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Le blocus israélien étrangle l’agriculture de Gaza

lundi 2 novembre 2009 - 07h:53

Mya Guarnieri
The Electronic Intifada

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Israël a récemment annoncé qu’il importerait des feuilles de palmiers de la Bande de Gaza pour la fête juive de Sukkot.

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La poursuite siège israélien de la bande de Gaza empêche les agriculteurs Palestiniens d’exporter leurs marchandises. (Hatem Omar/MaanImages)

L’initiative a été prise à la demande du ministre des Services religieux, Yakov Margi, qui craignait que la pénurie de feuilles de palmiers et le monopole local sur le produit ne provoquent une montée en flèche des prix pour la fête juive, qui avait lieu cette année début d’octobre .

Avant la fête, les feuilles de palmiers sont en forte demande car les juifs pratiquants construisent des cabanes pour commémorer les 40 années durant lesquelles, selon la tradition biblique, les anciens Hébreux ont erré dans le désert. Toutefois, dès le début de Sukkot les feuilles de palmiers ne sont plus nécessaires.

Initialement, la décision de permettre l’exportation des feuilles de palmiers de Gaza ressemblait à un assouplissement, si modeste fût-il, du siège israélien. Mais, selon les fermiers, les exportateurs de Gaza et les organisations non gouvernementale israéliennes, ce ne fut pas le cas.

L’annonce a été faite trois jours seulement avant Sukkot. Comme les planteurs de palmiers de Gaza n’ont pas pu exporter leur récolte depuis le début du blocus en 2007, ils ont été surpris par la décision et n’ont pas eu le temps de récolter, sécher et mettre en vente leur produit.

Kamel Aklook est un commerçant de 43 ans de Deir al-Balah dans le centre de la Bande de Gaza. « Au début, je me suis réjoui [de la décision israélienne d’importer des feuilles de palmier de Gaza] », dit Aklook, expliquant qu’il a appris la nouvelle par Al-Jazeera. « J’ai appelé mes clients en Israël. Et puis je me suis rendu compte que je n’aurais pas le temps (d’exécuter la commande) ».

Aklook estime que l’annonce a été faite uniquement pour faire baisser les prix des feuilles de palmiers. « C’était une décision politique, un faux-semblant » dit-il, faisant remarquer que le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, subissait des pressions de la part des rabbins pour briser le monopole local et faire baisser les prix pour les consommateurs juifs.

Avant le siège, Aklook a exporté des feuilles de palmier de Gaza en Israël pendant plus de 20 ans. Aklook, son épouse et leurs 12 enfants - réalisaient de bons profits sur les affaires qu’il faisait avec ses partenaires juifs.

La première année du blocus, Aklook a subi une perte de $55,000 dollars et il a été forcé de jeter les invendus. Maintenant, il ne travaille pas et il dépend de l’agence onusienne des réfugiés de Palestine (UNRWA) pour nourrir sa famille, chose qu’il trouve humiliante. « Demander de l’aide à quiconque, sauf à Dieu, est déshonorant, » dit Aklook.

Jibreel Baraka, 40 ans, planteur de palmiers à Deir al-Balah, raconte une histoire semblable. « En 2007, » dit-il, « j’avais préparé 4,000 unités pour une livraison, mais je n’a pas obtenu de permis et ma production a été perdue. »

Quand la saison des feuilles de palmier est arrivée cette année, Baraka ne s’est pas soucié de les couper car il ne comptait pas les vendre. Et la proposition israélienne d’importer des feuilles de palmier de Gaza était sans espoir, a expliqué Baraka, car il lui aurait fallu au moins une semaine pour préparer la récolte pour l’exportation.

Avant le blocus, les affaires étaient bonnes, mais à présent Baraka pratique une agriculture de subsistance. Néanmoins, il s’inquiète de pouvoir nourrir sa femme et leurs 13 enfants. Les légumes dont ils vivent ne poussent pas bien, dit-il

Les problèmes que connaissent les planteurs et les exportateurs de palmiers illustrent les effets dévastateurs du blocus sur l’ensemble de l’industrie agricole de la bande de Gaza. En 2008, durant la deuxième campagne touchée par le bouclage de la Bande, Oxfam estime qu’à eux seuls, les agriculteurs de la Bande de Gaza ont perdu 6,5 millions de dollars.

Zachary Hijazi, qui cultive des oeillets, a perdu, dit-il, entre $9,000 et $10,000 dollars par dounam (l’équivalent de 1,000 mètres carrés) chaque année depuis le début du siège.

En 2007, il a cultivé et récolté ses fleurs dans l’espoir de les exporter vers la Hollande, comme il l’avait fait les années précédentes. Mais en fin de compte, Hijazi n’a pas réussi à expédier son produit vers le marché hollandais. Comme d’autres agriculteurs, il a été forcé de jeter les fleurs et de les donner en pâture au bétail.

En 2009, avec l’aide du gouvernement néerlandais, les cultivateurs d’oeillets de Gaza, Hijazi inclus, ont réussi à exporter un peu plus d’un demi-million de fleurs en Hollande. Alors que Hijazi apprécie l’aide du gouvernement hollandais, il tient à souligner que lceux qui cultivaient les oeillets avant le blocus de Gaza exportaient 60 millions de fleurs par an. Le peu de fleurs qui est sorti ne suffit donc pas.

Les attaques israéliennes sur Gaza l’hiver dernier, ont eu un impact de plus sur l’activité d’Hijazi : les tuyaux d’irrigation ont été endommagés et il a été contraint de les réparer. C’est un grave problème qui se pose à beaucoup de fermiers de Gaza ; le Bureau central palestinien de statistiques rapporte que l’incursion israélienne a infligé pour 170 millions de dollars de dommages aux infrastructures agricoles de la bande de Gaza et aux terres agricoles.

Le ministère palestinien de l’Agriculture prévoit que l’industrie agricole subrira un impact supplémentaire de 88 millions de pertes indirectes imputables au bombardement.

Hijazi est maintenant très endetté après trois saisons de pertes. Et il pense que le monde a oublié les habitants de la bande de Gaza.

Ahmed Surani, porte-parole du « Palestinian Agricultural Relief Committee » à Gaza, n’est pas seulement préoccupé par les conséquences économiques du blocus. Le sentiment généralisé de désespoir est également inquiétant. « Nous sentons que nous sommes dans une prison », dit-il. « Nous sommes comprimés de toutes parts. »

Les pêcheurs ne peuvent pas accéder à la Méditerranée dont l’accès est sous contrôle israélien. Et Israël a intensifié ses patrouilles dans la zone tampon [bande de terre supplémentaire annexée de fait par les troupes d’occupation qui encerclent la bande de Gaza et y interdisent toute circulation sous peine de mort - N.d.T], qui dévore environ 25 pour cent des terres agricoles de Gaza.

Surani souligne que ce contrôle strict des frontières de Gaza empêche non seulement les exportations, mais pose aussi un obstacle à l’agriculture de subsistance et à la pêche. En raison cette zone tampon, les agriculteurs, qui normalement seraient en mesure de cultiver et de nourrir leurs familles, sont coupés de leurs terres et doivent compter sur l’aide internationale. Pendant ce temps, leurs champs restent en friche.

La dévastation totale du secteur agricole de Gaza, qui, avant le blocus générait près de 10 pour cent du PIB du territoire côtier, a de graves conséquences pour l’avenir. « Cela réduit la possibilité d’un Etat palestinien viable », nous dit encore Surani.

La réhabilitation et la reconstruction de l’activité agricole sont cruciales, selon Surani. les frontières doivent être ouvertes afin que les feuilles de palmier, les ?illets et d’autres produits agricoles de Gaza puissent être exportés. Les zones tampons doivent disparaître afin que les agriculteurs puissent accéder à leurs champs.

La création d’emplois et une activité durable, Surani dit, « donnent de l’espoir aux gens. »

Sari Bashi, Directrice de Gisha, fait remarquer : « Les feuilles de palmier sont un exemple du potentiel pour un bénéfice mutuel - actuellement impossible - en permettant aux agriculteurs de Gaza d’importer des matières premières et d’exporter leurs produits vers Israël, la Cisjordanie et d’autres pays. On ne comprend pas bien comment la sécurité d’Israël est renforcée en empêchant les habitants de Gaza d’exercer leur droit d’avoir un travail digne. »

29 octobre 2009 - The Electronic Intifada - Cet article peut être consulté ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Anne-Marie Goossens et Claude Zurbach


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