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L’Egypte et le Hezbollah : des gesticulations sans grand lendemain ?

jeudi 23 avril 2009 - 05h:56

Barah Mikaïl - Confluences

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Depuis quelques jours, le torchon brûle entre le président égyptien, Hosni Moubarak, et le Hezbollah libanais. Officiellement, tout serait parti de l’annonce par le procureur de l’Etat égyptien du démantèlement d’une cellule du mouvement en activité dans le pays. Annonce qui ferait elle-même suite à un ensemble d’arrestations intervenues sur le territoire égyptien à partir de décembre 2008 déjà.

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Hassan Nasrallah, secrétaire général du mouvement Hizballah [Résistance libanaise] est probablement et de très loin l’homme politique le plus populaire dans tout le Proche-Orient...

Depuis, bien des arrestations sont intervenues à l’encontre de personnes, hommes comme femmes, de nationalités diverses (Egyptiens, Iraniens, Libanais, Palestiniens, Soudanais) soupçonnées d’appartenance au parti libanais. Le tout sur fond de découverte par les autorités d’armes et explosifs divers. Mais dans les faits, il faut bien convenir de ce que ce ne sont là que tentatives de justification de la part du pouvoir, qui dissimulent mal cette envie pressante qu’a Le Caire de court-circuiter le Hezbollah, ses alliés, et leur réintégration politique annoncée.

Evidemment, les explications égyptiennes officielles sont loin de répondre à un mensonge plein et entier. Le Hezbollah dispose effectivement de relais dans la péninsule du Sinaï, chose que son Secrétaire général a lui-même reconnu lors d’un discours en date du 10 avril. Ces mêmes éléments répondent d’ailleurs à une activité réelle, fait tout aussi bien assumé par le mouvement libanais. Mais pour ce qui relève de la suite de l’histoire, il paraît difficile de suivre le raisonnement du pouvoir égyptien.

Le souci du président Hosni Moubarak de ne pas se laisser déborder, ni même parasiter par l’action de formations extra-étatiques et/ou étrangères, est en effet tout ce qu’il y a de plus légitime. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’attachement affiché du pouvoir à des motifs d’ordre légaliste et souverain soit le prisme de lecture idoine pour la situation présente. Plus que tout en effet, c’est, une fois encore, la phobie anti-iranienne du président égyptien qui semble motiver ces violentes sorties d’une grande partie des classes politique et médiatique égyptiennes à l’encontre du Hezbollah.

Il y a quatre ans déjà, l’Egypte n’avait pas hésité à joindre sa voix à celles de l’Arabie Saoudite et de la Jordanie afin de faire valoir ses craintes devant la constitution - hypothétique - d’un « croissant chiite » régional au départ de l’Irak, et qui aurait l’Iran pour chef de file. Qui plus est, depuis, on ne compte plus le nombre de déclarations proférées par Le Caire afin de dénoncer ce qui était présenté comme une vague significative de conversions au chiisme de la part de certains citoyens égyptiens. Le tout, sans oublier que l’Egypte n’aurait pas vu d’un mauvais ?il une défaite du Hezbollah face à Israël lors de la guerre israélo-libanaise de l’été 2006, ni même un affaissement du Hamas suite à l’offensive israélienne à l’encontre de la bande de Gaza, en décembre et janvier derniers.

De son point de vue en effet, ces deux formations, ainsi que la Syrie, sont pleinement soumises aux desiderata de l’Iran. Il conviendrait, dès lors, de mettre fin à leurs capacités d’action dans la région. C’est d’ailleurs cette même situation qui explique probablement, en partie à tout le moins, pourquoi le président Hosni Moubarak n’a pas daigné participer au 21ème sommet de la Ligue arabe à Doha, en mars dernier.

Faut-il pour autant s’attendre dans les prochains temps à une rude escalade des tensions dans les relations entre l’Egypte et le Hezbollah, voire entre Le Caire et Téhéran ? Il serait erroné d’être aussi catégorique. Manifestement, le président Moubarak cherche plutôt à changer au possible une partie du destin régional. Il a abondé en effet ces dernières années dans le sens d’un pro-américanisme, doublé d’une attitude conciliante vis-à-vis de l’Etat hébreu, qui l’ont mis en porte-à-faux avec les opinions publiques arabes de la région. Mais il semble craindre maintenant de devoir épouser, par la force des choses, un revers d’attitude qu’il n’est pas pour autant prêt à assumer.

Les annonces américaines de rapprochement avec la Syrie et l’Iran, combinées au développement par certaines chancelleries européennes d’une rhétorique plus compréhensive et plus réaliste vis-à-vis du Hamas et du Hezbollah, ne sont en effet pas une bonne nouvelle pour une Egypte qui a fait de son fort penchant pro-américain une constante politique lourde, même sous la présidence d’un George W. Bush. En s’en prenant de la sorte au Hezbollah, on croit ainsi comprendre que le président H. Moubarak cherche, entre autres messages, à faire comprendre au président Barack Obama qu’il aurait tort de porter crédit aux Iraniens, soutiens avérés du parti libanais, et de chercher à composer favorablement avec eux. Gageons cependant qu’il a toutes les chances de ne pas être sérieusement écouté.

Washington a en effet des impératifs qui sont loin de pouvoir s’encombrer des caprices et accès de colère du président égyptien. Et l’Egypte, quant à elle, a bien trop besoin des subsides et de la manne financière américaines pour aller jusqu’à s’inscrire frontalement en faux contre les Etats-Unis.

Autant dire que le président égyptien serait mieux inspiré de se préparer sérieusement à une nouvelle configuration annoncée pour les relations politiques régionales. Car, aussi poussées soient ses agitations, et aussi populaire puisse être sa position actuelle chez certains leaders de la région, elles ne pousseront pas pour autant l’opinion publique du pays à acquiescer à une composition franche et affichée de sa part avec le nouveau gouvernement israélien. Et surtout, elles n’annuleront pas la réalité d’un sondage réalisé en août 2006 par le centre égyptien Ibn Khaldoun, et resté depuis dans les esprits.

A l’époque, il s’avérait que Hassan Nasrallah, Secrétaire général du Hezbollah, était l’homme politique le plus populaire chez les Egyptiens. Suivaient, le leader du Hamas Khaled Meshaal, puis le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Trois mois après la lourde offensive israélienne à l’encontre de la bande de Gaza, et au lendemain d’une attitude égyptienne vis-à-vis de ce conflit que toutes les opinions publiques de la région ont dénoncé, il serait donc douteux de croire que les gesticulations gouvernementales égyptiennes pourraient avoir un impact significatif. Ni sur les citoyens égyptiens. Ni sur les Etats-Unis.

17 avril 2009 - Confluences Méditerranée - Vous pouvez consulter cet article à :
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