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Liban : retours de flamme

dimanche 4 février 2007 - 06h:42

Omayma Abdel-Latif

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Dans les campus au Liban, les conflits d’allégeance politique n’ont rien de neuf, mais l’affrontement qui a eu lieu jeudi dernier à l’Université Arabe de Beyrouth semble confirmer les craintes les plus vives largement répandues ; le spectre de la guerre civile revient hanter le pays avec plus de force encore.

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Sayyid Nasrallah, secrétaire général du mouvement libanais Hizbullah

L’éruption de violence qui a fait quatre morts et 152 blessés parmi les étudiants illustre la tension croissante entre de larges secteurs des communautés sunnite et chiite au Liban.

Bien que le pays ait été surpris, ses pires craintes se sont vues confirmées ; toutefois, cette issue était courue d’avance, la rue étant mobilisée depuis des mois sur une base sectaire. Ces dernières semaines, les dirigeants libanais de tout le spectre politique n’avaient proposé à leurs partisans que des insultes de caractère confessionnel à lancer contre leurs adversaires.

Lors des sermons du vendredi, on pouvait entendre des tirades contre les chiites sur les chaînes de télévision appartenant au camp du 14 mars et parmi les citoyens ordinaires. Le sit-in organisé par les forces de l’opposition libanaise était dépeint par les media pro-gouvernementaux comme une invasion du Beyrouth sunnite par le Hezbollah. Les forces pro-gouvernementales ont à plusieurs reprises accusé le Hezbollah d’abandonner les Fermes de Shaba - localité frontière occupée par Israël- pour s’emparer des ruelles de Beyrouth. Les querelles entre l’opposition - qui regroupe des chrétiens, des druzes et des sunnites avec le Hezbollah - et le gouvernement, ont été réduites à une formule simpliste : le Hezbollah, parti chiite, s’emploie à renverser le premier ministre sunnite.

Les signes d’une scission sur une base sectaire ne peuvent guère être plus évidents. Pendant les dix jours de l’Ashura où l’on pleure la mort de l’imam Hussein, l’hinterland de Beyrouth-Sud a été le théâtre de mesures de sécurité sans précédent vu les craintes d’un éventuel attentat-suicide de la part de groupes salafistes. Dans différentes parties de Beyrouth, surtout dans les zones résidentielles mixtes, on a distribué des tracts dénonçant les chiites comme des apostats et appelant à les tuer « où qu’ils se trouvent ». Ce même tract avait fait son apparition dans la Vallée de la Beqaa une semaine plus tôt avant d’arriver dans les rues de la capitale.

On peut dire à tout le moins que l’actuelle impasse politique au Liban met la détermination du Hezbollah à rude épreuve. Comme ce parti s’efforce de faire face aux changements de pouvoir dans la région, à la situation en Irak et à la montée de la vague anti-shiite, ses dirigeants se sont engagés à faire tout leur possible pour éviter qu’un différend politique ne dégénère en conflit entre sunnites et chiites.

Deux fois en moins de 24 heures, lundi soir et mardi matin, le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a éprouvé le besoin d’aborder le sujet de front dans ses sermons d’Ashura. Le jeudi précédent, il avait émis une fatwa (consultation juridique) interdisant aux musulmans de s’entretuer. « Un Libanais qui tire sur un autre Libanais est comparable à un Israélien. Toute arme utilisée contre un Libanais est une arme israélienne, quelles que soient les raisons » a-t-il dit.

Dans son sermon d’Ashura de mardi, Nasrallah a dit à ses auditeurs : « Par l’intermédiaire de ses agents, le gouvernement Bush prépare le terrain au Liban pour un conflit entre sunnites et chiites ». Il a promis que le Hezbollah, qui détient 14 sièges au Parlement et qui comptait jusqu’à peu deux membres dans le Cabinet de Foual al-Siniora, ne se laisserait pas entraîner dans une guerre civile.

Les grands efforts que le Hezbollah déploie pour contenir le conflit et l’empêcher de glisser vers un affrontement sectaire, se heurtent à beaucoup d’obstacles. La rhétorique de Washington concernant la crise politique au Liban durcit la position du gouvernement Siniora et complique encore une situation déjà tendue. Exposant la nouvelle stratégie américaine au Moyen-Orient, Condoleezza Rice a mis dans le même sac le Hezbollah et ceux qu’elle appelle « les éléments extrémistes » c’est à-dire l’Iran, la Syrie et le Hamas. Dans l’autre camp se trouvent ceux dont Rice dit qu’ils sont visés par les extrémistes. Ceux-ci comprennent les Libanais, les Irakiens et les Palestiniens tandis que, selon elle, des pays comme la Jordanie, l’Egypte et l’Arabie saoudite « résistent à ces éléments extrémistes ».

C’est sur ce raisonnement que le Président Bush a basé son dernier discours sur l’état de l’Union dans lequel il a dépeint le Hezbollah comme une dangereuse organisation terroriste qui ne le cède qu’à Al-Qaeda s’agissant de la menace qu’il représente. Il a plusieurs fois accusé le parti de collaborer avec Téhéran et Damas pour semer le désordre au Liban. Le Hezbollah a interprété le discours de Bush comme une déclaration de guerre de plus.

Les tirades anti-Hezbollah de Bush sont interprétées à Beyrouth comme une tentative d’encourager le camp du 14 mars à refuser tout accommodement avec l’opposition, stratégie qui ne peut qu’exacerber les tensions politiques et sectaires. Peu après que l’opposition ait commencé sa grève générale, le dirigeant druze, Walid Jumblatt, et le chef de la milice libanaise, Samir Geagea, tous deux d’anciens chefs de guerre, ont lancé ce qui s’avéra une campagne orchestrée afin de faire échouer les efforts déployés par l’armée libanaise pour maintenir l’unité du pays. Ils ont critiqué l’armée pour n’avoir pas dégagé de force les routes bloquées par les manifestants et ont déclenché l’alarme en menaçant de prendre les affaires en main et d’envoyer leurs partisans dégager les rues. On a pu voir les conséquences de ces menaces jeudi dernier quand on assista à la répétition de scènes de la guerre civile dans les rues de Beyrouth.

Le Hezbollah prétend que Jumblatt et Geagea - qui, avec Saad al-Hariri, dirigent le bloc majoritaire dans le Parlement libanais - sont pour beaucoup dans l’agitation sectaire qui a saisi la rue sunnite. A plusieurs reprises Nasrallah a lancé des mises en garde dans ses sermons de l’Ashura et a averti qu’il y a des parties dans le gouvernement qui veulent un « bain de sang sunnite-chiite ». Il a assuré les sunnites que les armes du Hezbollah « sont vos armes contre votre ennemi, Israel ».

Dans ses tout derniers discours, Nasrallah a abordé certaines des questions les plus controversées se rapportant au fossé entre sunnites et chiites, notamment le fait que l’Iran financerait une campagne pour convertir les musulmans sunnites au Liban et dans tout le monde musulman et fomenterait un conflit sectaire en Irak. Nasrallah a révélé qu’il avait suggéré à l’ambassadeur saoudien au Liban que l’Arabie saoudite forme une commission pour mener une enquête sur de telles assertions. Il a instamment demandé à ses adversaires que la rivalité politique ne soit que ça, affirmant que tout règlement doit être négocié et ne peut pas être imposé par la force.

2 février 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/830...
Traduction : amg


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