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La coalition occidentale ne peut pas vaincre les Talibans

samedi 19 décembre 2009 - 06h:04

Abdel Bari Atwan

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Qu’il y ait renforcement ou non des troupes d’occupation, les Talibans sont aguerris et patients, et ils n’ont aucune intention d’abandonner l’Afghanistan, écrit Abdel Bari Atwan.

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Combattant Taliban - Photo : AFP/Tariq Mahmoud

Le président Barack Obama a finalement annoncé sa décision d’envoyer quelques 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan, mais la logique qui sous-tend cette décision reste floue.

Il a fallu au président près de quatre mois pour répondre à la demande, de 40 000 soldats supplémentaires du général américain Stanley Mc Chrystal, commandant en Afghanistan, pour « prévenir l’échec de la mission ». La réticence avec laquelle 75% de la demande du général a été remplie témoigne d’un certain manque de conviction de la part d’Obama.

Sa décision entre-deux comprend également le projet d’un retrait complet d’ici juillet 2011, illustrant sa volonté de faire plaisir à tout le monde et tout le temps. Les faucons seront contents avec l’augmentation du nombre de soldats, tandis que les colombes seront calmées par la perspective d’une fin de la guerre.

Mais Obama est une personne très intelligente qui se rend compte que que soit le nombre de soldats de l’Otan envoyés en Afghanistan, la guerre restera impossible à gagner.

Le renforcement des troupes en Irak [« surge »] avec le général David Patraeus a été largement considéré comme un succès (même si l’insurrection est loin d’être terminée dans ce pays), mais l’Afghanistan n’est pas l’Irak et un « surge » n’est pas une panacée.

Cela a pu fonctionner en Irak pour plusieurs raisons, du fait que les deux tiers de la population (les parts chiite et kurde) ont soutenu l’invasion et par l’élimination de Saddam Hussein (sunnite) dès le départ.

En Afghanistan, 90% de la population est sunnite, une grande part ayant suivi l’enseignement radical de l’école Hanafi préconisé par les Talibans. En outre, près de la moitié des Afghans sont issus des tribus pachtounes farouchement loyales, ou s’y sont mariés. Le mouvement Taliban est largement composé de Pachtounes.

Il est hautement improbable que la majorité du peuple afghan, musulman hanafite, pachtoune, ou les deux, puisse préférer la présence de troupes américaines plutôt que les Talibans, indépendamment de leur accord ou non avec l’interprétation extrémiste de la charia imposée par ces derniers. Pour cette raison, les Talibans contrôlent aujourd’hui environ les deux-tiers du pays, et ils ont gagné en popularité à la suite du processus électoral en capilotade qui a vu le retour Hamid Karzaï à la présidence, malgré les accusations de fraude électorale.

Lorsque les troupes de George W. Bush ont envahi l’Afghanistan au lendemain du 11 septembre 2001, leur objectif était de mettre en déroute Al-Qaïda et de renverser ceux qui les hébergeaient, les Talibans. Quand Obama est arrivé au pouvoir au début de cette année, la destruction d’Al-Qaïda était encore un objectif crédible alors que les hommes-clé du réseau étaient retournés à leurs refuges dans l’Hindu Kush et avaient organisé des camps d’entraînement conjointement avec les Talibans.

Al Qaida essaime

Mais à présent peu de gens imaginent que le moindre chef d’Al-Qaida, sans parler d’Oussama Ben Laden et du Dr Ayman Al Zawahiri, continue de s’y cacher. De récents rapports de renseignement affirment que moins d’une centaine de combattants d’Al Qaida seraient encore dans le pays.

Al Qaida s’est redéployé ailleurs, tout comme il l’a fait au cours du « surge » en Irak. Le réseau réapparaît actuellement dans le Maghreb, la péninsule arabique (avec une forte présence au Yémen) et la Somalie où les combattants autochtones Al Shabaab ont récemment fait allégeance à Ben Laden.

Une grande partie de la direction du mouvement ainsi que de nombreux combattants auraient franchi la frontière vers le Pakistan où existe un mouvement Taliban local en plein essor.

En effet, il semble que la sécurité intérieure du Pakistan soit désormais la question-clé de la politique afghane d’Obama et la raison pour laquelle toute prétention d’apporter la démocratie à ce malheureux pays [l’Afghanistan] a été abandonnée, Obama assurant dans son discours de juin « qu’aucun système de gouvernement ne peut ou ne doit être imposé à une nation par une autre ».

Même sans mandat populaire, Karzaï est l’homme de l’Amérique. Si le contrôle de l’Afghanistan devait tomber aux mains des Talibans, le régime actuel du Pakistan en serait automatiquement fragilisé. Et le Pakistan est une puissance nucléaire...

Quelle que soit la stratégie militaire américaine et ses ambitions, il est difficile d’envisager un avenir pour l’Afghanistan qui n’implique pas les Talibans. L’hiver afghan notoirement difficile en même temps que le terrain impitoyable donneront peu de latitude aux troupes américaines, peu importe leur nombre.

Les plans américains de confiner les combats plutôt dans les zones urbaines que rurales ne sont pas de meilleure augure. Sirajuddin Haqqani, second commandant Taliban, a déclaré aux journalistes qu’il sera plus facile à ses hommes de cibler un plus grand nombre de troupes américaines dans les villes et les village - où ses combattants bénéficient d’un soutien populaire - que dans les montagnes.

Dans son discours du Caire, Obama a fait allusion à un renversement de la tendance générale à l’hégémonie américaine qui caractérisait la politique de la précédente administration au Moyen-Orient. Si tel est bien son objectif à long terme, et s’il ne veut pas avoir à gérer un second Vietnam, Obama serait bien avisé de suivre sa première et plus intelligente intention de discuter avec les Talibans.

Peu importe combien de temps les Etats-Unis sont prêts à rester en Afghanistan. Les Talibans sont aguerris, patients et ont le temps pour eux. Un célèbre Pachtoune disait fort justement : « Ils ont les montres, mais nous avons le temps ».

Du même auteur :

- La confession arrogante de Blair sur l’Irak - 16 décembre 2009
- Guerre contre l’Irak : une enquête sur les mensonges de Blair - 14 décembre 2009
- La haine grandissante de l’Europe à l’égard des Musulmans - 10 décembre 2009
- L’Arabie Saoudite et la guerre dans Sa’ada - 15 novembre 2009
- L’élection de Karzaï le corrompu est un désastre pour les Etats-Unis - 6 novembre 2009
- Hillary Clinton : l’avocat du diable -5 novembre 2009
- Le vrai président des Etats-Unis, c’est Netanyahu ! - 28 septembre 2009

Lire également :

- Laisser l’Afghanistan aux Afghans - 12 novembre 2009
- Le Viet Nam d’Obama - 23 septembre 2009

7 décembre 2009
- Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.bariatwan.com/index.asp?...
Traduction : Nazem


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