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Pourquoi peut-on parler avec le Hamas pour Shalit, et pas pour la paix ?

samedi 28 novembre 2009 - 06h:40

Gideon Levy - Ha’aretz

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Pourquoi est-il permis de parler avec le Hamas quand il s’agit du sort d’un soldat prisonnier et de plusieurs centaines d’autres, alors qu’il est interdit de lui parler quand il est question du sort de deux nations ?

Jamais la logique israélienne n’a été aussi dénaturée. Maintenant que nos c ?urs attendent avec impatience l’application de l’accord, que tout c ?ur humain devrait être impatient de voir la libération de Gilad Shalit - et, oui, celle aussi de centaines de prisonniers palestiniens, dont certains sont quasiment des prisonniers politiques, pas seulement des « terroristes avec du sang sur les mains » - maintenant il est temps de nous débarrasser de certaines des interdictions idiotes que nous nous sommes imposées ainsi qu’à la communauté internationale tout entière.

Maintenant, il est clair qu’il y a quelqu’un à qui parler. A Gaza et Damas siègent des hommes d’Etat coriaces mais raisonnables. Ils sont aussi concernés, à leur manière, par le sort de leur peuple, ils aspirent également à lui apporter liberté et justice. Quand l’accord sera appliqué, nous nous apercevrons nous aussi qu’ils peuvent être pris au mot. Si Israël n’avait pas détenu des dizaines de milliers de prisonniers - certains ayant utilisé des moyens ignobles, dans un objectif juste - qui ont été jugés autrement que ne l’ont été des meurtriers et criminels juifs, peut-être qu’alors le Hamas n’aurait pas été obligé d’utiliser l’arme de l’enlèvement.

S’il n’y avait eu le siège de Gaza et le boycott international contre tout ce qui faisait penser au Hamas, peut-être que l’organisation n’aurait pas eu besoin de roquettes Qassam. Mais Israël veut toujours faire les choses à sa manière : il a lancé l’opération Pluies d’été pour obtenir la libération de Shalit et il a échoué ; il a imposé un siège sur Gaza pour exercer une pression pour sa libération, et il a obtenu un nouvel échec, total. Quand Israël a reconnu ses erreurs, qu’un million et demi d’habitants de Gaza sont toujours en train de payer de leurs corps et de leurs âmes, il s’est alors retourné vers le seul moyen juste et efficace : les négociations diplomatiques.

Oui, nous sommes en train de faire ce que nous ne voulons pas reconnaître : négocier avec le Hamas, et le ciel ne nous tombe pas sur la tête. Qu’elles soient directes ou indirectes, elles existent, ces discussions ; que nous reconnaissions ou non le Hamas, il y a négociation. Pour nous, comme d’habitude, la méthode qui devrait venir en premier doit attendre que tout soit fini. Ce n’est qu’après avoir essayer le reste - la mort et la destruction, la guerre et la famine - que nous nous tournons vers la route directe : les négociations. Ce fut comme ça avec l’Egypte, ce fut comme ça avec l’Organisation de libération de la Palestine.

Quand l’accord sera conclu, quand Shalit et le dirigeant palestinien Marwan Barghouti emprisonné rentreront chez eux, il faudra qu’Israël ouvre un nouveau chapitre avec l’organisation hors la loi. Ça ne nous sera pas facile. Il s’agit d’une organisation fondamentaliste qui parle de hudna, de cessez-le-feu provisoire, pas de paix : peut-être est-ce le prix des folles destructions qu’Israël a infligées aux institutions de l’Autorité palestinienne et de l’OLP, qui étaient évidemment des interlocuteurs infiniment plus sympathiques. Mais le lait a débordé et le Hamas est bien vivant et actif - une raison en est la main lourde d’Israël contre lui. Quelqu’un peut-il croire encore sérieusement que l’on peut faire tomber le pouvoir Hamas par la force ? Nous n’avons même pas réussi à l’affaiblir - bien au contraire.

Israël, avec ses hautains « pas de conditions préalables ! », doit maintenant se tourner vers le Hamas, avec un appel à engager les négociations, de préférence avec un gouvernement d’union conduit par un Barghouti libre. C’est possible. Nul besoin de demander aux partenaires à la négociation de se reconnaître, nous avons déjà reconnu le Hamas et il nous a reconnus. Israël doit lever le siège criminel contre Gaza et appeler la communauté internationale à cesser son boycott du Hamas, lequel fut imposé sous la direction d’Israël. Il y en assez de ces diplomates et hommes d’Etat à l’étranger qui craignent de parler aux représentants de l’organisation de peur qu’Israël ne décide d’agir contre eux. Nous interdisons au ministre des Affaires étrangères français et aux hommes d’Etat du monde de parler au Hamas, et pourtant nous désirons les services d’un médiateur allemand qui parle à l’organisation. Pourquoi ?

Après la libération des prisonniers, rien ne pourra mieux obtenir du Hamas qu’il suive une voix constructive - au lieu de celle, destructive et désespérée, qu’il a suivie - que la réhabilitation de Gaza. Les 4,4 milliards de dollars que la communauté internationale a promis de transférer, il y a huit mois à la conférence des donateurs à Sharm al-Sheikh dans un engagement théâtral et pathétique, pour la réhabilitation de Gaza, ces milliards se trouvent toujours dans les coffres des banques, comme si rien n’avait jamais été promis. Maintenant, il est temps de les envoyer.

Une bande de Gaza libre sous réhabilitation sera beaucoup moins explosive. Un Hamas occupé à reconstruire sera différent, surtout si on lui propose un horizon politique. Il aura beaucoup plus à perdre, ce qu’on peut difficilement dire aujourd’hui à propos de Gaza. Aussi, quand nous aurons fini de croiser les doigts pour la libération de Shalit, il nous faudra ouvrir la même main, et la tendre au Hamas dans la paix.


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26 novembre 2009 - Ha’aretz - traduction : JPP


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