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Un journaliste humilié et battu - Un an après

mardi 30 juin 2009 - 06h:19

Mohammed Omer - AgenceGlobal.com

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Le 26 juin 2008 est un jour que je n’oublierai jamais. Parce que les évènements de cette journée ont irrévocablement changé ma vie. Ce jour là, je fus détenu, interrogé, sujet d’une fouille au corps et torturé alors que je tentais de retourner à la maison, après une tournée de conférences en Europe.

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Répression d’une manifestation contre les expropriations de terre dans le village de Bat Ayin en Cisjordanie sous occupation. Un exemple de la violence des soudards israéliens qui partout appliquent la même brutalité et cruauté - Photo : AP/Nasser Shiyoukhi

Tournée qui connut son apogée alors qu’avec le journaliste indépendant américain Dahr Jamil, nous recevions et partagions, à Londres, le Prix du Journalisme Martha Gelhorn. Une récompense décernée aux journalistes qui démasquent la propagande qui, souvent, masque les violations des droits humains.

Je tiens à dénoncer les dénis de la part d’Israël et les reportages incorrects réalisés par quelques journalistes, tout en demandant à l’Etat d’Israël de reconnaître ce qu’il m’a fait subir, de poursuivre les membres du Shin Bet responsables de cela et de mettre en place des procédures qui protègent les autres journalistes de traitements pareils.

Depuis 2003, J’ai été la voix des sans-voix de la bande de Gaza assiégée, par le biais d’un certain nombre de publications et de bulletins d’information, allant du Washington Report on Middle East Affairs à la BBC, du Morgenbladet en Norvège à Democracy Now !. Ces reportages mettaient à nu la fiction consciencieusement élaborée permettant le contrôle et l’exploitation de cinq millions de personnes. Leur impact, ajouté aux reportages d’autres écrits, servait à changer l’opinion publique des Etats-Unis et de l’Europe, concernant la dynamique d’Israël et son occupation de la Palestine.

Après avoir reçu le prix Martha Gelhorn, je retournais chez moi à travers le passage Allenby en Cisjordanie occupée, entre la Jordanie et Israël. C’est là que je fus détenu, interrogé et torturé plusieurs heures par le Shin Bet et les gardes frontières. Quand il apparut que j’étais proche de la mort, une ambulance fut appelée pour me transporter à l’hôpital. Depuis ce jour, ma vie a été une année de soins médicaux, de douleurs et quête de justice en permanence.

Lisa Dvir, de l’Autorité de l’Aéroport Isralien (IAA),l’agence responsable de contrôler les frontières israéliennes a déclaré, dans un article daté du 29 juin par Mel Frykberg pour l’Inter Press Service : « L’IAA n’a jamais été au courant de la fonction et attestations journalistiques de Omer. »

Cette déclaration est totalement incorrecte et impossible pour deux raisons. La première, parce que je suis Palestinien, je suis incapable d’entrer en Israël ou de quitter Gaza, même à travers la frontière de Rafah avec l’Egypte, sans l’autorisation israélienne, quelque chose d’assez difficile à obtenir. Chaque fois que j’ai quitté Gaza pour des tournées de conférences, cela a nécessité un important travail de lobbying et des man ?uvres politiques par différents gouvernements. En 2006, ce fut le gouvernement américain qui finalement réussit à me décrocher un visa. En 2007 le Parlement hollandais m’invitait à nouveau pour parler au Comité des Affaires Etrangères et en 2008, lorsqu’il fut annoncé que j’avais gagné le Prix Martha Gelhorn plusieurs états européens demandèrent à Israël de m’accorder un visa, mais ce fut le député hollandais Hans Van Baalen qui, après de grands efforts, assura et me garantit mon passage. C’est-à-dire le passage hors de Gaza et Israël, aussi bien que le retour, en 2007 et 2008, à la condition que je voyage et sois escorté par des membres de l’ambassade de Hollande à Tel Aviv, et aussi bien en Israël que dans la Cisjordanie occupée. Par conséquent j’étais sous escorte diplomatique et ceci à la connaissance totale du gouvernement israélien lorsque j’arrivais à Allenby le 26 juin. En fait, la sécurité israélienne avait bloqué mon retour durant quatre jours, m’obligeant à manquer un mariage au sein de ma famille et devoir attendre en Jordanie.

Deuxièmement, l’affirmation de Dvir consistant à dénier que l’IAA savait que j’étais un journaliste est démentie par les actions du Shin Bet et de la police de la frontière. Durant l’interrogation, un des membres du personnel de la sécurité israélienne n’a cessé de fouiller mes affaires en ne cessant de demander : « Où est l’argent du Prix, Mohammed ? » Le prix est seulement donné aux journalistes. Non seulement étaient-ils parfaitement conscients que j’étais un journaliste, mais ils savaient exactement combien j’avais reçu, pour quoi et où.

Dvir a persisté dans le mensonge en s’exclamant : « Nous aimerions savoir avec qui Omer a parlé afin de recevoir son accréditation pour passer à travers Allenby. Nous offrons un service spécial aux journalistes lorsqu’ils passent à travers nos postes frontières, et si nous avions su qu’il rentrait ceci ne serait pas arrivé. » Son déni a choqué un diplomate hollandais de Tel Aviv qui avait confirmé avec la permission étatique mon passage le 26 juin. Encore une fois, je voyageais sous escorte diplomatique et quand j’ai demandé de téléphoner à l’escorte - attendant de l’autre côté du terminal - la réponse du Shin Bet fut qu’ils savaient et qu’ils ne s’en souciaient pas.

Bien que refusant d’admettre que l’interrogatoire et la torture eurent lieu, Divr a par la suite insisté sur l’idée que les actions du Shin Bet sont hors du contrôle de son département : « Je ne suis pas au courant des évènements qui ont suivi sa détention, et nous ne sommes pas responsables du comportement du Shin Bet. » Mais l’Autorité de l’Aéroport Israélien, le département de Dvir, comme la majeure partie d’autorités portuaires, est responsable pour la sécurité frontalière. Et ceux qui font respecter cette sécurité en Israël sont les membres de l’armée et le Shin Bet.

Malheureusement les man ?uvres de diversion de Dvir n’étaient que le début. Dans les jours qui ont suivi ma détention et ma torture, l’office de presse du gouvernement israélien a reconnu que bien que voyageant sous escorte diplomatique j’avais été fouillé « vu la suspicion qu’il avait été en contact avec des éléments hostiles et qu’il lui avait été demandé de délivrer des biens de Judée et Samarie (la Cisjordanie occupée). » Ceci a été mentionné et cité dans divers articles. Comme chaque autre personne entrant, mes sacs furent passés au rayon-X examinés à de nombreuses reprises excluant ainsi toute possibilité que je sois en train de transporter quelque type de contrebande que ce soit. Et je voyageais dans le voiture de l’ambassade hollandaise directement de Erez à Gaza, comme indiqué aux autorités israéliennes. Il n’y avait aucune possibilité pour moi de délivrer quelques « articles » que ce soit à quiconque.

Confrontés avec les rapports médicaux, les blessures y compris les côtes brisées, les officiels israéliens ont déclaré à la BBC le 1er juillet 2008 que « Il a perdu l’équilibre et il est tombé pour des raisons qui nous sont inconnues. » D’autres officiers ont suggéré : « M.Omer a eu une dépression nerveuse due à une forte température. »

Malgré les tentatives de déni, le praticien de médecine d’urgence qui était assis à l’arrière de l’ambulance avec moi déclara : « Nous avons noté des empreintes de doigts sur son cou et son thorax. » Le type de marques causées par utilisation excessive de la force souvent utilisée par les spécialistes pour identifier un attaquant.

Quand la reporter Karin Laub de l’Associated Press m’appela sur mon téléphone pour une interview après mon épreuve, je lui détaillais comment j’avais été déshabillé et tenu en joue par une arme. Sa réponse ? « Continuez » déclara-t-elle « ceci est normal par rapport à ce que nous entendons arriver à l’aéroport Ben Gourion. Ce n’est rien de nouveau. »

Torturer, fouiller intimement et détenir sous la force d’une arme des journalistes récompensés comme tels, ou tout autre humain, est donc normal dans le plus grand aéroport israélien ? L’apathie de Madame Laub continua. Dans son article pour l’Associated Press du 29 juin elle écrivit qu’elle avait interviewé « Dr. Husseini, qui affirme qu’il n’y avait pas de signes de traumatismes physiques. »

Il n’y a qu’un problème avec ceci. Le Dr. Husseini ne m’a jamais traité. Le ministère de la santé de Ramallah a confirmé que Husseini n’a jamais fait une telle déclaration à la journaliste de l’AP. Pour des raisons qu’elle seule doit connaître, Madame Laub semble avoir fabriqué ce commentaire et ignoré sciemment des rapports médicaux et des déclarations de personnel paramédical présent, ce qui est d’ailleurs contraire à l’éthique journalistique et aux standards de l’Associated Press. Malgré ceci, aucune investigation indépendante n’a eu lieu.

Cependant, le correspondant de Jerusalem du Los Angeles Times, Ashraf Khalil, a conduit une enquête concernant mon cas et notait dans son article du 3 novembre 2008, que mes dossiers médicaux décrivent : « Mollesse dans la partie antérieur du cou et dans le haut du dos, notamment le long des côtes droites, douleur modérée à sévère, » et « pour raison de douleurs, l’examen du scrotum réalisé a révélé une varicocèle (dilatation variqueuse des veines du cordon spermatique) sur le côté gauche et une opération a été décidée plus tard. » De la fièvre et une chute n’occasionnent pas des marques si distinctives. Des coups de pieds, de poings et autres raclées le font. Poursuivant Khalil explique que « Mahmoud Tarary, personnel soignant est arrivé dans une ambulance de la Société du Croissant Rouge Palestinien et dit avoir trouvé Omer dans un état mi-conscient avec des meurtrissures sur son cou et sa poitrine. Tararya dit que les officiers de la sécurité israéliens étaient en train de demander à Omer de signer « une sorte de formulaire écrit en hébreu. L’employé paramédical dit qu’il est intervenu, a séparé Omer des soldats et l’a chargé dans l’ambulance, où il est resté dans un état semi-inconscient lors de la majeure partie du voyage jusqu’à l’hôpital. »

Khalil note dans son article que Richard Falk, Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme, a écrit à Verhagen, ministre des Affaires Etrangères des Pays-Bas et a déclaré : « J’ai examiné la crédibilité de M. Omer et sa narration de la suite des évènements, et je les trouve parfaitement crédibles et corrects. »

Se relever mentalement et physiquement de torture et interrogatoire est loin d’être simple. Ceci ne devrait arriver à personne. Mon objectif concernant mon dossier est d’attirer l’attention sur les droits humains universels, les droits de la liberté d’expression et la liberté de mouvement. Il y a des endroits dans ce monde, où ces libertés n’existent pas. Israël clâme ne pas être un de ces endroits, mais aussi bien le gouvernement et la complicité de journalistes prenant individuellement part à dissimuler ce qu’ils m’ont fait, me prouvent le contraire. Ironiquement, le jour où le Shin Bet choisit de me détenir, m’interroger et me torturer - le 26 juin - est la date choisie par les groupe des droits de l’homme comme Journée Internationale contre la Torture.

* Mohammed Omer a collaboré à de nombreuses revues et magazines, y compris le Washington Report on Middle East Affairs, Pacifica Radio, Electronic Intifada, The Nation, et Inter Press Service ; Il a également fondé le blog Rafah Today . Il a été récompensé du Prix pour le Jourrnalisme 2007 Martha Gellhorn.

Du même auteur :

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- La sinistre réalité dans Gaza - 19 décembre 2007

26 juin 2009 - Agence Globale - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.agenceglobal.com/article...
Traduction de l’anglais : Astre


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