16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Les colons ne contribuent en rien à la société israélienne

lundi 8 juin 2009 - 06h:28

Gideon Levy
Ha’aretz

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Le général de police, Shlomi Katabi, a ouvert la bouche. C’est le commandant en fin d’exercice de la police pour la Cisjordanie, un officier dont personne n’avait entendu parler. Et voilà qu’au moment de prendre sa retraite, il décide de nous faire partager ce qu’il a réellement dans le c ?ur.

Voici quelques-uns de ses trésors de sagesse : « J’aime les colons. Ils sont le sel de la terre. La facilité avec laquelle des gens les dénigrent est absolument écoeurante... Des gens qui sont là, à Tel Aviv, ils ont garé leurs SUV (véhicule utilitaire sport) rue Sheinkin, ils sont assis là à boire leur espresso, les jambes croisées, et ils se permettent de critiquer. Leur volonté d’aider l’Etat est égale à zéro. »

Bien sûr, on aurait pu simplement ignorer les déclarations de ce haut responsable. Mais qu’en faire puisqu’il les a dites ? On aurait même pu excuser quelque peu le fait que cet amoureux des colons avait été chargé de protéger la loi en Cisjordanie contre ses émeutiers bien-aimés. Mais Katabi porte la voix des masses : les colons sont le sel de la terre, Tel-Aviv est un espresso avec les jambes croisées. Comme c’est humiliant parfois d’entendre la vérité sortir de la bouche de responsables de la sécurité en fin de poste. Cela devrait profondément nous troubler, pas seulement à cause de leurs déclarations mais aussi de la bassesse et du côté superficiel de ces intervenants, des personnes qui avant n’étaient pour le public que des anonymes.

JPEG - 26.6 ko
Un avant-poste de mobile homes près de la colonie d’Ofra, tout aussi illégale, en Cisjordanie occupée (JPost)

Appelons un chat un chat : ceux que cet officier porte dans son c ?ur sont des criminels. Le général s’est lié d’amitié avec eux. L’aide des colons à l’Etat peut se résumer à être un obstacle à la paix tout en se moquant ouvertement de la loi. Certains d’entre eux sont des violents en série, d’autres des voleurs de propriétés qui se sont installés sur des terres privées et volées. Il n’y a pas de différence entre l’élevage de chevaux au nom du défunt patron du crime Ya’akov Alperon à Ramat Poleg - qui a été condamné la semaine dernière -, et 60% des maisons de la colonie Ofra. Dans les deux cas, les criminels ont violé des terres privées. Katabi aime ça. S’il avait attribué ces déclarations à Alperon, l’usurpateur d’une propriété privée appartenant à d’autres, il aurait été viré immédiatement. Mais à ses yeux, et aux yeux de beaucoup d’Israéliens, les colons sont le sel de la terre. Pourquoi ? Quelle fut la contribution de ce sel de la terre à la société en dehors de sa criminalité ? Un scientifique de renom a-t-il fleuri dans ces communautés à travers la Cisjordanie ? Ou un écrivain de valeur ? Peut-être un capitaine d’industrie ? Non, rien. La véritable créativité israélienne, on la trouve à Tel-Aviv, au milieu de ses habitants. Rien n’est encore sorti de Bat Ayin, à l’exception de la violence. Nous sommes donc face à des quartiers qui sont livrés à la criminalité.

Cette façon de penser que Tel-Aviv ne fait que boire son espresso et n’apporte quasiment aucune contribution est aussi tortueuse que l’argument qui prétend que Tel-Aviv n’est pas autorisée à exprimer des critiques. Si Tel-Aviv mérite une critique, c’est précisément pour ne pas avoir suffisamment reproché cette entreprise criminelle ; elle ne manifeste pas assez d’indignation contre cela. Tel-Aviv devrait garer ses SUV, siroter ses espressos et laisser éclater sa désapprobation.

Ce n’est pas un droit - qui selon l’allusion de Katabi devrait être refusé -, c’est une obligation. L’idée que s’implanter à Yitzhar serait une contribution alors que s’asseoir dans la rue Sheinkin serait néfaste est un mode de pensée primitif et maléfique. Sans Tel-Aviv, il n’y aurait pas d’Etat d’Israël. Sans Yitzhar, nous aurions un bien meilleur Etat d’Israël, infiniment plus prospère et plus juste.

Et ceux qui mesurent la contribution de Tel-Aviv à la quantité de sang versé pour la cause devraient se souvenir que cette ville est pleine de mémoires silencieuses, plus que toutes les colonies réunies. De l’avion de combat qui l’a bombardée avant la naissance de l’Etat, au char d’assaut qui l’a visée en 1967, aux missiles qui l’ont atteinte en 1991, à la terrible vague d’attentats suicide qui l’a frappée en 2002 et 2003, la ville a payé un prix élevé dans le sang. Peut-être cette « contribution » interpelle-t-elle au c ?ur ces gens bornés tel Katabi.

Tel-Aviv est l’oasis d’une normalité dans un pays démentiel. Entre l’espresso et le SUV se dressent l’art, la culture, la finance, la science, l’intellect, les médias, l’ouverture d’esprit et une introspection salutaire (bien qu’insuffisante) de l’Etat d’Israël, sans laquelle il n’aurait aucune ossature. Que Dieu protège Israël si, à Lui ne plaise, Israël se transforme en une Yitzhar : violent, isolé, conservateur, religieux et ringard. Que Dieu le protège si la majorité de ses officiers de police pensent comme Katabi. Oui, nous nous asseyons, les jambes croisées, rue Sheinkin, pour siroter un espresso, et certains d’entre nous garent même leur SUV sur le trottoir. Mais au moins, c’est notre trottoir, ce n’est pas un trottoir volé qui appartient à une autre nation.

Du même auteur :

- Un ami d’Israël
- Le film anti guerre "Valse avec Bachir" n’est qu’une mascarade
- La guerre de Gaza s’est terminée sur un échec cuisant pour Israël
- L’armée israélienne n’a aucune pitié pour les enfants des écoles maternelles de Gaza
- Les dirigeants d’Israël paieront pour ce bain de sang

7 juin 2009 - Ha’aretz - traduction : JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.