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Du sacre « abbasside »

mercredi 12 août 2009 - 07h:05

Abdel Bari Atwan

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Quand un peuple, un parti politique, ou organisation quelconque intronise à l’unanimité son dirigeant, cela ne peut être que dans deux cas de figure : le premier c’est qu’il ait accompli des réalisations formidables, sans précédent ; le deuxième c’est qu’il soit porteur d’une pensée ou d’une politique totalement novatrice, digne d’être saluée et de mériter un blanc-seing.

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A 75 ans et malgré une santé fragile, Abou Mazen (Abbas) est toujours aussi avide de pouvoir (ou de son simulacre). Sa reconduction sans aucune contestation à la tête du Fatah illustre avant tout un immense vide politique dans cette organisation, ainsi qu’une forte tendance à la soumission aux impératifs de l’occupant israélien - Photo : AP/Sebastian Scheiner

Partant de ce postulat, il convient de demander aux délégués du congrès du Fatah qui se tient actuellement à Bethléem, sur quels critères ils ont bien pu se déterminer quand ils ont plébiscité, debout et en applaudissant, la candidature du président Abbas à la tête de l’organisation.

Même le président Arafat, fondateur du Fatah, qui a payé de sa vie son attachement au mouvement de libération nationale, n’a jamais joui d’une telle ovation dans aucun des cinq congrès du Fatah auxquels il a participé. Bien au contraire, il a toujours compté avec une concurrence redoutable de la part d’autres candidats au comité central, et la critique la plus sévère à l’encontre de sa politique et de ses prises de position.

Nous pourrions comprendre ce sacre de monsieur Abbas si quinze années après l’élaboration du processus de négociation d’Oslo il avait réalisé les v ?ux de l’organisation et de tout le peuple palestinien en l’établissement d’un état indépendant. Si sa politique de souplesse vis-à-vis de l’occident et d’Israël, avait conduit à l’arrêt de la colonisation, de la construction du mur de séparation raciste, à la levée des cheiks points en Cisjordanie, ou encore s’il avait réussi à mettre fin à la discorde qui règne au sein du peuple palestinien. Mais il n’a réalisé aucun de ces objectifs pour lesquels il avait été élu président du peuple palestinien.

Dans le discours de plus deux heures qu’il a prononcé en ouverture des travaux du congrès, le président Abbas n’a trouvé à citer en guise de bilan de ses réalisations que l’obtention d’un passeport pour les palestiniens et la sécurité et le bien-être des citoyens de la Cisjordanie, citant à l’appui le verset coranique « Qui les a préservés de la faim et rassurés de la crainte ». Autre succès revendiqué : le fait que les forces de sécurité aient réussi à améliorer le comportement des citoyens, de sorte que désormais les automobilistes bouclent leur ceinture de sécurité !

La révolution palestinienne dirigée par le Fatah ne s’est point déclenchée le 1er janvier 1965 à seule fin d’obtenir un passeport pour les citoyens, leur garantir le bien-être et la sécurité, ou encore les inciter à attacher leur ceinture de sécurité quand ils sont en voiture ! C’était pour libérer la terre occupée de la mer jusqu’au Jourdain, et pour le retour de tous les réfugiés palestiniens.

D’ailleurs, la question du passeport mérite qu’on s’y arrête. Le passeport palestinien n’est délivré qu’après accord des autorités israéliennes. Le rôle de l’administration palestinienne des passeports se limite à celui d’intermédiaire, de préposé au courrier. Le même constat vaut pour les ambassades et instances consulaires palestiniennes de par le monde.

Concentrer les pleins pouvoirs entre les mains du président Abbas, l’exonérer de toute explication et l’absoudre de tout compte à rendre, comme nous l’avons vu faire lors du VIe congrès du Fatah, est grave de conséquences. Car c’est l’encourager à poursuivre dans la même voie, en totale contradiction avec les principes fondamentaux du mouvement et son long et noble combat.

Abbas n’a cessé de répéter ces derniers mois qu’il n’était pas avide de pouvoir, et ne tenait guère à continuer d’exercer son mandat. Sentiments repris et répétés à l’envi par ses proches en confidence. Mais force est de constater qu’il n’en est rien. Car voilà un homme à la santé déclinante, âgé de plus de 75 ans, mais encore avide de prérogatives et de concentration des pouvoirs comme s’il était encore dans la force de l ?âge.

Les congrès politiques se tiennent en général dans le but d’analyser rigoureusement les événements de la période précédente et d’en tirer tous les enseignements et toutes les conséquences. C’est l’occasion de rectifier la ligne poursuivie et de dessiner une nouvelle stratégie, en vue d’atteindre les objectifs tels qu’ils ont été définis, et ceci dans un climat de transparence et de remise en question. Il n’y eut ni transparence, ni remise en question.

Je n’ai personnellement jamais participé à aucun des congrès du Fatah, n’étant pas membre de l’organisation, mais j’ai assisté aux réunions ou congrès précédents du conseil national palestinien, soit en tant que membre, soit en ma qualité de journaliste, ou les deux à la fois. Et j’ai vu le président Arafat sommé de répondre à des salves de critiques émanant de certains congressistes, au sein même des représentants du Fatah, à l’exemple de Salah Khalaf (Abou Iyad) ou encore Farouk Kaddoumi, chef du département politique [de l’OLP].

J’ai le souvenir qu’il tremblait de peur face à des personnalités telles que les regrettés Chafiq al-Hout, Edouard Said, Mahmoud Abou Laghd ou encore Yasser Amr. Et je me souviens que Chafiq Al-Hout et Yasser Amr s’étaient portés candidats pour la présidence du conseil palestinien face à Abdelhamid Al-Saih, candidat d’Arafat. Ce dernier fut contraint de négocier durement avec les premiers pour obtenir qu’ils se rallient à son propre candidat.

De telles négociations responsables et démocratiques sont totalement absentes de ce congrès. Bien au contraire, l’immense majorité des congressistes ont applaudi le président, cautionné sans réserve sa politique, et l’ont élu à la tête de l’organisation. À l’exception de quelques menues récriminations, le président n’eut à répondre à aucune critique, aucune demande d’explication.

Certes, nul n’ignore les circonstances difficiles de la tenue de ce congrès, et nul n’ignore les pressions israéliennes et américaines ; tout cela était bel et bien pris en compte pour déterminer des conclusions arrêtées d’avance. C’est le président Abbas qui a choisi la ville de Bethléem pour accueillir ce congrès, écartant les autres options, de manière à ce qu’il en garde contrôle. Il était possible de le réunir à Damas, à Alger, au Yémen, ou dans n’importe quelle capitale arabe, si l’intention de la direction avait été de se rebiffer contre l’arbitraire imposé aujourd’hui au peuple palestinien. Mais telle n’était pas son intention. Il s’agissait bien au contraire de soutenir le président et sa politique.

Réunir ce congrès à portée d’oreille et sous l’ ?il approbateur de l’occupant est un précédent auquel aucun mouvement de libération ne s’est jamais livré. Etait-il pensable que le mouvement de libération algérienne se réunisse en congrès dans les environs de Paris ou que les Talibans afghans fassent de même à Georgestown, près de Washington ?

Cependant, il convient de reconnaitre quelques signes positifs tels que la désignation, contre l’avis d’Abbas, de M. Othman Abou Gharbiya, à la direction des travaux du congrès. De même, les cinq points rajoutés au programme politique à l’initiative de Mahmoud Al-Aaloul, et qui ont été adoptés à l’unanimité, comme la réaffirmation de la nature de l’organisation en tant que mouvement de libération nationale ?uvrant pour la fin de l’occupation et partie intégrante du mouvement de libération arabe, l’affirmation que son ennemi principal est l’état d’Israël, et que tout autre conflit avec une faction palestinienne(le Hamas) ne saurait être réglé que par le dialogue, l’affirmation en outre, qu’à cette fin aucune option ne saurait être écartée, ce qui englobe le droit de recourir à toutes les formes de résistance et de combattre l’occupant.

Le président Abbas traitait avec le plus grand mépris les membres du comité central précédent dont il dédaignait les réunions. Il a réduit le rôle du comité exécutif à celui de caisse d’enregistrement et ratification de sa politique. Espérons que le nouveau comité central saura renverser cette équation, mettre des limites à l’accaparement par le président Abbas de toute décision et lui imposer un retour au fonctionnement des institutions et à la concertation dans la gestion des affaires.

Du même auteur :

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10 août 2009 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.bariatwan.com/index.asp?...
Traduction de l’arabe : Rachida Damahi


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