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Un message riche et inquiétant

vendredi 12 juin 2009 - 09h:43

Wahid Abdel-Méguid - Al-Ahram/hebdo

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Le problème ne réside pas dans le caractère pacifique ou violent de la résistance, mais dans la nature de la cause pour laquelle ils luttent en tant que telle.

Le discours de Barack Obama, prononcé à l’Université du Caire, est à la fois inspirateur et inquiétant. Le côté inspirateur est relatif à son message riche débattant des relations entre l’Occident et le monde musulman. On perçoit de ce message une vision approfondie visant à rehausser les valeurs communes, ainsi que les intérêts mutuels. Un message qui transcende la tension accrue depuis les attaques du 11 septembre et les problèmes qui s’en étaient découlés. Obama s’est intégré intentionnellement dans les tréfonds des conflits opposant les deux mondes musulman et occidental et qui remontent avant la création des Etats-Unis. Raison pour laquelle il a laissé une empreinte indéniable dans les esprits des musulmans ainsi que dans leurs c ?urs. D’autant plus que son charisme est impressionnant, son langage est éloquent et sa capacité d’influencer par son discours est rare. Ainsi, le discours d’Obama a réaffirmé que sa présence à la tête de la plus grande puissance mondiale constitue une occasion exceptionnelle pour une éventuelle révision des relations avec le monde musulman. Donc, le discours est le cadre général qui verra l’épanouissement de son projet.

Cette occasion ne se répétera certes pas dans un avenir proche si nous la laissons passer. Il nous incombe à nous, monde musulman, de lui transmettre que son discours inspirateur est inquiétant au même titre et d’autant plus au niveau de la cause palestinienne.

Obama a consacré plus d’un quart de son discours au conflit arabo-israélien. Ceci prouve qu’il réalise parfaitement bien son importance et son insistance à manifester, dès le premier jour à la Maison blanche, son intention pour trouver une issue.

Il est difficile dans ce contexte de séparer son intérêt manifesté à la cause palestinienne de ses aspirations à ouvrir une nouvelle page avec le monde musulman. Si cela est vrai, un éventuel échec dans les efforts de règlement pacifique au conflit arabo-israélien affectera négativement les possibilités de réussite d’une instauration de nouvelles relations entre l’Amérique et l’Occident d’une part et le monde musulman d’une autre.

Le président Obama est conscient que l’injustice historique infligée au peuple palestinien a contribué en grande partie à la détérioration des relations entre les deux mondes occidental et musulman au cours d’un demi-siècle.

Raison pour laquelle il faut dire à Obama, en toute transparence, que sans une solution juste à la cause palestinienne, sa mission à la réconciliation avec le monde musulman sur l’arrière-fond du discours du 4 juin sera extrêmement difficile. Dans ce contexte, il est digne de lui demander de reconsidérer la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et les Arabes.

D’aucuns avanceraient que c’est une question de pure forme et que c’est le contenu qui importe. Ces propos ne doivent pas avoir lieu, non pas parce que le discours est riche en symboles aux portées indéniables seulement, mais également parce qu’il a évité d’utiliser le mot occupation, ce qui incite à l’inquiétude.

Ce qui est inquiétant dans le discours d’Obama est son insistance à faire une comparaison entre la lutte palestinienne et celle pour les droits civils menée contre la discrimination raciale aux Etats-Unis. Bien que la différence soit totale, voire incomparable, elle reflète une attitude faible à l’égard de la cause palestinienne.

Les Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza ne sont pas des citoyens dans l’Etat israélien qui luttent pour l’égalité, mais sont un peuple sous l’occupation en lutte pour la libération nationale et l’indépendance.

Il ne faut pas que la résistance se rabaisse au niveau du meurtre sporadique. Je ne m’oppose pas à la demande des Palestiniens appelant à l’arrêt de la résistance armée prochainement.

Il n’y a aucun problème à ce niveau. Le problème fondamental, tel que nous le comprenons du discours d’Obama, est relatif à la nature même de la cause palestinienne. La ressemblance qu’il a opérée entre cette cause et celle de la persécution des noirs américains, en appelant les Palestiniens à emprunter la voie du mouvement des droits civils aux Etats-Unis, incite à l’inquiétude.

Si nous voulons établir une comparaison dans l’histoire américaine avec celle de la cause palestinienne, l’exemple se manifeste dans le mouvement de l’indépendance de l’Empire britannique qui a donné naissance aux Etats-Unis dans leur forme actuelle. D’ailleurs, il a mentionné ce mouvement dans une autre partie du discours et lui a donné son nom réel qu’est celui de la révolution américaine contre l’Empire britannique.

Tout le monde est conscient que cette révolution n’était pas totalement pacifique et qu’elle impliquait une violence qui est allée au stade de la résistance armée. Mais le problème ne réside pas dans le caractère pacifique ou violent de la résistance, mais dans la nature de la cause pour laquelle ils luttent en tant que telle. La cause palestinienne est une révolution de libération nationale, comme ce fut le cas avec la révolution pour l’indépendance américaine. Quant au mouvement des droits civils américains, il peut servir d’exemple aux Arabes de 1948, parce que leur principale cause est celle de réaliser l’égalité au sein d’Israël. Un problème qui prendra une plus grande ampleur qualitativement parlant s’ils continuent à sacrifier l’aspect juif de l’Etat d’Israël. Obama a oublié de mentionner tout cela dans son discours.

Certains avanceront qu’Obama adopte la solution des deux Etats et ?uvre à mettre en place un Etat palestinien. Il n’est donc pas inquiétant de faire une comparaison avec le mouvement des droits civils américains. Mais l’inquiétude demeure, car Obama n’a pas mentionné jusqu’à présent les caractéristiques d’un deuxième Etat dans le cadre de cette solution. Il a parlé dans ce discours historique, comme dans ses discours antérieurs, de deux Etats voisins qui se côtoient en paix et en sécurité et d’un Etat palestinien qui procure à ses citoyens les moyens d’une vie décente et d’opportunités d’emploi. Il a également parlé d’un Etat qui est dans l’intérêt d’Israël comme celui des Palestiniens et des Etats-Unis.

Obama parle plutôt d’un Etat accordant aux Palestiniens le privilège de jouir des droits politiques internes qui ne diffèrent pas beaucoup de ce qui leur a été garanti à l’ombre d’un gouvernement autonome et à travers des élections effectuées et des gouvernements formés et non pas des droits de souveraineté nationale. Un Etat où les Palestiniens disposeraient d’eux-mêmes et n’auront rien à présenter au monde en dehors de leurs frontières. Pour cela, il ne sera jamais un Etat souverain, car la souveraineté est un tout indivisible.

Sans doute, Obama est conscient de tout cela, vu son arrière-plan juridique. Mais sa position, en quelque sorte faible à l’égard de ce dossier, ne lui permet que de les appeler à suivre les pas d’un mouvement pour les droits civils. Obama n’a pas pris l’exemple de la révolution de l’indépendance américaine, pas par ignorance de l’histoire, mais faute de compréhension des aspirations des Palestiniens. Ils n’ont pas supporté toute cette souffrance, dont il a évoqué quelques aspects, pour que leur ultime ambition soit un Etat défectueux et probablement dénué de souveraineté.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 10 au 16 juin 2009, numéro 770 (Opinion)


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