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Gaza : deux ans après « el hasm »

samedi 20 juin 2009 - 06h:49

Ayman Mohyeldin - Al Jazeera

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Deux ans jour pour jour après que le Hamas ait pris le contrôle de la bande de Gaza, la vie des Palestiniens dans le territoire assiégé semble inextricablement liée à deux crises.

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Le 14 juin 2007, le mouvement Hamas a affirmé son pouvoir sur la bande de Gaza - Photo : GALLO/GETTY

Une impasse politique interne a fragmenté la société palestinienne, a réduit la crédibilité des dirigeants politiques palestiniens aux yeux de l’opinion publique et a cassé l’élan de leur peuple pour la libération nationale.

Pendant ce temps, un blocus imposé par Israël et endossé par l’Occident, a entraîné une crise humanitaire pour les 1,5 millions de personnes piégées à l’intérieur de Gaza.
La réponse à ce qui s’est passé le 14 Juin 2007 dépend de qui vous interrogez. Même le vocabulaire utilisé par les Palestiniens pour décrire les événements de cette journée reflète leur profonde divisions idéologiques.

Une différence de perspective

Aux yeux du Hamas et de ses partisans, ce jour est appelé en arabe, « el hasm » — ou « affirmation décisive ». Pour ceux-là, le Hamas a décidé de mettre fin à l’anarchie dans la bande de Gaza, à la criminalité, à la corruption et aux tentatives des Etats-Unis par l’intermédiaire du Fatah de saper le droit légitime du Hamas de gouverner après avoir emporté les élections de 2006.

Entre les élections de 2006 et juin 2007, l’échec des divers accords de partage du pouvoir entre le Fatah et le Hamas, d’un gouvernement d’unité nationale comme des tentatives de réformer les services de sécurité fragmentés pour en faire un seul corps, a ouvert la voie à la confrontation.

Ceux qui ne partagent pas le point de vue du Hamas à propos de ces événements appellent la journée du 14 juin 2007, « el enqelaab » — le « coup ».

Ils estiment que le Hamas a violemment renversé l’Autorité palestinienne légitime, prenant avec ses partisans toutes les institutions gouvernementales. Et les mêmes critiques affirment que le mouvement Hamas et ses forces paramilitaires n’étaient pas prêtes à gouverner, ni habituées à la contestation d’une société pluraliste et démocratique.

Le Hamas, disent-ils, voulaient dominer la politique palestinienne par les bulletins de vote et par les armes, compromettant ainsi des années de lutte de l’OLP [Organisation de libération de la Palestine] - dominée par le Fatah — pour un État. Indépendamment des opinions, les jours fatidiques où le Hamas a affirmé sa maîtrise complète de la bande de Gaza ont été un moment déterminant pour le peuple palestinien comme pour la région.

Kareem Lebhour, journaliste à Radio France International, est l’un des rares journalistes a avoir été présent dans la bande de Gaza au cours de ces journées. Il estime que les événements du 14 Juin ont été exploités par des régimes arabes, les États-Unis et Israël pour leur propre objectifs politiques.

« Personne ne voulait voir le Hamas réussir à gouverner [après les élections qu’ils ont remportées en 2006] », explique-t-il.

Craignant de perdre le pouvoir au profit de mouvements islamistes, les gouvernements de la région ont été très réticents à tolérer des élections justes et démocratiques.
Au lieu de cela, ils ont souligné la prise de contrôle du Hamas comme un avertissement, exposant l’image "des hommes musulmans portant barbe et armes" et prenant le pouvoir, dit Kareem. Dans un renversement complet par rapport à ses précédents objectifs de promotion de la démocratie à travers le monde arabe, l’administration de George Bush, l’ancien président des Etats-Unis, a cessé de demander plus de réformes démocratiques dans la région, craignant que la victoire populaire du Hamas pourrait se répéter chez des alliés stratégiques pour les Etats-Unis comme l’Égypte, la Jordanie et les États du Golfe.

Au lieu de cela, la communauté internationale a tourné le dos aux vainqueurs légitimes des élections palestiniennes, poussant à des divisions politiques internes et à des affrontements sanglants entre le mouvement Hamas et ses adversaires politiques dans l’organisation laïque du Fatah [soutenue par les Etats-Unis].

Ignorant de la réalité de la bande de Gaza

S’il est une conclusion que tous les acteurs régionaux et les États-Unis ont atteint au cours des deux dernières années, c’est qu’il est dangereux d’ignorer la réalité de la bande de Gaza.

Si le Fatah et l’OLP veulent réellement que des élections soient organisées dans les territoires palestiniens, ils doivent intégrer le Hamas.

Si le Hamas veut étendre son influence par-delà la fracture géographique avec la Cisjordanie, et se débarrasser de son statut de paria international, il doit tolérer la pluralité politique, sociale et culturelle et faire preuve de pragmatisme dans ses relations avec ceux auxquels il s’oppose idéologiquement.

Si les États-Unis sont sérieux lorsqu’ils parlent de promouvoir une paix juste et durable dans la région, il faut qu’ils reconnaissent le Hamas et ce qu’il représente au sein du peuple palestinien. Et si Israël veut parvenir à un minimum de sécurité, il aura à traiter avec le Hamas, directement ou indirectement.

La vie dans la bande de Gaza

Les deux dernières années ont été une perte de temps. Beaucoup pensent que la première victime a été délibérément la population de 1,5 million d’habitants dont la vie s’est dégradée au niveau social, économique et humanitaire, jusqu’à devenir misérable. Depuis 2007, la bande de Gaza est passée par le blocus, les mesures de rétorsion économiques, une brutale agression israélienne — à la fois physiques et psychologiques — et un siège étouffant qui a rendu la vie intolérable.

Ce blocus est rendu possible par la complicité des États-Unis, des pays européens, et des gouvernements arabes.

Toutes les conditions la vie dans la bande de Gaza n’ont fait qu’empirer — depuis l’éducation jusqu’à la santé en passant par l’économie.

Ce qui était considéré comme une société au niveau économique moyen a maintenant été réduit à une société dépendant à plus de 80%de l’aide extérieure.
Aujourd’hui, l’industrie est le plus florissant est la contrebande, à travers les tunnels le long de la frontière entre l’Égypte et Gaza.

Près de 1000 tunnels ont été creusés pour passer le nécessaire dans Gaza. Depuis la nourriture jusqu’aux médicaments, les tunnels de Gaza sont devenus vitaux pour l’accès au monde extérieur et un témoignage de la volonté indomptable du peuple palestinien à survivre durant ces deux dernières années.

Il y a eu peu de progrès apparent dans la bande de Gaza depuis 2006, mais certains mettent au crédit du Hamas le rétablissement de la loi et de l’ordre.
Les officiels dans la bande de Gaza sont prompts à mentionner la réduction du taux de criminalité et le niveau de sécurité qui a été restauré par le gouvernement du Hamas et ses services de sécurité.

Toutefois, cela s’est fait à un prix. Les libertés politiques et civiles dans la bande de Gaza ont diminué, et certains accusent le Hamas et ses services de sécurité d’agir souvent au-delà de l’état de droit pour faire respecter la loi.

Une récente vague de répression contre le Hamas en Cisjordanie par l’Autorité palestinienne [de Ramallah] a entraîné la détention de dizaines de personnes par la sécurité du Hamas dans Gaza. C’est un cercle vicieux de vengeance, d’attaques et d’arrestations qui ont marqué et terni les deux dernières années.

« La voie à suivre »

La voie à suivre pour les Palestiniens est l’unité. Une fois de plus, depuis les personnalités connues jusqu’aux experts, depuis les dirigeants des organisations jusqu’aux Palestiniens de la rue, les appels à l’unité nationale sont devenues le cri de ralliement.

Chaque cycle de négociations visant à mettre fin à deux ans de querelles politiques redonnent aux gens un peu plus d’espoir que leurs vies pourraient bientôt changer.

L’avenir de la bande de Gaza dépend largement dépendantes du temps que la communauté internationale — surtout les États-Unis et ses alliés occidentaux - sera disposée à tolérer ces conditions de vie [pour le Palestiniens].

Dans son récent discours au « monde musulman », Barack Obama, président des Etats-Unis, a déclaré que la « crise humanitaire dans la bande de Gaza ne sert pas les intérêts de sécurité d’Israël », ce qui laisse suggérer que pour lui le statu quo est intenable.

Il reste à voir si les États-Unis vont augmenter la pression sur Israël pour changer les réalités sur le terrain [...].

Jusqu’à ce que l’une ou l’autre de ces crises soit résolue, les Palestiniens de Gaza vont sans aucun doute continuer à vivre en équilibre entre la paralysie de la politique interne et l’intransigeance à l’égard de leurs souffrances.

14 juin 2009 Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/focus/...
Traduction : Info-Palestine.net


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