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La vraie tragédie : qui a tué Arafat et pourquoi ?

jeudi 30 juillet 2009 - 06h:11

Ramzy Baroud

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Qui a tué Yasser Arafat ? Quand le dirigeant palestinien a été déclaré mort dans un hôpital français le 11 novembre 2004, on n’avait aucun moyen de savoir comment commenter sa mort. A-t-il été tué, et si oui, alors qui l’a tué, et pourquoi ?

La nature « mystérieuse » des symptômes de son décès ont fait naître quelque temps une théorie disant qu’il avait été empoisonné, sans prouver vraiment qu’il y avait eu un acte criminel mais allant même jusqu’à accuser certains de ses proches. Bien que l’histoire de l’homme s’inscrive dans une chronique toujours plus enrichie du combat palestinien et que les Palestiniens avaient en quelque sorte rangée dans leur passé, voilà que des informations surprenantes viennent la remettre à l’ordre du jour une fois encore, engendrant une nouvelle controverse et des histoires de conspiration.

Près de cinq années se sont écoulées depuis la mort d’Arafat. Durant ces années, un certain nombre de dirigeants palestiniens de haut rang, spécialement du mouvement Hamas, ont été assassinés par Israël par diverses méthodes systématiquement sanglantes. On compte Arafat parmi ces Palestiniens qui ont été tués par Israël, comme un « martyr », ce qui montre la large conviction que sa mort n’était certainement pas due à des causes naturelles.

Si Arafat a effectivement été tué, et sachant que sa mort n’a pas été provoquée par une attaque aérienne ou la balle d’un assassin, alors une question clé reste posée qui donne lieu à toutes sortes de réponses : qui a tué Arafat et comment ?

Les Israéliens faisaient peu de secret de leur souhait de voir Arafat mort. L’ancien Premier ministre israélien, Ariel Sharon, avait exprimé ses regrets dans une interview dans la presse le 1er février 2002, de ne pas avoir tué Arafat, des décennies plus tôt, quand il en avait eu l’occasion. Sharon avait déclaré au quotidien israélien Maariv, qu’il aurait dû « éliminer » Arafat lors de l’invasion du Liban en 1982. « Regrettez-vous (de ne pas avoir tué Arafat) ? lui avait-on demandé. « Certainement, oui, » avait-il répondu.

Le jour de la mort d’Arafat, la BBC a diffusé ces propos du leader de l’opposition israélienne, Shimon Peres, « Il est bien que le monde se débarrasse de lui... le soleil brille au Moyen-Orient  ». Retenu en otage dans son siège criblé de balles de Cisjordanie, pendant des années, Arafat était une honte internationale pour Israël. Il n’était pas assez « modéré » pour abandonner tous les droits palestiniens, mais il l’était assez, « modéré », pour conserver son aura pour mériter toujours l’intérêt international et l’appui des pays arabes, musulmans et européens, et d’autres nations.

Pourtant, dans l’esprit de certains, Arafat était déterminé et a souvent été présenté comme un « obstacle ». Le camp réellement « modéré » de l’Autorité palestinienne ne l’aimait pas pour son inlassable compromis visant à empêcher les combats fractionnels, bloquant ainsi leur tentative de dominer la société palestinienne. Israël le méprisait pour de nombreuses raisons, et pas la moindre était son refus de « céder » sur les questions capitales, telles que les réfugiés et Jérusalem. L’administration Bush a eu toute possibilité de le discréditer, de l’écarter et de l’insulter, appelant constamment à une direction « alternative », à savoir, Mahmoud Abbas, Mohammed Dahlan, et d’autres.

Curieusement, même Abbas et d’autres hauts responsables de l’Autorité palestinienne se réfèrent à Arafat comme à un « martyr », spécialement quand ils ont besoin de capitaliser son héritage chez les membres de base du Fatah et les Palestiniens ordinaires. Mais l’histoire était prévue pour s’arrêter là, avec Abbas et Dahlan, portant le flambeau d’Arafat le « martyr », et eux continuant avec leur « révolution » à base de rhétorique pour libérer la Palestine. Ce fut le cas jusqu’à ce que le numéro deux du Fatah, et l’un des dirigeants les plus en vue de l’OLP, Farouk Qaddoumi, ne rende public un document qui contient quelques surprises inattendues : Abbas et Dahlan, avec Sharon, le sous-secrétaire d’Etat William Burns, et d’autres, auraient comploté ensemble pour assassiner Arafat. Le document de Qaddoumi contient le compte-rendu de cette rencontre de 2004.

Qaddoumi a lancé l’information lors d’une conférence de presse à Amman, en Jordanie, le 12 juillet 2009, affirmant qu’Arafat lui avait confié le compte-rendu de cette réunion secrète impliquant des dirigeants et fonctionnaires de haut niveau israéliens, palestiniens et américains. Le complot, selon Qaddoumi, impliquait l’assassinat d’autres dirigeants palestiniens, certains d’entre eux ont effectivement été assassinés depuis, tandis que d’autres sont toujours en vie, grâce aux ratés des missiles israéliens et des attentats à la voiture piégée.

Il fallait s’y attendre, les dirigeants du Fatah à Ramallah ont lancé des attaques verbales féroces contre Qaddoumi, s’interrogeant sur ses objectifs, sur le moment et même sur son équilibre mental. Abbas a accusé Qaddoumi de vouloir torpiller le congrès si longtemps repoussé du Fatah, qui doit se tenir à Bethléhem le 4 août. « Il (Qaddoumi) sait très bien que cette information est fausse ; il l’a publiée pour saper la convention mais nous continuerons les préparatifs, » a indiqué Abbas. Qaddoumi a en effet critiqué la convention d’un mouvement prétendu « révolutionnaire » qui se tient avec le consentement d’Israël, si ce n’est son appui.

Le fait est que nous nous ne pourrons jamais nous assurer de l’authenticité du rapport de Qaddoumi sans une enquête indépendante et une preuve irréfutable. Cependant, tout comme à propos de la mort d’Arafat, une preuve concluante n’est pas toujours nécessaire au public pour se former une opinion. Au regard des menaces d’Israël contre Arafat, les Palestiniens n’ont aucune raison de penser qu’Israël ne l’aurait pas assassiné. De la même manière, les Palestiniens ordinaires, spécialement ceux de Gaza, n’ont que peu de raisons de croire que des Palestiniens corrompus n’aient pas été impliqués dans la mort d’Arafat. Une clique de l’élite palestinienne a marqué clairement que ses intérêts personnels prévalaient sur ceux du peuple palestinien ; Dahlan a ouvertement prôné le renversement d’un gouvernement élu à Gaza alors que le mouvement « révolutionnaire » de Ramallah envoyait des combattants palestiniens, armés et entraînés par les USA, sévir contre les ennemis d’Israël un peu partout dans les villes de Cisjordanie.

Aussi bizarre que tout cela puisse paraître, cela suffit pour expliquer pourquoi les Palestiniens sont prêts à croire les récentes déclarations de Qaddoumi, personnalité respectée dans toutes les factions palestiniennes. Certes, les accusations de Qaddoumi n’ont pas encore été authentifiées par une enquête indépendante, mais elles sont faites dans un contexte tendu, si ce n’est politiquement particulier, qui les rend plus plausibles et, dans un sens, la vraie tragédie est là.


Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle (Pluto Press, London). Et son prochain : My Father Was a Freedom Fighter : Gaza’s Untold Story (Pluto Press, London).

Site Internet :

www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Gaza et le langage de la force
- Trafic humain dans un monde de famine
- Le Hamas : entre principes et nécessité
- Obama, Israël et le puzzle iranien
- Enfants oubliés de Gaza

24 juillet 2009 - Site Ramzy Baroud - Image d’Arafat : The Palestine Telegraph - traduction de l’anglais : JPP


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