16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

La "solution à 57 Etats" du roi Abdullah

lundi 25 mai 2009 - 04h:48

Rannie Amiri - Palestine Chronicle

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Le plan d’Abdullah n’est pas une incitation pour les Israéliens, il est une insulte pour les Palestiniens.

JPEG - 21.8 ko
La question, c’est la Palestine. Et l’arrogante « solution à 57 Etats »
du roi Abdullah lui rend un très mauvais service.




« Nous ne parlons pas des Israéliens et des Palestiniens assis à la même table, mais des Israéliens assis avec les Palestiniens, des Israéliens assis avec les Syriens, des Israéliens assis avec les Libanais. Et avec les Arabes et le monde musulman qui sont prêts à ouvrir des négociations directes avec les Israéliens en même temps. C’est ce travail qui doit être accompli au cours des deux prochains mois et qui a une solution régionale : et ce n’est pas une solution à deux Etats, mais une solution à 57 Etats.

« C’est un moment très fort où nous offrons un tiers du monde pour les [les Israéliens] rencontrer à bras ouverts. L’avenir n’et pas le fleuve du Jourdain ou le plateau du Golan ou le Sinaï, l’avenir c’est le Maroc sur l’Atlantique jusqu’à l’Indonésie dans le Pacifique. Je crois que c’est cela le prix. » - interview du roi Abdullah de Jordanie au Times de Londres, le 11 mai 2009.


Les analystes habitués à la litanie de « propositions de paix » pour le Moyen-Orient, lancées au fil des années, les ont vues inévitablement tomber sur un obstacle qui a empêché leur mise en ?uvre : Israël a toujours eu un autre « problème » à régler avant de résoudre son différend avec les Palestiniens.

Cette excuse fabriquée circule régulièrement pour les mêmes partis et pays : Hamas, Hezbollah, Syrie, Iraq, Iran, etc. Les uns et les autres constituent invariablement une menace « existentielle » mettant en péril la sécurité d’un pays qui dispose de l’arme nucléaire. En convainquant les Etats-Unis qu’il y avait des questions plus urgentes à traiter, Israël a réussi, pendant des décennies, à retarder, reporter ou suspendre les négociations avec les Palestiniens.

Agir ainsi lui a permis d’étendre ses colonies, de s’approprier plus de territoires, de démolir des maisons arabes et de transférer des populations. Et cela va continuer jusqu’à ce que « la réalité sur le terrain » devienne si irréversible que toute discussion sur l’indépendance des Palestiniens ou l’émergence d’un Etat viable aura perdu tout son sens.

Ces machinations se sont manifestées cette semaine encore lors de la rencontre du Premier ministre israélien Netanyahu avec le président Obama. La première des priorités sur l’agenda de « Bibi » était manifestement l’Iran et pas l’Etat des Palestiniens (des mots qu’il n’osait même pas prononcés). Le message implicite, c’était qu’avant qu’Israël ne vienne à en parler, il fallait d’abord affronter l’Iran. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Daniel Ayalon, a même été plus explicite : «  L’horloge iranienne doit se mesurer en mois, alors qu’un calendrier sur l’Etat palestinien était "extensible à loisir" ».

Obama s’est laissé malheureusement influencé par Netanyahu et il a indiqué que ses bons offices auprès de l’Iran, dès après les élections présidentielles de juin, ne devraient pas se prolonger au-delà de la fin de l’année, où un « travail de bonne foi » pour l’arrêt du programme nucléaire devra avoir été évident. Aucune date limite similaire n’a par contre été imposée à Netanyahu pour qu’il progresse vers une solution à deux Etats.

Alors, que pèse la « solution à 57 Etats » du roi Abdullah dans tout ça ? Il a rencontré Obama dans les semaines précédents la visite de Netanyahu et sans aucun doute, il en discuté avec le Président.

Il nous faut d’abord admettre qu’Abdullah n’était pas en position de parler au nom des 57 pays membres de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) mais du sien simplement, et moins encore de stipuler qu’ils seront tous « prêts » et qu’ils rencontreront Israël « à bras ouverts ». Il était aussi présomptueux et mal pensé de sa part d’évoquer la possibilité de négociations multiples, parallèles, alors qu’il faut se concentrer sur la question première et centrale de l’Etat palestinien.

Abdullah doit savoir que le gouvernement israélien va saisir toutes les occasions pour échapper à des discussions importantes et directes avec les seuls qu’il est nécessaire de rencontrer pour résoudre le conflit israélo-palestinien : les Palestiniens. Les 56 autres, ce n’est que pour brouiller les cartes, détourner l’attention et envoyer au diable la clé de voûte de la paix au Moyen-Orient.

Nous ne devons pas non plus oublier la situation tragique des Palestiniens de Gaza. Soumis à une agression cruelle où on a vu utiliser le phosphore blanc contre les civils, détruire des écoles et entrepôts des Nations unies, viser délibérément des civils qui agitaient des drapeaux blancs, et maintenir un siège de 18 mois qui fait que près de la moitié des enfants de Gaza souffrent de malnutrition, et les Palestiniens continuent de souffrir encore aujourd’hui.

Maintenant, Abdullah dit que l’avenir n’est pas le fleuve du Jourdain ni le plateau du Golan - et donc par extension, ni Gaza, ni la Cisjordanie ni Jérusalem ? - mais « le Maroc sur l’Atlantique jusqu’à l’Indonésie dans le Pacifique. »

Les Gazaouis et autres Palestiniens, avec tout le respect dû aux musulmans entre Maroc et Indonésie, ont leurs propres exigences au regard de leur situation. La Palestine est en train de se faire avaler, petit à petit et morceau par morceau. Le mur de séparation qui serpente autour de Jérusalem et de la Cisjordanie est une forme d’annexion qui complète l’expansion et la construction de colonies. Gaza est en ruines, les matériaux nécessaires à sa reconstruction n’y sont pas autorisés et les difficultés se poursuivent pour les malades et les mourants.

Imaginez-les entendant Abdullah parler à Israël du « prix » du Maroc et de l’Indonésie pendant que leur terres continuent de se réduire.

Le plan d’Abdullah n’est pas une incitation pour les Israéliens, il est une insulte pour les Palestiniens.

Soyons clairs : il y a une piste qui doit être explorée jusqu’au bout avant que d’autres ne soient même envisagées. C’est la question en suspens du Moyen-Orient, qui ne peut se permettre d’être diluée ni marginalisée en la reliant à des accords avec des pays de l’autre bout du monde.

Cette question, c’est la Palestine. Et l’arrogante « solution à 57 Etats » du roi Abdullah lui rend un très mauvais service.



Rannie Amiri est journaliste indépendant pour le Moyen-Orient. Il a écrit cet article pour PalestineChronicle.com. Il peut être contacté à l’adresse : rbamiri@yahoo.com.

Du même auteur :

- Déconstruire le "droit d’exister" d’Israël
- Le silence mortel des Arabes
- Le langage comme instrument du crime

23 mai 2009 - Palestine Chronicle - traduction : JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.