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Les déchirures de Jérusalem

mercredi 9 décembre 2009 - 12h:02

Chaïmaa Abdel-Hamid - Al-Ahram/hebdo

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Parler aujourd’hui des 62 ans du plan de partage de la Palestine ne peut se faire sans évoquer le cas flagrant d’Al-Qods. Un des exemples les plus frappants de division territoriale.

D’une ville qui passe de partage en partage, il ne reste plus grand-chose. Même les traces palestiniennes s’effacent. Depuis que cette Jérusalem a été annexée lors de la guerre des Six jours en 1967 par Israël, qui la considère comme sa capitale éternelle, son statut ne cesse de se dégrader. Toute l’histoire d’Al-Qods n’est qu’une histoire de découpage.

Suite au partage de la Palestine en 1947, les Israéliens ne font qu’appliquer leur plan de chasse de toute trace du peuple palestinien. Pour les spécialistes, il suffit de se pencher sur l’histoire de cette ville pour s’apercevoir qu’elle a vécu trois phases de déchirure. La première étant celle du partage de la Palestine en deux camps - Est et Ouest - l’un pour les Palestiniens et l’autre pour les Israéliens, avec Jérusalem sous surveillance internationale.

Ensuite, une deuxième division en 1967, lorsqu’Israël a mis la main sur le « Jérusalem-Est » ainsi que sur les banlieues qui l’entourent, les annexant au camp ouest. Israël a démoli les habitations bâties sans permis de construire israéliens, a évincé les Palestiniens des logements dont ils ne peuvent pas prouver qu’ils sont propriétaires et a développé les logements pour les juifs à Jérusalem-Est. La troisième phase : l’Esplanade des mosquées, partagée actuellement en une partie supérieure pour les Palestiniens et une autre inférieure pour les Israéliens. Le politologue Mohamad Abdel-Salam, affirme : « Depuis le partage de la Palestine, le statut de Jérusalem se rétrécit de plus en plus. Il s’agit en fait d’un ancien plan israélien visant à effacer toute trace palestinienne de cette ville et c’est ce qui est en train de se produire actuellement ».

Ceci semble vrai et les chiffres le prouvent. Selon une ONG israélienne, sur la foi de statistiques obtenues du ministère de l’Intérieur grâce à la législation sur la liberté d’information, le nombre de Palestiniens privés de leur statut de résidents à Jérusalem a atteint l’an dernier le chiffre record de 4 577. Selon les statistiques obtenues du ministère israélien de l’Intérieur par HaMoked (centre pour la défense de l’individu), et qui portent sur la période courant de 1967 à 2008 - à l’exception de l’année 2002 -, un total de 8 269 Palestiniens se sont vu retirer leur statut de résidents à Jérusalem. A l’heure actuelle, 250 000 Arabes vivent encore à Jérusalem-Est et dans sa banlieue, contre 200 000 juifs.

Le plan israélien consistant à expulser le plus grand nombre d’Arabes est en réelle application depuis 1967. Les colonies en augmentation continuelle. A Jérusalem-Est, quelque 190 000 juifs vivent dans 12 implantations. Ils ont essayé d’appliquer leur processus de judaïsation de la ville de Jérusalem afin de réaliser leur rêve sioniste qui a, depuis toujours, existé : construire, sur les ruines de la mosquée d’Al-Aqsa et sur celles de Qobbat Al-Sakhra (le Dôme du rocher), le « Troisième temple ». Depuis 1970, Israël a commencé d’intensifs travaux de fouilles en dessous de la mosquée d’Al-Aqsa sur les côtés sud et ouest. En 2007, les travaux ont repris et n’ont jamais cessé. « Ils travaillent surtout sur l’élimination radicale de tout signe arabe ou musulman. Des experts ont assuré dernièrement que l’Esplanade des mosquées est actuellement menacée  », révèle Abdel-Salam. Les choses ne s’arrêtent d’ailleurs pas là. Les Israéliens ont même décidé de gommer les noms arabes sur les panneaux indicateurs des localités situées en Israël. Une mesure présentée comme réponse au refus des Palestiniens de désigner des localités israéliennes par leurs noms en hébreu. Seul le terme hébreu sera gardé. Ainsi apparaît Jérusalem seulement en hébreu, « Yerushalayim », sans qu’il n’y ait plus mention du terme arabe usuel d’Al-Qods, accolé entre parenthèses.

Réalité douloureuse

En ce qui concerne les réactions internationales, le partage de Jérusalem ne manque pas de résolutions. L’UE, via la Suède qui en occupe la présidence, a pris l’initiative il y a quelques semaines d’une résolution appelant au partage de Jérusalem et la définissant comme capitale d’Israël et de la Palestine. Un document qui a suscité des critiques par Israël. Mais ne s’agit-il au fond d’une nouvelle résolution qui viendrait s’ajouter à la liste des résolutions de l’Onu concernant le partage de Jérusalem et qui n’ont jamais été respectées par Israël ? Comme l’explique Ossama Mégahed, spécialiste des affaires palestiniennes, ce projet suédois n’est pas le premier de son genre. De nombreuses résolutions l’ont précédé sans rien changer dans la réalité douloureuse de cette ville. « Les résolutions de l’Onu ne sont dans le fond qu’encre sur papier. Elles servent peut-être d’outil de pression sur les Israéliens, mais ne les obligent à aucune application concrète », dit-il. Même en ce qui concerne les accords et les négociations, ils n’ont jusque-là pas mené à grand-chose. Lors des négociations de Camp David II avec Bill Clinton en tête, le Premier ministre israélien, Ehud Barak, et le leader palestinien, Yasser Arafat, ils devaient conclure le processus de paix entamé sept ans plus tôt à Oslo et mettre un point final au conflit qui les opposait depuis près de cinquante ans. Mal conclue, cette rencontre a réduit à néant des années d’efforts communs pour installer la paix dans la région. Pire, l’échec de Camp David II a fait le lit de la deuxième Intifada.

Le statut de Jérusalem est dangereux. Jérusalem, qui souffre depuis de longues années de ce découpage sauvage de ses territoires, est aujourd’hui en train de perdre son identité arabe. Reste à espérer que les choses ne demeureront pas ainsi.

Voir aussi : Exil et souffrance - Aliaa Al-Korachi - Al-Ahram/hebdo

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 9 au 15 décembre 2009, numéro 796 (Dossier)


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