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Les drones arrivent pour une nouvelle guerre contre les civils

dimanche 17 mai 2009 - 05h:07

Ramzy Baroud

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La différence entre Bush et Obama concernant l’Afghanistan, c’est le fait qu’Obama présente des excuses lorsque le nombre de civils massacrés par des frappes aériennes américaines est trop choquant pour être ignoré, écrit Ramzy Baroud.

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Les bombardements par des drones dans les provinces au nord du Pakistan ont soulevé indignation et colère contre les Etats-Unis et leurs alliés.

Le président des Etats-Unis Barack Obama a pris la parole dans une conférence de presse à la Maison Blanche, tout auréolé de confiance en lui-même comme il sied souvent aux nouveaux présidents. Il était encadré de deux dirigeants dont l’apparente grandeur dissimule difficilement leurs pénibles situations sur le terrain : le président afghan Hamid Karzai et le président pakistanais Asif Ali Zardari.

La réunion à la Maison Blanche, le 6 Mai a été mise au point de façon à donner l’impression que la nouvelle administration américaine est à la fois « sérieuse » et « engagée » à résoudre les crisse dont souffrent l’Afghanistan et le Pakistan, qui sont abusivement réduites à une résurgence des Talibans dans le premier, et à un soulèvement inspiré par les Talibans dans le second. Obama a qualifié la réunion « d’extraordinairement productive » et que les trois pays, a-t-il dit, sont unis par un objectif commun : « vaincre Al-Qaïda et ses alliés extrémistes au Pakistan et en Afghanistan ».

Cette présentation biaisée de la réalité ne s’arrêtait pas là. « Je suis heureux que ces deux hommes, les dirigeants élus d’Afghanistan et du Pakistan, réalisent pleinement la gravité de la menace à laquelle nous devons faire face et qu’ils aient réaffirmé leur engagement à y faire front, » a ajouté Obama. Les deux dirigeants ont écouté de façon solennelle de façon à bien refléter le niveau de leur « souci ».

Pendant un court moment, en fait, on pouvait espérer qu’Obama amènerait avec lui plus qu’un nouveau langage, mais plutôt un nouveau cours pour la politique étrangère américaine. Cet espoir se trouve déjà réduit en lambeaux.

« Obama a transmis le bon message la semaine dernière, en accueillant le président afghan Hamid Karzai et le président pakistanais Asif Ali Zardari. La réunion à la Maison Blanche reflète le lien étroit existant entre le Pakistan et la lutte anti-Talibans en Afghanistan. En effet, les repaires des Taliban, d’Al-Qaida, et d’autres extrémistes du côté pakistanais de la frontière sont devenus une grave menace pour le Pakistan lui-même », a estimé à le Boston Globe dans son éditorial. Mais le Boston Globe estime aussi : « Comme les événements récents le donnent à penser, des attaques militaires américaines contre les militants dans les deux pays provoquent inévitablement la colère et l’indignation parmi les populations. »

[...] En fait, si l’on veut délimiter une différence importante entre les administrations Bush et Obama concernant l’Afghanistan, c’est le fait qu’Obama présente des excuses lorsque le nombre de civils innocents tués par des frappes aériennes américaines est trop choquant pour être ignoré. Une autre différence notable est qu’il a envoyé 17 000 soldats supplémentaires dans ce pays déjà dévasté par la guerre, promettant un plus grand bain de sang.

« Je tiens à exprimer mon regret et certainement la sympathie de notre administration pour la perte de vies civiles en Afghanistan », a déclaré la secrétaire d’État Hillary Clinton en présentant des excuses publiques après le massacre de plus de 100 civils dans deux villages afghans le 4 Mai.

Ces excuses, cependant, a été tempérées par l’armée américaine dans les commentaires faits par le sergent Chuck Marsh le 9 Mai : « Les rapports indiquent également que des combattants talibans ont délibérément forcé des villageois à rester dans les maisons à partir desquelles ils ont ensuite attaqué les FSNA [Forces nationales de sécurité afghanes] et les forces de la Coalition », affirme-t-il.

Donc, en quelque sorte, les États-Unis ne sont jamais responsables.

Aujourd’hui la guerre étend ses flammes au Pakistan. Des centaines de milliers de familles pakistanaises ont fui la zone, et la ville principale de Migora a été pratiquement vidée de ses habitants. L’agence Reuters a signalé que « les forces pakistanaises ont attaqué des combattants talibans dans la vallée de Swat, avec de l’artillerie et des hélicoptères, après que les États-Unis aient appelé le gouvernement [pakistanais] à montrer sa détermination à lutter contre les militants ». C’est à se demander qui donne des ordres dans cette guerre absurde ? De plus, Obama peut-il vraiment croire que les Talibans « pakistanais » peuvent être vaincus en utilisant exactement la démarche qui a échoué face aux Taliban d’Afghanistan ?

L’escalade au Pakistan n’est pas vraiment surprenante, les responsables américains et les experts des médias ayant été catégoriques dans leur conseils destinés à la nouvelle administration, disant ce n’est pas l’Afghanistan qui pose la plus grande menace pour les intérêts américains, mais le Pakistan. C’est semblable à l’attitude des néo-conservateurs de l’administration Bush, après leur échec en Irak. Ce n’est pas l’Irak que les Etats-Unis auraient dû attaquer, mais l’Iran, ont-ils inlassablement répété dans l’espoir de provoquer une nouvelle guerre.

Ce que l’on ne nous dit pas vraiment, cependant, c’est que les bombardements américains incessants sur les provinces pauvres et négligées du nord du Pakistan ont valu d’innombrables manifestations de colère contre les Etats-Unis et leurs alliés du gouvernement central. Ces manifestations ont provoqué, dans certaines régions, chaos et désorganisation, lesquels à leur tour ont favorisé l’émergence des « Talibans » pakistanais. L’histoire se répète, mais l’administration américaine est de n’a aucune compréhension du schéma pourtant si évident.

Un écrivain pakistanais, Abd Al-Aziz Ghafar, a écrit pour Al-Jazira sur son site en langue arabe : « Depuis l’attaque américaine sur l’Afghanistan, la province [du Baloutchistan], a été accusée de soutenir le terrorisme et d’abriter les dirigeants des Talibans et d’Al-Qaïda. Depuis lors, des avions des États-Unis, notamment des drones, ont frappé ce qu’ils appellent « des cibles de choix », entraînant la mort de plus de 15 000 personnes. » Aziz a décrit la population de cette région « comme des orphelins sans abri et sans protection ». Bien évidemment, les chefs tribaux et les militants ont comblé le vide.

S’il y a une similitude remarquable entre l’Afghanistan et le Pakistan, c’est le fait que les États-Unis utilisent la même logique erronée en répondant à des conflits complexes avec des balles, que ce soit les siennes ou celles de ses alliés. Si la nouvelle administration est réellement intéressée à inverser la courbe des malheurs dans cette région, il lui faut comprendre le caractère unique de chaque pays et apprécier les dommages incalculables infligés aux civils par les Etats-Unis et par d’autres forces armées. Seuls le dialogue et le respect total de la souveraineté de l’Afghanistan et du Pakistan pourront permettre de stabiliser une situation déjà si grave.

Il y a environ un million de Pakistanais qui sont déjà en fuite dans le nord et l’est du pays. Ils sont menacés par les combats, la faim et toutes sortes de dangers, dont les drones américains tournant au-dessus d’eux.

* Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est « The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » (Pluto Press, London).

Site Internet :

www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Clinton et Obama : un très mauvais départ - 3 mai 2009
- Non-violence en Palestine : les intentions et le moment - 22 avril 2008
- Crimes de guerre à Gaza : Israël est-il capable de la moindre repentance ? - 18 avril 2009
- Netanyahou et « l’avenir du processus de paix » - 30 mars 2009
- Intifada : un troisième chapitre ? - 28 mars 2009

14 mai 2009 - Communiqué par l’auteur
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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