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Le boulot de Tony Blair ? Couvrir les crimes de guerre ...

mercredi 28 octobre 2009 - 06h:25

Jim Holstun

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Blair, « mélange unique de cruauté et de malhonnêteté » [Robert Fisk] est un parfait exemple de l’oligarchie qui domine le monde aujourd’hui, prête à plonger des pays entiers dans la guerre ou la misère pour peu que ses intérêts soient en jeu. Envoyé très spécial au Moyen Orient, Blair a pour première fonction de couvrir les criminels de guerre israéliens. Un seul adjectif peut caractériser ce genre d’individu : abject !

[Note du traducteur]

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Août 2009 - Le multi-millionnaire Tony Blair à Qalqilya, devant le Mur israélien d’Apartheid - Photo : Khaleel Reash/MaanImages

Le 7 Octobre 2009, Tony Blair a donné une conférence dans une université de New York. En réponse à une question directe et inattendue d’un étudiant, il s’est publiquement joint, pour la première fois, au consensus entre les Etats-Unis et Israël pour rejeter le rapport Goldstone.

Le 27 Juin 2007, Blair a quitté son poste de premier ministre britannique sous les nuages de la guerre sur l’Irak qu’il avait concoctée avec l’ex-président américain George W. Bush. Quelques heures plus tard, il prenait ses nouvelles fonctions d’envoyé spécial du Quartet (Union Européenne, Russie, Nations Unies, Etats-Unis) au Proche-Orient. Il était depuis longtemps sioniste et un membre des « Amis d’Israël dans le Labour » [parti travailliste britannique], et il a eu droit à un adieu et à un bonjour simultanés de la part d’Ehud Olmert ( « Un véritable ami de l’État d’Israël ») et de Tzipi Livni ( « Une figure très bien appréciée en Israël »). Les Palestiniens vivant sous l’occupation israélienne n’ont pas trouvé cela très prometteur.

Bien que Blair séjourne seulement une semaine par mois au Moyen-Orient, il a réussi à être très occupé. Il maintient un calendrier exténuant de globe-trotter pour donner des conférences pour lesquelles il perçoit à chaque fois jusqu’à 500 000 dollars US. En plus de cela, il travaille sur ses mémoires [on ne sait pas pour l’instant qui est chargé de les lui écrire - N.d.T], pour lesquelles il a reçu une avance de 7,3 millions de dollars. Les travaux de consultant auprès de la banque « JP Morgan Chase » lui ont fait empocher 3,2 millions de dollars (dont un bonus) et 800 000 dollars venus des « Zurich Financial Services ». En Octobre 2008, il avait amassé au moins 19 millions de dollars, dépassant même de loin même l’entreprenant Bill Clinton. Il est considéré comme le conférencier le mieux rétribué dans le monde.

Ce peu de temps [consacré par Blair à la Palestine] a causé une certaine préoccupation au Moyen-Orient. Son bureau insiste sur le fait que son « rôle actuel au Moyen-Orient occupe la plus grande partie de son temps », mais à la fin de 2008, un diplomate occidental à Jérusalem se demandait si « sa capacité à se disperser n’a pas été une erreur tactique », tandis qu’un fonctionnaire de l’ONU à Jérusalem estimait : « Il y a un sentiment général selon lequel il n’est pas là » (Lectures see Tony Blair earnings jump over #12, The Times, 29 Octobre 2008). En Septembre 2008, une coalition d’organisations accusait le Quartet de « perdre son contrôle » [sur Blair], ajoutant que « ses échecs pourraient avoir des conséquences graves pour l’application du droit international à travers le monde » (Aid groups : Tony Blair faces imminent failure in Middle East, The Times, 25 Septembre 2008).

Le 27 Décembre 2008, Israël a lancé son massacre dans Gaza. Huit jours plus tard, interrogé sur la réaction de Tony Blair, le premier ministre britannique Gordon Brown a répondu : « Tony est en vacances en ce moment. » Alors que Tony Blair a trouvé le temps d’assister à une ouverture privée du nouveau magasin Armani (?) à Knightsbridge, il n’en trouva pas pour appeler à un cessez-le feu à Gaza, nous remettant en mémoire son silence durant la guerre israélienne de juillet 2006 contre le Liban (As Gaza is torn apart by war, where is Middle East peace envoy Tony Blair ? He’s been on holiday, Daily Mail, 5 Janvier 2009). Au début de Janvier, Blair a pris l’avion pour Israël, mais il n’a pas condamné l’agression israélienne. En Février 2009, tandis que les Palestiniens à Gaza étaient encore à creuser les décombres et à pleurer leurs morts, il a accepté un prix de 1 million de dollars de l’université de Tel Aviv pour le « Present Time Dimension » (Communiqué de presse, 2009 Dan David Prix, 17 Février 2009).

Le 1er Mars 2009, il a fini par aller à Gaza. Il a reconnu « une quantité énorme de dégâts » et la mort « d’un grand nombre de civils », mais a rejeté comme « pas très sensée » toute discussion sur la disproportion des attaques israéliennes (Blair shocked at devastation on first Gaza visit as envoy->http://news.scotsman.com/world/Blair-shocked-at-devastation-on.5027362.jp], The Scotsman, 2 Mars 2009). Blair n’a pas rencontré les dirigeants du Hamas, et sa visite à Gaza, n’a duré que quelques heures, car il fallait faire un pèlerinage à Sderot, la Gilad Shalit des colonies à l’ouest du Néguev (Middle East envoy Tony Blair in Gaza for first time, The Independent, 1 Mars 2009).

En Juin, il s’est rendu à Gaza une deuxième fois et, comme preuve de ses instincts profondément humanitaires, il est allé jusqu’à dire que les Palestiniens sont dans une situation « difficile » (Former British PM Blair Visits Gaza Strip, Nouvelles de la Voix de l’Amérique, 15 Juin 2009).

Le 15 Septembre 2009, la mission d’enquête de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit à Gaza, présidée par le juge Richard Goldstone d’Afrique du Sud, a publié son rapport de 575 pages intitulé « Les droits humains en Palestine et autres territoires arabes occupés ». Les trois semaines qui ont suivi la publication du rapport de Goldstone, Blair n’a rien eu à dire à ce sujet en public. Puis, le 7 Octobre 2009, il a pris la parole à SUNY Buffalo [State University of New York - UB] où j’enseigne, devant un énorme auditoire, dans le cadre d’une série de conférences. Je n’ai pas entendu la conférence, car j’étais à l’extérieur dans un lieu d’expression libre (le premier à apparaître sur mon campus) parmi un groupe de personnes protestant contre l’invitation de Tony Blair et contre ses honoraires montant à la somme énorme 150 000 dollars, comme me l’a confirmé son agent exclusif , le « Washington Speakers Bureau ».

Nous avons aussi protesté contre la censure appliquée sur nos questions. Depuis plusieurs années maintenant, en exigeant que toutes les questions leur soient préalablement soumises et aient leur approbation, les administrateurs de l’UB ont protégé des questions directes ceux de nos conférenciers de marque dont le curriculum vitae comprend des crimes de guerre dans les Balkans et en Asie de l’Ouest. Cette fois, ils ont emballé la censure sous la forme d’un « Concours de questions pour Tony Blair » : des étudiants soumettant au préalable des questions pour que celles-ci soient examinées, l’administration invitant les heureux gagnants à monter sur le podium pour poser en personne leurs questions préalablement filtrées.

Interrogé sur cette pratique, Dennis R. Black, vice-président de l’association des étudiants de l’UB et maître de cérémonie pour la soirée, a déclaré au journal Buffalo News « qu’il n’y avait là aucune tentative de censure et que les questions étaient simplement modérées » - une distinction intéressante.

Une version audio du discours est disponible sur le site internet de la station de radio publique d’UB (Cycle de conférences de l’UB - Tony Blair, WBFO, 13 Octobre 2009 [le lien semble avoir été désactivé... N.d.T]). Il se compose principalement de sérieuses platitudes et d’anecdotes fantaisistes, pour conclure, de façon assez incroyable, sur l’histoire d’un cheval comique Irlandais, racontée dans un style d’artiste de music-hall. Mais les choses changèrent lors des questions-réponses. Nicolas Kabat, un des premiers étudiants en science politique, co-fondateur de l’association des étudiants pour la justice en Palestine, et membre du « New York Peace Center Palestine-Israel Committee », avait été l’un des gagnants du concours [des questions] grâce à la question insipide qu’il avait préalablement soumise. Mais au micro, il posa une toute autre question concernant la réaction de Tony Blair face au rapport Goldstone, demandant pourquoi il estimait que les principes fondamentaux du droit international ne sont pas applicables au processus de paix au Moyen Orient, et pourquoi la poursuite du siège sur Gaza n’est pas également nuisible à ce processus.

Une vidéo de l’échange de cinq minutes entre Blair et Kabat est disponible sur YouTube. L’étudiant qui l’a enregistrée m’a dit que le vice Président de l’association des étudiants d’UB, Dennis Black (visible à l’extrémité de la prise de vue) a écouté la question inattendue de Kabat avec une totale incrédulité. Plus tard, le directeur d’UB pour ce genre d’événements, William Regan, a écrit à Kabat pour lui reprocher de s’être écarté de la question préalablement approuvée, en disant qu’il avait « enfreint la confiance qui doit prévaloir dans un concours comme celui-ci pour que cela fonctionne correctement. » Dans un lapsus freudien tout à fait délicieux, il a ajouté : « Nous sommes très déçus de votre comportement éthique ». Il y a quelque chose d’exquis dans cette vertueuse indignation d’un censeur surpris.

Blair paru tout d’abord déstabilisé par ce qui était une vraie question, non censurée. Bien qu’il se soit finalement remis sur ses pieds et se soit mis à concocter ses mélanges habituelles de déclarations d’enfant de ch ?ur et de mensonges pervers, il parait lui aussi s’acheminer sans y toucher vers un rejet public du rapport Goldstone. Comme la plupart des adversaires de ce rapport, il n’a pu contester un seul des faits présentés mais il s’est réfugié immédiatement dans les faux-semblants et des pleurnicheries. Malgré la déclaration tout à fait limpide de Kabat disant que le rapport condamnait à la fois les groupes armés palestiniens et Israël, Blair a répondu : « Vous avez donné un avis, et le problème est qu’il y a un autre point de vue. ... Et une des choses que vous apprendrez au sujet des conflits comme celui-ci ... c’est que vous ne résolvez jamais ces conflits en adoptant un seul point de vue et en oubliant l’autre. ... Et les tirs de roquettes venus de Gaza sur des villes israéliennes. Maintenant, ces attaques de roquettes doivent également cesser. »

Comme Benjamin Netanyahu dans son récent discours à l’ONU, Blair s’est abstenu de relever la chronique précise et détaillée ainsi que la condamnation des tirs de fusées palestiniennes et des attaques au mortier, et le fait que ces tirs avaient tous cessé au cours de l’accalmie de Juin-Novembre 2008 (Pages 31 — 33, 71-82, 449-74). En fait, le Hamas avait cessé toutes ses attaques et avait empêché les tirs par d’autres groupes, en réduisant ces attaques de 97% et les victimes israéliennes de 100%. Cette initiative pacifique de la part du Hamas a été insupportable pour Israël, et le 4 Novembre 2008, un commando israélien infiltré dans la bande de Gaza a assassiné six combattants du Hamas, cassant ainsi la trêve (Page 78).

Blair suggère également que nous devons rejeter le rapport Goldstone comme désespérément partisan parce qu’il ignorerait les attaques venues du Hamas : « Le soldat israélien qui est enlevé en ce moment, Gilad Shalit, doit être libéré. » Le problème ici, c’est que le rapport expose effectivement l’habituel souci disproportionné et tacitement raciste, pour ce détenu israélien (sur 25 pages, 28, 57, 66, 288, 289, 291, 304, 371-73, 412, 415, 418, 486, 541, 551), bien qu’au contraire de Blair, il traite également des 8100 Palestiniens, hommes, femmes et enfants emprisonnés (27-29, 401-23).

Mais le point central dans le rejet par Blair du rapport Goldstone repose sur son rejet en soi du droit international. Il fait rapidement une genou-flexion dans sa direction, mais en ajoutant que nous n’arriverons jamais à rien par « une discussion sur un rapport qui soutient passionnément un des deux camps, et qui est profondément contesté par l’autre. » En d’autres termes, le droit international est très bien, jusqu’à ce que Israël soit en désaccord avec lui, auquel cas nous devrions l’abandonner. Comment, alors, le conflit sera-t-il résolu ? Israël a besoin de « sécurité » et les Palestiniens ont besoin d’un « État indépendant, » mais d’abord, il faut « une fin à la violence, » qui, naturellement, n’intègre jamais la fin de la violence de base qui est l’occupation. Et surtout, nous devons « comprendre la douleur de chaque côté, les amenant à comprendre qu’ils ne sont pas seuls à souffrir. » [Il faut garder en tête que cet escroc de Blair se fait payer 150 000 dollars pour servir à son auditoire ce genre de platitudes nauséabondes ... N.d.T]

En bref, Blair nous emmène doucement du monde tatillon, controversé, juridiquement impraticable du droit international, qui nous incite à lever nos mains au ciel sur le modèle de Rashomon [film de Kurosawa tiré de légendes nippones ? N.d.T], vers cet endroit chaleureux et compréhensif où nous sentons la douleur de chacun. Cette compassion semble être tout à fait différente et meilleure que la douleur journalière éprouvée par les seuls Palestiniens à Gaza, alors qu’ils saignent et meurent dans des endroits bien réels. Sur le mode classique des idéologues conservateurs, Blair insiste sur le fait que, si nous espérons jamais changer les institutions sociales, nous devons d’abord changer le coeur humain.

Malgré tous ses défauts, le rapport Goldstone ne tombe jamais dans cette sorte d’idiotie morale creuse. Il combine une analyse des massives violations du droit international avec une chronique précise de la douleur humaine que ces violations ont causées : la douleur des gens de Gaza écrasés sous les débris de leurs maisons (page 239), blessés et interdits de soins médicaux (pages 232-33, 377), abattus alors qu’ils brandissaient des drapeaux blancs (pages 199-203), calcinés par le phosphore blanc (page 533), et laissé sans défense face aux maladies et à la mort sous un blocus permanent (pages 9-10, 22-25, 95-100, 335-71). Et la réalité des crimes de guerre permanents résultant d’une occupation militaire illégale filtre de tout le rapport.

Mais bien sûr, il s’agit de Tony Blair, de sorte qu’il y a un ton joyeux appliqué à tout cela, grâce à des projets de développement de type néolibéral menés par l’Autorité palestinienne et son gang sécuritaire en Cisjordanie : « Et juste pour vous donner quelques bonnes nouvelles d’Israël et de Palestine, cette semaine . ... Quand je suis devenu ?Envoyé’ ... Je ne pouvais pas aller dans une ville comme Jénine ou Naplouse en Cisjordanie. Aujourd’hui, je vais à Jénine ou Naplouse, où ils ont ouvert un hôtel juste l’autre jour. Je vais à des endroits comme Qalqilya, je vais à Hébron, je vais à Jéricho, Ramallah, évidemment. En d’autres termes, je peux faire le tour de la Cisjordanie. »

Que demander de plus ?

* Jim Holstin dispense des cours sur la littérature mondiale et le marxisme à l’université SUNY Buffalo. Il a déjà publié « Nonie Darwish and the el-Bureij massacre » poyr The Electronic Intifada,. Il peut être joint à : jamesholstu.hotmail.com

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14 October 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Claude Zurbach


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