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L’Occident attend le retour de ses amis « démocrates » au pouvoir

mardi 2 juin 2009 - 06h:28

Robert Fisk

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Je suis allé jeter un oeil sur Madeleine Albright l’autre jour. Elle était en tournée à Beyrouth en tant qu’un des leaders l’Institut Démocratique National, une de ces officines de Washington qui contrôlent la liberté d’élections dans les pays à problèmes.

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Rassemblement du Hizbollah, mouvement de la résistance libanaise.

Toutes sortes de bonnes âmes s’activent au Liban pour cela - le vieux Jimmy Carter est attendu avant le scrutin du 7 juin — et le cirque habituel des attaques, incendies de bureaux de vote et destructions de panneaux d’affichage a déjà commencé.

Mais j’ai voulu voir la femme qui en 1996, alors que CBS News lui demandait si le coût d’un demi-million d’enfants irakiens morts valait les sanctions contre Saddam Hussein, a répondu de façon vraiment infâme : « Nous pensons que le prix en vaut la peine. » Elle était alors ambassadrice des Etats-Unis aux Nations Unies. Pour tout dire je l’avais déjà vu précédemment — elle se trouvait étalée sur le divan d’un hôtel à Londres après des discussions prolongées et désespérées avec un certain Bibi Netanyahu — mais elle s’était endormie, aussi je suppose que cette fois-là ne compte pas

Quoi qu’il arrive, correctement habillée de noir, la petite dame s’est précipitée à Beyrouth, paraissant beaucoup plus vieille, avec moins de cheveux que ce dont je me souvenais, mais aussi décidée que d’habitude quand elle a lu la feuille de son cru à côté de Joe Clark, un des ex-premiers ministres insipides et interchangeables du Canada.

Et parmi les problèmes elle a mis en avant — naturellement - on trouvait que « un des participants en lice maintient une force armée importante qui n’est pas sous le contrôle de l’état ». Bien, nous avons tous deviné que le Hizbollah devrait finir à la niche pour cette raison, quoiqu’Albright ait été assez fine pour se rendre compte que d’« autres partis possèdent également des forces armées de diverses tailles et capacités ».

Le hic, naturellement, c’est que si le Hizbollah et les candidats qui lui sont proches — dont ce cinglé de Michel Aoun qui a avec succès provoqué une division parmi les Maronites chrétiens en se posant comme le nouvel meilleur ami de la Syrie et de l’Iran — remportent une majorité des voix, l’Amérique devra alors parler à un gouvernement libanais « dirigé par le Hizbollah ». Ou peut-être refusera-t-il de le faire.

L’attribution des sièges parlementaires au Liban fonctionne selon des lignes confessionnelles — le système de listes a besoin d’un véritable mode d’emploi pour y comprendre quelque chose — mais les Américains espèrent que les « démocrates » qui ont actuellement une majorité — le mouvement Futur de Saad Hariri, le mouvement sacrément ancien du druze Jumblatt et une poignée de Maronites - l’emporteront.

La plus grande probabilité est que le président et ex-militaire, Michel Sleiman, puisse façonner un bloc centriste à partir des résultats des élections de façon à empêcher les hommes de Hizbollah ou de Hariri de prendre le pouvoir. Dans tous les cas le Liban retrouvera le cirque parlementaire qu’il a toujours eu. À Beyrouth, c’est la démocratie parlementaire à la sauce de la troisième république française.

Cela pourrait être le vrai problème. Après la deuxième guerre mondiale, les démocraties européennes se sont rendues compte qu’elles pourraient plus être dirigées par les parlements. De Gaulle — et les Français eux-mêmes — a avalisé ce fait en 1958, alors qu’Adenauer inventait le principe de la « Demokratur » en Allemagne. En vérité, les parlements votent toujours, mais personne n’imagine que l’assemblée française - pas plus que Nicolas Sarkozy — gouverne réellement la France aujourd’hui, pas plus que l’on imagine que les parlementaires britanniques, avec ou sans douves, ne contrôlent la Grande-Bretagne.

Mais revenons en arrière. Quand les Français ont créé le système politique libanais dans les années 20 et les années 30, l’Europe était toujours dans la « stasis » [crise politique, morale et sociale] de l’entre-deux guerres, ses démocraties tellement corrompues qu’elles ont fait le lit de MM. Mussolini et Hitler. C’était la même Europe qui a construit le Liban - c’est pourquoi ce pays terriblement divisé reste verrouillé dans un système parlementaire que l’Europe a depuis il bien longtemps abandonné. Et compte tenu du fait qu’un président tout-puissant ne pourra jamais diriger un état confessionnel, cela ne changera pas.

Mais la question du Hizbollah ne disparaîtra pas plus que le Hamas à Gaza. Barack Obama ne devrait pas être trop inquiet au cas où il accède au pouvoir, car depuis que ses délégués font de fréquents allers-retours vers Damas, ils pourraient être en meilleure position pour influencer les alliés syriens du Hizbollah.

Mais n’en soyons pas trop sûrs. Une des grandes erreurs de l’ère de Bush a été d’exiger la démocratie pour les Palestiniens et d’approuver des élections non-faussées avant de se rendre compte que le Hamas allait l’emporter. Et une fois que les Palestiniens aient produit ce résultat surprenant, ils ont dû être punis pour cela. (C’était, je le rappelle, le journal « Ottawa Citizen » qui avait annoncé que les Palestiniens « devaient être menacés de nouvelles élections ».)

Mais la plupart de mes collègues libanais, alors qu’ils écoutaient Mme Albright, étaient profondément soupçonneux. Si les élections libanaises placent à nouveau les « démocrates » amis au pouvoir, l’Institut Démocratique National et ses autres « renifleurs de scrutin » annonceront que l’élection a été juste et libre. Mais si le Hizbollah et leurs alliés gagnent la majorité, on découvrira soudainement que le scrutin libanais était « profondément faussé ». Et je suppose alors que nous serons tous « menacés par de nouvelles élections ». Le prix à payer, je suis sûr, en vaudra la peine.

Du même auteur :

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- Irak : jusqu’au bout, nos maîtres nous refuseront la vérité - 7 mai 2009
- Comment faire confiance à la trouillarde BBC ? - 30 avril 2009
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- Le monde occidental devrait avoir honte de sa collusion avec des tortionnaires
24 mars 2009

16 mai 2009 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : APR


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