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Iran : heures décisives

mardi 23 juin 2009 - 07h:44

Abdel Bari Atwan

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Les prochaines heures pourraient être les plus importantes dans l’histoire de l’Iran depuis que s’est produite la révolution islamique sous la direction de l’imam Khomeiny, il y a 30 ans, écrit Abdel Bari Atwan.

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Manifestation des supporters de Mirhoseyn Musavi, Téhéran le 18 juin 2009 - Photo : AP

Si les déclarations attribuées à Mirhoseyn Musavi, le plus important rival du président iranien Mahmoud Ahmadinezhad, disant qu’il n’appellerait pas ses partisans à manifester à nouveau aujourd’hui pour protester contre le « trucage » des élections sont exacts, alors en prenant cette position responsable, Musavi épargnerait à son pays et à son peuple des effusions de sang et une instabilité qui pourrait briser son unité interne et propager le chaos dans l’ensemble de la région.

Le guide suprême Ali Khamene’i a été clair dans son discours hier, quand il a exprimé sa totale approbation des résultats de l’élection, soulignant leur honnêteté, excluant toute remise en cause, et tenant les « candidats réformistes » pour responsable du sang répandu si des affrontements entre manifestants et services de sécurité doivent se produire.

Les options possibles pour les dirigeants de la protestation sont maintenant limitées à deux : soit défier le guide suprême, ignorer ses avertissements et sortir dans la rue où ils devront s’attendre à une confrontation avec les forces de sécurité et les milices les mieux armées et les plus extrémistes du régime, ou retenir la deuxième option qui est de plier avant la tempête, même temporairement, pour épargner le sang et de garantir la stabilité.

Il est évident, d’après les discours du guide suprême que le pouvoir religieux ne tolérera aucune des manifestations de protestation, peu importe qu’elles soient pacifiques ou non, et les traitera avec le bâton. Khamene’i a clairement dit que le recours aux manifestations de rue est un péché capital après que la compétition ait été réglée à travers les urnes.

La patience de Khamene’i est apparemment à bout, ainsi que celles de ses partisans et de ses bailleurs de fonds qui constituent l’immense majorité de Iran d’après Khomeini, après six jours de « clémence » dans le traitement des manifestants, mais certains sont apparemment prêts à relever le défi et sortir dans l’arène.

Il y a deux écoles clairement définies parmi les manifestants. La première est dirigée par Mehdi Karroubi, l’ancien président de l’Assemblée de la Shura, qui veut poursuivre les manifestations jusqu’à ce que les résultats des dernières élections soient annulées. La deuxième appelle à l’organisation de nouvelles manifestations et est plus rationnelle et dirigée par Musavi, ancien premier ministre qui a servi à ce poste durant huit ans lorsque Khamene’i a été le chef de l’Etat.

Les prochaines heures pourraient être les plus importantes dans l’histoire de l’Iran depuis que s’est produite la révolution islamique sous la direction de l’imam Khomeiny, il y a 30 ans. Hashemi Rafsandjani, président du Conseil, aura un rôle décisif dans l’escalade ou l’apaisement la situation. Il est le père spirituel et le véritable leader de l’insurrection pacifique contre les résultats électoraux et l’instigateur des manifestations. Par conséquent, il n’est pas surprenant de voir le guide [Khamene’i] faire ses louanges dans son discours et nier les accusations de corruption portées contre lui et les membres de sa famille. Cela équivalait à une franche critique du président Ahmadinezhad qui avait attaqué [Rafsandjani] sans le nommer directement dans l’un des débats télévisés avant les élections.

La question qui s’impose d’elle-même est de savoir si Hashemi Rafsandjani, qui est connu pour son intelligence et son pragmatisme, acceptera de telles excuses voilées de la part du guide suprême et cessera son incitation à manifester et à soutenir Musavi Karrubi, ou s’il estimera que cela ne suffit pas et durcira sa position jusqu’à renverser son principal ennemi Ahmadinezhad, même si cela conduit à des affrontements sanglants ?

Il est difficile de répondre à cette question et tout ce que l’on puisse dire — à partir d’une connaissance que j’ai personnellement d’Hashemi Rafsandjani et de sa mentalité de commerçant et riche homme d’affaires, maître en faux-fuyants et disposant d’une compréhension approfondie des équations pertes/bénéfices - c’est qui il va sans doute avaler l’insulte et accepter les excuses, même temporairement.

Le calme en Iran est d’un intérêt stratégique qui dessert toutes les parties dans la région, à l’exception d’Israël et des États-Unis. L’Iran est visé par ces deux pays et les autres pays occidentaux en raison de ses aspirations nucléaires, de son soutien à la résistance au Liban et en Palestine, et des déclarations du président Ahmadinezhad qui a réaffirmé ce que la plupart des dirigeants arabes ont ignoré, à savoir l’usurpation par Israël de la terre de Palestine et la dispersion de son peuple [...].

Israël et plusieurs pays occidentaux ne soutiennent pas les manifestations de protestation à Téhéran — qui sont légitimes et ont révélé une approche pacifique et civilisée — à cause d’une prétendue préoccupation pour la démocratie et les droits de l’homme, mais à cause de leur volonté d’affaiblir l’Iran, de déchirer son tissu social de l’intérieur et de s’attaquer à son unité nationale et à son intégrité territoriale, car ils craignent de faire face à l’Iran depuis l’extérieur à cause de ses moyens militaires et en raison du coût que cela pourrait entraîner.

Le problème de l’Iran avec les États-Unis et Israël est son soutien aux mouvements de résistance en Palestine et au Liban et son opposition aux plans américains pour l’hégémonie dans de la région. Lorsque l’Iran a appuyé le projet sioniste à l’époque du Shah, il était le plus fort allié de Washington et de Tel-Aviv en même temps que le policier américain dans la région du Golfe, comme il était le fidèle et ami préféré des alliés arabes des Etats-Unis qui oubliaient à cette époque son identité perse et chiite. La plupart des pays du Golfe, accueillaient très facilement des travailleurs iraniens tout en refusant d’accueillir les travailleurs arabes sunnites, les premiers se révélant plus sûrs et plus travailleurs que les seconds qui étaient considérés comme révolutionnaires et extrémistes. Aujourd’hui, le tableau s’est retourné contre l’Iran.

Miner la stabilité de l’Iran et propager des troubles augmenterait les possibilités de faire de l’Iran un état en faillite, comme au Pakistan, en Afghanistan, en Irak, en probablement comme en Somalie, , en raison de sa mosaïque ethnique complexe. Cela ne peut pas être dans l’intérêt des pays de la région et en particulier des pays arabes, et nous sommes donc surpris par l’hystérie manifestée dans le soutien aux manifestations par les médias des pays de « l’axe de la modéréation » [pays du Moyen-Orient alliés aux Etats-Unis - N.d.T], leur tendance à s’enthousiasmer pour les rivaux du président Ahmadinezhad, et leurs larmes de crocodile sur la démocratie et le droit des peuples à s’exprimer.

Nous soutenons l’opinion exprimée dans la rue et son expression par des moyens pacifiques, condamnant fermement le meurtre de manifestants, et nous prions Dieu d’avoir pitié de ceux qui ont été tués par les balles des forces de sécurité iraniennes. Ce sont des martyrs de la démocratie et de la liberté d’expression.

Mais nous voulons rappeler aux médias des pays de la région que leurs régimes non seulement ne tolèrent pas les manifestations de protestation, mais n’acceptent pas plus les pétitions et les appels des réformateurs de l’intérieur qui ne font qu’exiger les plus basiques des droits. Nous allons même plus loin et disons que la plupart des peuples appartenant aux pays de « l’axe de la modération » qui soutiennent les protestations en Iran contre les résultats électoraux, ne savent même pas ce que sont des urnes.

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20 juin 2009 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.bariatwan.com/index.asp?...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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