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Remanier l’Iraq et recommencer en Iran ?

samedi 10 octobre 2009 - 07h:14

Graham Usher

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Barack Obama recherche un Iran sans arme nucléaire dans un Moyen-Orient avec l’arme nucléaire, écrit Graham Usher, depuis New York.

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"Nous ne discuterons pas de nos droits à l’énergie nucléaire civile, mais nous sommes prêts à parler du désarmement nucléaire et de la non-prolifération."




« Nous ne sommes pas intéressés pour discuter pour le plaisir de discuter, » déclarait Barack Obama le 1er octobre, après les premiers pourparlers directs en trente ans entre l’Iran et les Etats-Unis. « Si l’Iran ne prend pas des mesures dans un avenir proche pour répondre à ses obligations, alors les Etats-Unis ne continueront pas à négocier indéfiniment, et nous sommes prêts à accentuer les pressions. »

Les discussions qui se sont tenues à Genève entre l’Iran et ce qu’on appelle le P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine, plus l’Allemagne) sur le programme nucléaire de Téhéran ont été « constructives » dit Obama.

L’Iran a accepté d’ouvrir le « deuxième » site d’enrichissement d’uranium proche de Qom, récemment révélé, à l’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Et il est prêt à discuter d’une proposition selon laquelle il enverrait la plus grande partie de son uranium pauvrement enrichi en France et en Russie pour y être transformé en carburant pour réacteur.

Si cela se faisait, ce serait un changement significatif, dit Ray Takeyh, ancien conseiller sur l’Iran pour l’administration Obama. « Si vous arrivez à un arrangement où le carburant d’Iran est exporté à l’étranger, alors, cela soulagera de quelques degrés votre crainte de la prolifération.  »

Ce serait aussi, semble-t-il, un bon coup pour la politique d’engagement d’Obama avec la République islamique. En une séance, il aurait obtenu plus de « concessions » de la part de l’Iran que l’administration Bush après des années d’ostracisme et de rodomontades.

C’est du moins ce qu’il y paraît. Mais derrière les poignées de main - et des bavardages informels de 45 minutes entre l’Iran et les Etats-Unis à Genève - Obama y est allé de quelques entretiens personnels.

Genève a été précédée de la révélation par l’Iran du site de Qom, un aveu largement forcé par le fait que l’Iran savait que les Etats-Unis, soutenus par les Français, le Royaume-Uni et les services de renseignements israéliens, étaient sur le point de rendre l’information publique. Il y eut ensuite une « fuite » publiée par le New York Times le 4 octobre citant l’AEIA qui estimait que « l’Iran avait suffisamment de connaissances pour concevoir et produire un dispositif à implosion nucléaire exploitable » ou une ogive.

Cela semble confirmer les allégations britanniques, françaises et israéliennes que Téhéran serait engagé dans la fabrication d’une bombe nucléaire. Et cela coïnciderait avec les rapports selon lesquels les USA revoyaient leur estimation que l’Iran était encore à « des années » d’avoir une telle capacité.

Cela contredit l’opinion du directeur sortant de l’AIEA, Mohammed El-Baradei. Alors que l’Iran ne répondait pas aux questions sur une possible dimension militaire de son programme nucléaire, l’agence disait «  n’avoir aucune preuve concrète » qu’il recherchait l’arme nucléaire, et encore moins qu’il concevait une ogive nucléaire, déclarait-il en septembre.

Les accusations sur des sites nucléaires secrets et les évaluations contestées de services de renseignements nous rappellent étrangement les positions US à l’égard de l’Iraq. Est-ce écrit selon le même scénario ?

Nicolas Burns était le chef de file des « négociateurs » avec l’Iran dans l’administration Bush. Il soutient « l’engagement » d’Obama mais pas parce qu’il croit qu’il obtiendra une coopération avec l’Iran.

« Il est probable que ces discussions (à Genève) n’aboutiront pas, » a-t-il dit au Middle East Progress, le 1er octobre. «  Et si elles n’aboutissent pas, les Etats-Unis et d’autres pays devront avoir une liste de sanctions à mettre en avant. Je pense que le Président Obama sera en position forte pour plaider en faveur de sanctions car il aura d’abord tenté la diplomatie. »

Si Burns n’est pas partisan d’une action militaire contre l’Iran, c’est seulement à cause des représailles probables qu’elle entraînerait. Il soutient, au lieu de cela, une politique visant à limiter l’expansion de l’Iran semblable à celle qui fut imposée à l’Iraq dans les années 90. Les Etats-Unis devraient « essayer d’isoler l’Iran : renforcer nos relations militaires avec les voisins de l’Iran, et aussi avec Israël, pour faire comprendre à l’Iran que nous allons limiter et contenir la puissance iranienne au Moyen-Orient. »

Cela correspond un peu à la politique de l’administration Obama pour l’Iran. On y trouve la même conviction qu’une approche désordonnée des discussions, des inspections et des sanctions obligera l’Iran à plier ou l’affaiblira de façon irrémédiable. Il y a aussi la conviction qu’Israël et les Etats arabes « modérés » pourront d’une certaine manière se former en un bloc contre l’Iran.

Ni l’un ni l’autre ne sont probables. La Russie et la Chine n’approuveront pas de sanctions qui nuiraient à leurs intérêts économiques, énergétiques et militaires extensifs en Iran. Et les dirigeants arabes ne convaincront pas leur population que la principale menace est l’Iran alors qu’Israël reste un Etat nucléaire armé jusqu’aux dents et que les Etats-Unis ont des bases militaires en Iraq, en Afghanistan et dans le Golfe.

Au lieu des pressions, Obama devrait tenter un véritable engagement. Pendant des années, les régimes iraniens - « réformiste » et « radicaux » - ont préconisé ce qui revient à « un grand marché » avec les USA : coopération stratégique sur les conflits régionaux tels que l’Iraq, l’Afghanistan et la Palestine, ainsi qu’un désarmement nucléaire dans toute la région, en échange de la garantie que les Etats-Unis cesseront leur politique officielle et officieuse pour un changement de régime en Iran.

C’était encore sur la table à Genève. «  Nous ne discuterons pas de nos droits » à l’énergie nucléaire civile, avait dit Said Jalili, chef négociateur iranien pour le nucléaire. «  Mais nous sommes prêts à parler du désarmement nucléaire et de la non-prolifération. »

Obama n’y est pas prêt. Un tel marché est aujourd’hui plus difficile à faire passer dans son pays après les manifestations massives contre les élections présidentielles truquées d’Iran, en juin.

Mais la raison la plus profonde est qu’un tel réalignement de la stratégie signifierait de s’en prendre non seulement aux Etats disposant de potentialité pour l’arme nucléaire comme l’Iran, mais aussi aux Etats dotés actuellement de l’arme nucléaire comme le Pakistan, l’Inde et, bien sûr, Israël. Ce serait un éléphant dans la cuisine de la politique d’engagement d’Obama, dit Phyllis Bennis, analyste de l’Institut des études politiques.

« Tant que les USA voudront que seul, l’Iran soit un pays démuni de l’arme nucléaire au Moyen-Orient et n’admettront pas que tout le Moyen-Orient soit une zone sans arme nucléaire - y compris sans l’arsenal nucléaire d’Israël - cette partie des négociations est vouée à l’échec » dit-elle.


Du même auteur :

- Le Viet Nam d’Obama
- Les Etats-Unis étendent la guerre au Pakistan
- Un répit accordé à contrecoeur

Al-Ahram/Weekly - publication n° 967, 8 - 14 Octobre 2009 - photo 7/7 - traduction : JPP


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