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Grâce aux Etats-Unis, les cheikhs pétroliers deviennent atomiques

mardi 26 mai 2009 - 04h:49

Manlio Dinucci
Il Manifesto

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Mais pourquoi donc un pays comme les Emirats, qui possède des réserves de pétrole et de gaz suffisantes pour plus d’un siècle, veut-il se doter d’une industrie nucléaire ?

A la veille du G8 sur l’énergie, les Etats-Unis ont signé un important accord avec les Emirats Arabes Unis. Non pas pour importer du pétrole, dont les E.A.U. sont le troisième exportateur mondial, mais pour leur fournir une autre énergie. Nucléaire. Avec les technologies et le matériau fissile fournis par les Etats-Unis, les Emirats disposeront de réacteurs nucléaires d’ici dix ans. L’accord, stipulé par l’administration Bush en janvier, a été approuvé le 19 mai par le président Obama, qui garantit qu’« il ne comportera aucun risque irraisonnable, mais sera promoteur d’une défense et d’une sécurité communes ». Il doit maintenant être approuvé par le Congrès. C’est là que quelques voix d’opposition se sont élevées, après la découverte d’une vidéo sur les tortures pratiquées par un cheikh des Emirats (voir il manifesto, 3 mai et..).

A Washington on se dit cependant confiant sur le fait que l’enquête ouverte à Abu Dhabi sera conduite de façon transparente. Et donc certain que l’accord sera ratifié.

Celui-ci portera sur au moins 40 milliards de dollars, dont le plus gros ira aux multinationales - General Electric, Westinghouse, Bechtel et quelques autres - qui construiront les sites nucléaires dans les Emirats. Des accords analogues, stipulés avec l’Arabie saoudite, le Bahreïn, l’Egypte, le Maroc et l’Algérie seront certainement approuvés par l’administration Obama. Mais la concurrence ne manque pas. Le 20 janvier, le Japon aussi a signé avec les Emirats un mémorandum qui prévoit la fourniture de technologies nucléaires. Le 11 mai, la France a annoncé un accord imminent pour la fourniture de technologies nucléaires à l’Arabie Saoudite, semblable à ceux qu’elle a déjà signés avec l’Algérie et la Libye. Le 13 mai est arrivée à Abu Dhabi une délégation du « Groupe de fournisseurs nucléaires », dont font partie les gouvernements de 45 pays parmi lesquels l’Italie (et la France, note de la traductrice à la demande de l’auteur), pour montrer leur catalogue comprenant toute la gamme des technologies nucléaires « à buts pacifiques ». On voit donc s’ouvrir une grande campagne promotionnelle, à laquelle participent aussi la Russie et la Chine, pour relancer l’industrie nucléaire en crise (pour des raisons de coûts et de sécurité), afin de vendre des centrales « clés en main » au Proche-Orient et en Afrique du Nord.

Mais pourquoi donc un pays comme les Emirats, qui possède des réserves de pétrole et de gaz suffisantes pour plus d’un siècle, veut-il se doter d’une industrie nucléaire ? Officiellement, parce qu’il a besoin de produire plus d’électricité. Pour fournir de l’énergie propre à une population qui n’atteint pas 5 millions d’habitants, il suffirait pourtant de développer les implantations solaires, qu’il a commencé à construire. L’objectif de la maison royale est en réalité tout autre : entrer dans le club des pays nucléaires en acquérant la capacité de pouvoir un jour construire des armes nucléaires. Formellement, les E.A.U. et les autres monarchies du Golfe adhèrent au Traité de non-prolifération (Tnp). Personne ne peut savoir, toutefois, quelle sera leur décision dans l’avenir.

De leur côté, le gouvernement Usa et d’autres, alors qu’ils accusent l’Iran (qui adhère au Tnp) d’utiliser le nucléaire civil à des fins militaires, aident Israël (qui n’est pas adhérent au Tnp) à potentialiser son propre arsenal nucléaire : et ce en passant sous silence le fait que, étant le seul au Proche-Orient à posséder des armes nucléaires, Israël pousse les autres dans la même direction. Aujourd’hui, pour garder sous leur influence cette aire stratégique, les Usa aident les monarchies à prendre la voie du nucléaire. La situation sera par conséquence encore plus explosive dans Golfe où les centrales nucléaires provoqueront des dégâts environnementaux et constitueront des cibles d’attaques potentielles. On prépare ainsi, dans le laboratoire de la politique, la nouvelle réaction en chaîne pétrole-nucléaire.

Reçu de l’auteur et traduit par Marie-Ange Patrizio. Cet article sera disponible dans l’édition de dimanche 24 mai 2009 de il manifesto


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