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Deux capitales pour deux Etats pour deux peuples

mercredi 9 décembre 2009 - 06h:05

Gershon Baskin
Jerusalem Post/Miftah

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Après avoir menti à l’opinion publique pendant 42 ans sur Jérusalem qui serait la capitale éternelle unifiée d’Israël, il est temps d’accepter qu’il existe deux Jérusalem, une israélienne et une palestinienne.

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Reconnaître que Jérusalem constitue deux villes est la première étape pour faire la paix avec les Palestiniens et les Arabes.




Pas un seul pays au monde ne reconnaît notre capitale, Jérusalem, en tant que capitale d’Israël. Même les Etats-Unis indiquent en bas de page sur le site de leur Département d’Etat : Israël a proclamé Jérusalem sa capitale en 1950. Les Etats-Unis, comme presque tous les autres pays, gardent leur ambassade à Tel-Aviv. La résolution n° 478 du Conseil de sécurité des Nations unies considère la loi de 1980 relative à Jérusalem et déclarant Jérusalem capitale "éternelle et indivisible" d’Israël, comme nulle et non avenue, affirmant qu’il s’agit d’une violation du droit international.

L’Union européenne débat en ce moment de sa propre position sur Jérusalem. Le débat reflète la réalité de Jérusalem bien mieux que tous les politiciens au pouvoir à Jérusalem n’auront le courage de l’admettre. Après avoir menti à l’opinion publique pendant 42 ans sur Jérusalem qui serait la capitale éternelle unifiée d’Israël, il est temps d’accepter qu’il existe deux Jérusalem, une israélienne et une palestinienne. Même Teddy Kollek, l’Hérode du 20ème siècle, a admis en 1988 que « la coexistence dans Jérusalem était dépassée ». Ce fut d’ailleurs un sacré coup pour l’homme qui croyait avoir été celui qui avait unifié la ville.

Depuis la naissance de l’Etat d’Israël, Jérusalem n’a jamais été unifiée. De 1949 à 1967, elle a été divisée par un mur et des barbelés et depuis 1967, elle est divisée politiquement, culturellement, ethniquement et nationalement. S’il est vrai que l’annexion israélienne massive de territoire et les constructions dans ce qu’on appelait autrefois Jérusalem-Est ont changé les termes de la division, avec une presque majorité juive dans Jérusalem-Est, la géographie n’est pas le paramètre normal qui convient. Il est plus juste de parler d’une Jérusalem israélienne et d’une Jérusalem palestinienne.

Reconnaissons-le nous-mêmes, nous, Israéliens, nous ne nous intéressons pas vraiment à la partie palestinienne de Jérusalem. Même si elle a été sous notre domination pendant les 42 années passées, nous ne la traitons pas comme un secteur à part entière de la ville. Elle ne bénéficie pas des mêmes services que les quartiers israéliens. Son système éducatif est en retard, sous financé, surpeuplé et incapable de répondre aux besoins de la population. Aujourd’hui, l’un des quartiers palestiniens de Jérusalem, Kafr Akab, se retrouve de l’autre côté du mur de séparation, après le check-point de Qalandya.

Nous devons sincèrement nous interroger : voulons-nous vraiment que le camp de réfugiés de Shuafat soit intégré à la capitale indivisible de l’Etat d’Israël ? Autant que je sache, nous ne chantons pas :  ?Si je t’oublie Umm Tuba, que ma main droite se dessèche, ou près du fleuve de Babylone, nous étions à pleurer en nous souvenant de toi, Jebl Mukaber’.

Nous ne disons pas : L’an prochain à Walaa, et nous ne prions certainement pas pour la paix à Sur Bahir. Pour Beit Hanina, je ne me tairai pas.

D’une certaine manière, nous avons la chance que la ville soit à ce point divisée, cela rend sa partition politique possible. En ma qualité de membre de la commission d’expert pour Jérusalem, du Premier ministre Ehud Barak avant le sommet de Taba en janvier 2001, j’étais assis devant une grande photo aérienne à tracer les lignes de division des souverainetés, basées sur les paramètres de Clinton pour Jérusalem pour qui : ce qui est juif va à Israël, ce qui est arabe va aux Palestiniens. Nous avions reçu l’instruction du Premier ministre de concevoir la stratégie d’Israël pour l’avenir de Jérusalem sur cette base, et cela pouvait être fait.

Bien entendu, la partie la plus sensible de Jérusalem est la Vieille Ville. Elle représente moins d’un kilomètre carré et est composée de quatre quartiers : le musulman (de loin le plus grand), le chrétien, l’arménien et le juif. Il y a deux solutions possibles pour la Vieille Ville : un régime international particulier qui permettrait de protéger et de garantir les droits et la sécurité de tous dans son enceinte, ou la mise en application des paramètres Clinton : ce qui signifierait que les Palestiniens auraient la souveraineté sur les quartiers musulman, chrétien et probablement arménien, et Israël sur le quartier juif.

Le c ?ur du c ?ur de Jérusalem est le Mont du Temple/Haram al-Sharif. Pour les musulmans, c’est le troisième lieu le plus saint. Ici, Ibrahim a amené Ismaël pour le sacrifier (selon leur tradition) et ici, le prophète Mahomet est monté au ciel pour commencer à recevoir la révélation du Coran. Pour les musulmans, le commandement du Hadj n’est pas complètement exécuté tant qu’ils ne sont pas venus à Jérusalem, après La Mecque et Médine.

Pour les juifs, c’est le lieu le plus saint. Partout dans le monde, les juifs font face à Jérusalem dans la prière, et dans Jérusalem, ils dirigent leurs prières vers le Mont du Temple. Selon la Halacha, actuelle et depuis longtemps, les décisions du Grand Rabbinat et les rabbins haredi importants, les juifs ne doivent pas entrer dans le Mont du Temple. La raison en est que nous ne connaissons pas l’endroit du Saint des Saints et les rabbins veulent empêcher que le site ne devienne impur.

Depuis 1967, Israël revendique la souveraineté sur le Mont du Temple, mais en pratique, elle est assumée par les autorités musulmanes. Il serait tout à fait possible de transformer le statu quo en souveraineté musulmane de facto et, du point de vue juif, nous pourrions aisément dire que quand le messie viendra, les termes de la souveraineté pourront être modifiés (si c’est voulu par Dieu).

Reconnaître que Jérusalem constitue deux villes est la première étape pour faire la paix avec les Palestiniens et les Arabes. Jérusalem ne doit pas être reléguée à la fin du processus. Les Européens l’ont compris : la paix commence avec Jérusalem. Les murs et barrières qui ont été construits dans la ville toutes ces dernières années doivent être abattus. Les seuls murs qui doivent rester debout sont ceux qui entourent la Vieille Ville.

Jérusalem deviendra un lieu de grande portée internationale - alors qu’il y a plus de 150 ambassades dans la ville (qui pourraient servir deux Etats) et qu’elle est ouverte, modernisée, soucieuse de l’environnement, comme les villes d’importance internationale doivent l’être. Alors, elle ne sera pas seulement la ville de la paix, elle sera aussi une ville beaucoup plus agréable pour y vivre.

Décider que Jérusalem sera la capitale de deux Etats n’est pas seulement faisable, c’est aussi le seul moyen pour que Jérusalem soit reconnue comme la capitale d’Israël.


L’auteur est co-directeur du Centre Israël/Palestine pour la recherche et l’information et il est membre de la direction du parti des Verts en Israël.

IPCRI est une institution conjointe d’Israéliens et de Palestiniens favorable à la résolution du conflit israélo-palestinien sur la base de « deux Etats pour deux peuples ».

Gershon Baskin en est le fondateur en 1988 après 10 ans passés dans le domaine des relations juives-arabes en Israël, au ministère de l’Enseignement et comme directeur exécutif de l’institut pour l’enseignement pour la coexistence juive-arabe (créée par le ministère de l’Enseignement et le bureau du Premier ministre). Il a reçu le prix de la Paix Histadrut en 1996. (Source)

The Jerusalem Post, 7 décembre 2009 - publication en anglais : MIFTAH, 8 décembre 2009 - photo : AP/E. Marti - traduction : JPP


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