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Prisonniers Palestiniens en Israël : perdus dans la machine

jeudi 1er février 2007 - 16h:21

Erica Silverman

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Quatre grands bus en location roulaient vers le point de contrôle militaire israélien de Jalameh entre la ville cisjordanienne de Jénine et Israël à 6h du matin, le 20 décembre 2006, à bord desquels se trouvaient, impatients, 222 membres de familles palestiniennes. Leur destination finale était la prison de Damoun située dans la ville côtière israélienne de Haïfa.

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Prisonniers Palestiniens

Quatre heures plus tard, les passagers ont passé des inspections de sécurité et les bus sont entrés en Israël, cela facilité par le « programme de visite familiale » du Comité International de la Croix Rouge (CICR), où 83 prisonniers palestiniens derrière les barreaux attendaient les visites.

Nabil et Huda Ward, ainsi que leurs deux filles adolescentes, étaient assis à la seconde rangée d’un bus, allant visiter leur fils Naseem, âgé de 26 ans, pour la première fois depuis son incarcération en avril 2002. Nassem n’était autorisé qu’à voir son avocat après que le processus d’interrogation ait pris fin. Après avoir attendu un procès pendant plus de deux ans, il a été accusé d’avoir tiré sur un soldat israélien alors qu’il était en fonction en tant que membre des forces de la Sécurité Nationale Palestinienne. Il avait des ordres directs pour défendre le camp de Jénine durant l’invasion israélienne.

Naseem n’est pas considéré comme un prisonnier de guerre. Israël n’accorde pas aux forces de la sécurité de l’Autorité Palestinienne les privilèges de la Quatrième Convention de Genève, étant donné que les territoires palestiniens ne sont pas un état officiel, selon le ministère de la justice israélien.

[Nabil et Huda Ward ] sont des vétérans de la souffrance sous l’occupation israélienne ; la fille de Ward, Riham, a été tuée à l’âge de dix ans par les forces israéliennes en 2001, à l’intérieur de sa salle de classe à l’école de filles Al-Ibrahim à Jénine. Leur plus jeune fils, Salah, était retenu en détention administrative, sans charge ni procès, dans une prison israélienne pour un an, puis a été envoyé dans la bande de Gaza en 2005, où il a été bloqué depuis. Il n’y a pas de procès pour la détention administrative, mais un examen périodique de l’affaire effectué par une commission d’étude qui maintient quelues règles de procédure, d’après le CICR.

En novembre 2006, Israël retenait environ 700 Palestiniens en détention administrative, d’après l’ONG israélienne des droits de l’homme B’Tselem. L’information qui forme la base des détentions est classée secret ; cela signifie que ni le détenu ni l’avocat ne peuvent la contester. Des milliers de personnes ont été retenues en détention administrative depuis le début de l’Intifada d’Al-Aqsa.

Le CICR surveille les conditions de détention et le traitement de tous les prisonniers palestiniens, estimés à 11500 et dont près de 400 sont enfants et 120 sont des femmes. Presque tous sont emprisonnés à l’intérieur d’Israël. De nombreux Palestiniens ne peuvent obtenir l’accès à Israël. Même avec l’aide du CICR, les membres des familles se voient souvent refuser l’entrée pour les visites en prison.

Le CICR affirme qu’Israël n’a pas rempli ses obligations sous la loi internationale, notamment l’Article 76 de la Quatrième Convention de Genève, qui stipule que les citoyens sous occupation militaire ne peuvent être retirés du territoire occupé, en interdisant de cette façon les visites d’un membre de la famille.

L’armée israélienne admet que la plupart des détenus palestiniens sont emprisonnés à l’intérieur d’Israël, mais argumente que le retrait des Palestiniens du territoire palestinien occupé est approuvé par la Haute Cour Israélienne de la Justice et est cohérent avec la loi israélienne.

La famille de Ward a engagé un avocat arabo-israélien pour représenter Naseem. Les avocats palestiniens n’ont pas accès aux cours israéliennes, c’est-à-dire le système de la cour militaire israélienne. Les avocats qui y exercent ne sont pas à portée de main des Palestiniens.

Les Palestiniens arrêtés par l’armée israélienne en Cisjordanie tombent sous la juridiction de la « législation militaire » israélienne. Ceci est un système de cour militaire séparé qui s’applique seulement aux territoires palestiniens, d’après l’armée israélienne.

« C’est une liste d’"ordres militaires" écrits par le commandant militaire [israélien] publié sans aucune supervision. Ils ne sont pas approuvés par la Knesset », a dit l’avocate israélienne Lea Tsemel, qui a représenté des Palestiniens dans ce système pendant 35 ans, et a fait remonter plusieurs affaires devant la Cour Suprême israélienne.

« La législation militaire varie selon la situation », a expliqué un conseiller juridique du CICR. Les « ordres militaires » font partie de la législation militaire, sur la localisation de points de contrôle spécifiques dans un réseau complexe de plus de 534 barrières érigées pour restreindre le mouvement des Palestiniens en Cisjordanie. Certains ordres militaires soulèvent l’inquiétude sur le fait qu’ils sont incompatibles avec la loi internationale, d’après le conseiller juridique. Israël est l’autorité d’occupation, mais les deux parties sont en conlfit. Il est difficile de déclarer que le système est objectif.

Il n’y a pas de procès pour la détention administrative, mais un examen périodique de l’affaire effectué par une commission d’étude qui qui maintient quelues règles de procédure, d’après le CICR.

La question des prisonniers est un problème national particulièrement sensible pour les Palestiniens. La plupart des familles palestiniennes ont eu au moins un membre de la famille emprisonné à l’intérieur d’Israël. Des milliers de prisonniers palestiniens rapportent qu’ils ont été torturés. Ils disent que cela a habituellement lieu lors de l’interrogatoire lorsqu’ils sont arrêtés, au début, et avant qu’ils ne voient un avocat.

« Toute personne arrêtée sur suspicion d’avoir commis un crime doit être amenée devant un juge dans les huit jours de son arrestation », selon l’armée israélienne, mais « un juge militaire peut ordonner le prolongement de l’arrestation du suspect pour investigation pour plus de 90 jours supplémentaires ». Le droit du détenu à un avocat « peut être ajourné », si « des besoins sécuritaires le requièrent ».

Des prisonniers ont rapporté au CICR que la torture est employée pour obtenir des confessions ou des informations. Le CICR a présenté ces affaires au Ministère Israélien de la Justice et à l’Autorité de la Prison, mais a refusé de de faire d’autres commentaires. Le Ministère Israélien de la Justice affirme que l’usage d’une « force modérée » est permise lors de l’interrogatoire, si une personne « est une bombe à retardement », mais la torture est interdite.

Le président du Comité des Prisonniers dans le Conseil Législatif Palestinien, Khalida Jarar, dit que l’utilisation de la torture par l’armée israélienne pendant les interrogations s’est accrue alors que de nouvelles méthodes, plus difficiles à détecter, ont été adoptées. Ces méthodes incluent de violentes secousses, une privation de sommeil et un confinement dans l’isolement. Les « salles de collaboration » sont toujours utilisées, selon Jarar, dans lesquelles des Israéliens jouant le rôle de Palestiniens encouragent les prisonniers à parler d’activités nationalistes. Les déclarations sont ensuite utilisées contre le prisonnier comme des confessions. Les Palestiniens peuvent recevoir des condamnations allant de six mois à dix ans pour avoir été membre d’une faction militante palestinienne.

Entre-temps, près de 10 mille habitants de Gaza se sont rassemblés autour du bâtiment législatif palestinien dans la ville de Gaza, la semaine dernière, en soutien au Hamas pour avoir continué à retenir un soldat israélien capturé en juin 2006. Parmi les manifestants se trouvaient de nombreuses femmes, espérant qu’un échange de prisonniers ramènerait leurs êtres chers chez eux.

Le Hamas et d’autres factions ont capturé Gilat Shalit le 25 juin, dans une opération près de la frontière entre Gaza et l’Egypte. Des négociations pour sa libération sont en cours, avec essentiellement l’Egypte servant d’intermédiaire. Le 26 juin, Israël a lancé l’Opération Pluie d’Eté avec les objectifs annoncés de libérer Shalit et d’arrêter les tirs de roquettes en Israël à partir de Gaza. D’après un rapport annuel publié par B’Tselem, 405 Palestiniens ont été tués à Gaza par les forces israéliennes depuis le 25 juin, dont 88 enfants et 205 personnes non impliquées dans les combats. Les forces israéliennes ont détruit la principale station électrique de Gaza. De nombreux habitants sont aujourd’hui privés d’électricité.

Pour sa part, Israël déclare que Gaza n’est plus « occupée », suite à son retrait de septembre 2005. L’armée israélienne a ajusté sa politique de détention en conséquence. Maintenant, les Palestiniens arrêtés à Gaza sont retenus selon les « lois du conflit armé ». Ils sont jugé comme des citoyens d’un pays étranger, d’après le Ministère Israélien de la Justice.

Les Palestiniens affirment que Gaza est toujours « occupée », étant donné qu’Israël a retenu le contrôle des passages frontaliers de Gaza, commerciaux et de passagers. Karni, le seul point de passage commercial de Gaza, a été fermé pendant plus de la moitié de l’an dernier. Rafah, le seul passage de passagers, n’est ouvert que sporadiquement.

« Ils kidnappent les gens de Gaza et les jugent dans des cours civiles israéliennes, selon une loi selon laquelle toute personne qui agit contre l’état d’Israël peut être condamné à l’intérieur d’Israël », dit Tsemel, défendant en ce moment le Professeur Younis Abu Daka de l’Université Islamique, qui vit à Gaza. Daka a été arrêté et déporté en Israël pour s’être lancé dans les élections législatives sur la liste du Hamas, il y a un an. Cela en dépit du fait qu’Israël a approuvé la participation du Hamas aux élections.

De retour en Cisjordanie, les Ward anticipent la libération de Naseem en avril 2008, bien qu’ils craignent que comme son frère, il sera envoyé à Gaza, au lieu d’être autorisé à rentrer chez lui. Expédier des résidents cisjordanien à Gaza suite à leur libération est devenu une pratique israélienne courante, en violation directe de la loi internationale.

25 janvier 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/829...
Traduction : M. Ahmed


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