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Afrique du Nord : le ralliement des régimes arabes « modérés » au plan Bush

vendredi 26 janvier 2007 - 22h:13

Saïd Mestiri

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Parmi les conditions jugées fortement souhaitables à Washington pour assurer le succès du nouveau plan Bush, figure le ralliement, sinon la participation effective des régimes arabes dits modérés à sa réalisation. On peut considérer que c’est désormais un fait acquis.

A la suite du dernier périple de Condolezza Rice au Moyen-Orient, on a vu l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie et les monarchies du Golfe proclamer, tour à tour, leur disposition à aider politiquement, financièrement et même militairement le gouvernement « légitime et démocratique » de l’Irak à assurer la stabilisation et la sécurisation du pays des deux fleuves et à préserver son intégrité territoriale.Dans son discours de présentation du nouveau plan, le 10 janvier 2007 à la Maison-Blanche, le Président Bush, allant à l’encontre de l’opinion américaine et de la majorité au Congrès, n’a pas cru devoir tirer du fiasco irakien les mêmes conclusions que le rapport Baker-Hamilton. L’ouverture d’un dialogue politique avec Téhéran et Damas, recommandée par les deux vétérans de la diplomatie américaine, serait pour lui un signe de faiblesse.

Sa ligne est à la fermeté, voire à la confrontation. En 2001, c’était l’Afghanistan first, en 2003 ce fut l’Irak first et maintenant c’est l’Iran first : renforts navals au Golfe, dotation de missiles et anti-missiles Patriot, impatiences israéliennes et offensive médiatique. A l’adresse des membres du gouvernement irakien de Nouri al Maliki et de la caste politique qui le soutient, la menace est précise : l’affectation du contingent supplémentaire des 21 000 G’Is est leur dernière chance de survie. Condoleeza Rice leur a même fixé à six mois ce dernier sursis,(ce dont d’ailleurs Maliki aurait pris ombrage et exhalé sa mauvaise humeur dans une récente interview au Times).

En direction de ses partenaires arabes « modérés », l’incitation de Bush n’en était pas moins suffisamment claire et impérieuse, il a déclaré : « Nous allons employer toutes les ressources de la diplomatie américaine pour susciter un soutien à l’Irak à travers tout le Moyen-Orient. Des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie, les Etats du Golfe doivent comprendre qu’une défaite américaine en Irak ferait naître un nouveau sanctuaire pour les extrémistes et une menace stratégique pour leur survie ».

En fait point n’était besoin de hausser le ton, ni d’appuyer sur la menace. On vivait plutôt sur l’impression qu’en l’occurrence, il prêchait à des convertis, puisque déjà, dès la publication du Rapport Baker-Hamilton, le 7 décembre 2006, les tenants de ces régimes, spontanément ou après incitation (cf. voyage Dick Cheney en décembre en Arabie Saoudite) s’étaient mobilisés pour le dénoncer. L’un avait parcouru les capitales européennes pour le « démolir », l’accusant d’amplifier le chaos dans une contrée déjà éprouvée, l’autre ameutant la communauté de ses voisins sur la menace d’encerclement Chiite et le troisième enfin attirant l’attention sur le danger encouru par tous ses homologues, en cas de désengagement des troupes américaines de la région.

Et pourtant ce Rapport Baker-Hamilton avait placé le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe à sa vraie place, au coeur des problèmes du Moyen-Orient et l’avait intimement lié à la situation en Irak. (Il avait entre-autre stipulé de revenir aux frontières de 1967, préconisé le retour des réfugiés palestiniens et notamment recommandé la tenue d’une conférence internationale).

Que les Israéliens se soient donc attaqués d’emblée aux principales dispositions du rapport Baker-Hamilton et qu’ils se soient ralliés avec l’empressement que l’on sait au plan Bush, alimentant de surcroît l’escalade anti-iranienne, cela est dans l’ordre logique des choses ; mais cela nous conduit à nous demander à quels mobiles logiques ont obéi les Etats arabes dits modérés (huit selon les dernières informations)pour aller les rejoindre dans la même démarche.

Alors que l’ensemble de la communauté internationale déploie des efforts méritoires pour juguler les risques d’un nouveau conflit, alors que la grande majorité de l’opinion américaine et du Congrès des Etats-Unis s’évertue à limiter les velléités guerrières de leur Président, on assiste au niveau de ces dirigeants arabes « modérés » à une amplification outrancière du danger chiite et à une levée des inquiétudes. Faudra-t-il donc croire avec eux et selon le discours précité, que la survie des régimes qu’ils défendent, ne pourra tenir à l’avenir qu’au prix d’un nouveau conflit dont nul ne pourra prévoir les développements ? On savait jusqu’à présent que cette survie tenait en très grande partie à une politique sécuritaire coercitive et stricte, théoriquement « anti-terroriste ».

La grande astuce était de la modeler savamment et de l’adapter à l’usage, de façon à écarter toute réforme démocratique sérieuse et à éliminer toute opposition. Il faut espérer que les graves dangers que vit actuellement le Moyen-Orient seront à même d’inciter ces dirigeants dits « modérés » à réfléchir sérieusement et à revenir vers leurs peuples et leurs opinions. Ils pourront ainsi découvrir qu’il existe d’autres méthodes pour aborder ces problèmes, qui leur permettront de s’insérer plus efficacement dans les réalités et les valeurs du monde moderne. En chemin, ils rencontraient les dirigeants israéliens qui avaient de leur coté émis les plus grandes réserves sur les recommandations du plan Baker-Hamilton.








Said Mestiri est Professeur honoraire de Chirurgie à la Faculté de Médecine de Tunis (Tunisie) et Chef de service honoraire des Hôpitaux.

Said Mestiri est aussi, notamment, membre associé de l’Académie française de Chirurgie, membre d’honneur étranger de l’Académie royale belge de Médecine et membre étranger de la Société égyptienne de Chirurgie.

Saïd Mestiri - Kalima, Tunisie (Hamburg), via allAfrica.com, le 20 janvier 2007


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