’est très difficile pour moi, Gazaoui, de décrire la situation actuelle dans la bande de Gaza un an après la fin de l’agression israélienne, car je pourrais écrire des pages et des pages, voire des livres, pour évoquer seulement une partie de la souffrance, de la douleur et des sacrifices de ses habitants toujours isolés, enfermés par le blocus, et abandonnés à leur sort au vu et au su du monde dit libre.
Les mots et les expressions m’échappent pour parler de toute une population : femmes, jeunes, enfants, personnes âgées, patients, chômeurs, malades, blessés, invalides, tous ceux qui ont perdu pendant ce déferlement de massacres et de destructions, leurs maisons, leurs biens et surtout leurs proches, et qui, néanmoins, continuent de résister sur leur terre dans des conditions inhumaines, difficilement imaginables pour quelqu’un de l’extérieur.
Je ne sais pas de quel Gaza je vais parler : Gaza le blocus ? Gaza l’isolement ? Gaza la résistance ? Gaza la vie ? Gaza la souffrance ? Gaza la détermination ? Gaza la prison ? Gaza la mort lente ? Gaza la tristesse ? Gaza l’obscurité ? Gaza l’opprimée ? Gaza l’étouffement ? Gaza l’impuissance ? Gaza le malheur ? ou Gaza l’espoir ?
Un an déjà... Gaza fin décembre 2009 : un an après ces événements les Gazaouis se rappellent - comment pourraient-ils oublier ? Ils se souviennent de ces 20 jours de carnages jamais égalés depuis l’occupation israélienne en 48. Ils se souviennent d’abord de plus de leurs martyrs, plus de 1 400 tombés sous les bombes de l’aviation israélienne ou les balles des soldats : ils se souviennent des maisons, plus de 6 000, des hôpitaux, des écoles, des refuges pour la population, détruits par les bombardements indiscriminés des Israéliens ; ils se souviennent de la passivité complice de la communauté internationale pendant ces massacres.
Dans le monde des humains au XXIème siècle, comment cela est-il possible ?
Un an déjà, et rien n’a changé à Gaza... Le blocus inhumain imposé depuis plus de 3 ans resserre toujours son étau, de façon encore plus inhumaine dans la situation actuelle des Gazaouis ; les passages qui relient la bande de Gaza au monde extérieur sont ouverts au compte-gouttes sur ordre militaire israélien ; 80% de la population civile dans la bande de Gaza vivent avec des aides alimentaires internationales, quand elles peuvent passer ; les blessés et les malades meurent ou attendent la mort parce qu’il est interdit de sortir pour aller se faire soigner à l’extérieur et que leurs hôpitaux manquent d’équipements adéquats.
Fin décembre 2009, un an déjà et Gaza survit toujours dans la douleur, Gaza patiente... Gaza attend toujours le réveil de la conscience mondiale, Gaza continue d’attendre l’application de la loi internationale, Gaza continue de souffrir avec seulement sa détermination de continuer à vivre... de ne pas mourir...
Un an et plus de 10 000 habitants de Gaza vivent toujours dans des tentes à côté des ruines de leurs maisons car tous les matériaux de construction sont interdits d’accès dans la bande de Gaza sur ordre militaire israélien.
Gaza, fin décembre 2009, espère malgré tout. Ses raisons d’espérer, comme l’ont été les puissantes manifestations de soutien partout dans le monde, restent la mobilisation des sociétés civiles et des représentants politiques partout dans le monde pour que les gouvernements et les instances décisionnelles de la communauté internationale imposent la levée du blocus et la réouverture des passages, pour qu’enfin les habitants de la bande de Gaza puissent commencer à restaurer leur environnement... à panser leurs plaies ; pour qu’enfin ils puissent espérer commencer à pouvoir vivre une vie normale dans leur région, dans leurs villes, dans leurs villages...
Gaza, fin décembre 2009, à la veille de la marche commémorative internationale : Gaza n’en peut plus, Gaza survit au jour le jour, Gaza étouffe, Gaza crie dans le silence des médias internationaux, Gaza attend... Gaza espère... espère et demande... Les Palestiniens de Gaza espèrent et demandent la restauration de leurs droits fondamentaux, de leur droit à la vie dans le monde, à la paix par l’application de la justice.
Le chemin de la paix passe par la justice, rien que la justice.
Gaza et les Palestiniens aspirent à la paix dans la liberté et la justice.
* Ziad Medoukh est enseignant de français à l’université Al-Aqsa de Gaza et coordinateur du Centre de la Paix.
Du même auteur :
vec le blocus, Gaza est paralysée : conséquences et dégâts - 6 novembre 2008
Témoignage : une situation dramatique à Gaza - 5 octobre 2007
17 avril : Journée du prisonnier palestinien - 16 avril 2007
Nous sommes désolés - 6 février 2007
Désir de paix - 23 décembre 2006]
Le courage de nos femmes palestiniennes - 18 mai 2006]
L’Université Al-Aqsa : présentation - 18 mai 2006
C’était le dernier samedi de 2008
Gaza se souvient
Ziad Medoukh
C’était un samedi
Au début de l’hiver à Gaza
Une journée terrible
Le début de l’agression militaire
Le lancement du carnage
De l’opération militaire dite plomb durci.
Toute la poésie colorée ne pourrait
Décrire ce samedi de choc
Et tous les mots bien choisis
Ne pourraient parler
De ce samedi sinistre
Pour Gaza, la Palestine et l’humanité.
C’était le dernier samedi de l’année
Les fêtes commençaient
Les enfants attendaient leurs cadeaux
Ce fut le jour choisi
Par la puissance occupante
Pour donner son cadeaux à Gaza
Le cadeau de la mort
C’était le dernier samedi de décembre
Les élèves étaient dans leurs écoles
Les étudiants dans leurs universités
Des pères cherchaient un travail
Les mères faisaient les courses
Et soudain.... le fracas des bombes !
C’était le 27 décembre 2008
Gaza à feu et à sang
Des corps déchiquetés sur le sol
Des maisons fracassées
Des écoles.....
L’horreur sans nom
Dans la prison appelée Gaza.
C’était un samedi terrible
Les jardins de Gaza devenaient cimetières
Les maisons écroulées, tombeaux
Frénésie de destructions dans toute la bande de Gaza.
C’était le début de l’offensive militaire
C’était le début des massacres
C’était le début des pilonnages sans trêve
Gaza se souvient de ce samedi noir.
Ce samedi inoubliable
Devant le silence complice des gouvernements
Du monde dit libre
L’armée puissante de l’occupation
Se livre au carnage d’une population civile sans défense
Enfermée, sous blocus
Une population innocente sous terreur
Mais fière, courageuse, soudée et confiante.
Une population courageuse, une population déterminée.
Une population résistante.
C’était un samedi de cauchemar
Un samedi horrible
Un samedi hors normes
Des centaines de morts
Enfants, femmes , personne âgées...
Des milliers de blessés
Les infrastructures de la vie civile détruites
Terreur , impossibilité de fuir
Et personne pour les arrêter !
Gaza se souvient de ce samedi
Un an après
Un an déjà
Un an depuis ce samedi noir...
Certes, Gaza se souvient...
Mais Gaza surtout,
Leçon de vie et d’espoir
Gaza est déterminée à vivre
A croire en la justice
Et à la liberté et la paix à venir
Gaza veut y croire
Gaza lutte
Et continue de résister
Dans une grande Palestine d’avenir.
Poème reçu de Ziad Medoukh et diffusé par l’AFPS ce mercredi 23 décembre
Diffusé par l’auteur, le 20 décembre 2009