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Obama va-t-il faire profil bas à propos du génocide des Arméniens ?

jeudi 9 avril 2009 - 15h:22

Robert Fisk - The Independent

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Tout est possible à propos des promesses de campagne électorale. Barack Obama n’avait-il pas fait la promesse de faire un discours « depuis une capitale musulmane » durant ses 100 premiers jours ?

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Arméniens massacrés dans la ville d’Adana

Cela devait se faire dans un pays sûr et modéré, naturellement, mais cela pouvait-il mieux se faire que dans la Turquie laïque-islamiste de Mustafa Kemal Ataturk, dont les dirigeants parlent à la Syrie aussi bien qu’à Israël, à l’Iran aussi bien qu’à l’Irak ? Mais quand la tournée d’Obama s’est acheminée au coeur du vieil empire Ottoman la nuit dernière, lui et tous ses « panjandrums » [conseillers plutôt influents et collants - N.d.T] priaient qu’il n’emploie pas le mot de « G ».

Le mot de « G » ? Bien, s’il ne lui saute pas à la figure en Turquie aujourd’hui, M. Obama va devoir traverser un champ de mines bien pire le 24 avril au moment où il devra honorer une autre promesse de campagne : qualifier de « génocide » le massacre en 1915 de 1 500 000 de chrétiens arméniens par la Turquie ottomane. Les présidents Clinton et Bush junior avaient pris le même engagement en échange pour gagner les voix arméniennes, puis, après leur investiture, ils ont manqué à leur promesse solennelle suite aux menaces des généraux turcs de couper l’accès à leurs bases aériennes et d’interrompre les principaux accords commerciaux entre les Etats-Unis et la Turquie.

Il ne s’agit pas d’une querelle académique dans laquelle M. Obama doit s’impliquer mais d’une dangereuse confrontation avec la vérité historique, un marécage explosif fait d’os et de vieilles photographies — avec quelques survivants encore en vie aujourd’hui — car il devra avancer avec dignité ou procéder à une honteuse retraite ; et le Moyen-Orient dans son intégralité en guettera les résultats.

Pour les Palestiniens — dont la plupart sont, par une ironie de l’Histoire, des musulmans sunnites de même religion que les turcs ottomans meurtriers — cette question est cruciale. En effet, si M. Obama ne peut pas prendre le risque d’offenser les alliés turcs de l’Amérique à propos d’une persécution vieille de 94 ans, quelle chance y a-t-il qu’il se risque à offenser Israël, un allié bien plus puissant, en condamnant l’occupation israélienne de la terre palestinienne, les illégales colonies juives qui ne cessent d’augmenter en Cisjordanie et la destruction permanente des maisons palestiniennes par Israël, lequel empêche la création d’un état palestinien ?

Commençant le 24 avril 1915, l’armée d’Enver Pasha et les milices turques ont décimé presque toute la communauté arménienne, massacrant des centaines de milliers d’hommes et envoyant de longues colonnes mortelles de femmes et d’enfants dans les déserts d’Anatolie et dans ce qui est maintenant le nord de la Syrie. Les historiens experts de la question, y compris les spécialistes universitaires en Israël, insistent sur le fait que les tirs à grande échelle, les égorgements organisés, les viols en masse et les enlèvements — l’utilisation même de primitives chambres de suffocation — constituent un génocide organisé de façon systématique.

Et il est important de noter exactement ce que M. Obama a déclaré sur son site Web de campagne en janvier 2008. « Le génocide arménien n’est pas une allégation, une opinion personnelle, ou un point de vue, mais plutôt un fait largement documenté soutenu par une évidence historique incontournable. L’Amérique mérite un dirigeant qui s’exprime avec sincérité au sujet du génocide arménien et réponde avec force à tous les génocides. J’ai l’intention d’être ce président. » Une aussi belle formule devrait bloquer toute tentative d’échapper à cette promesse. Ou ainsi somme-nous incités à penser.

Mais déjà les souples chaussures de l’administration ont tenté de prendre quelques distances par rapport à l’engagement. « En ce moment, » a indiqué Mike Hammer, un porte-parole du Conseil de Sécurité Nationale de la Maison Blanche, le mois dernier, « notre première préoccupation est la façon dont les Etats-Unis peuvent aider la Turquie et l’Arménie à travailler ensemble pour en finir avec le passé ». Que M. Obama autorise une telle déclaration, avec les formules alambiquées habituelles comme « avancer » et « en finir avec le passé », en dit des tonnes.

Ni les Palestiniens ni les Arabes en général ne comparent - ou n’essaient de comparer - le massacre de 1915 avec le traitement qu’Israël fait subir aux Palestiniens, mais il y a quelques similitudes historiques qui les inquiètent à juste titre. Les Turcs prétendent qu’ils ont commencé à massacrer les Arméniens dans la ville de Van parce que des insurgés arméniens, soutenus par la superpuissance régionale, dans ce cas la Russie tsariste, avaient attaqué les Turcs d’Anatolie orientale. Et Israël prétend avoir bombardé Gaza en décembre et janvier derniers parce que des « terroristes » palestiniens soutenus par la superpuissance régionale — l’Iran — envoyaient des fusées en direction des Israéliens.

Les parallèles politiques ne sont pas corrects, bien évidemment, mais Israël peut en tout cas difficilement les contester puisqu’il refuse officiellement de reconnaître le génocide arménien.

Mais pour M. Obama, il y a des sujets plus pressants. Les Etats-Unis et les dirigeants turcs discutent déjà comment Ankara peut contribuer à un retrait militaire américain d’Irak, et M. Obama veut désespérément que la Turquie l’aide à ouvrir le monde musulman à son gouvernement afin d’atténuer les graves blessures que l’administration Bush a infligées.

Du même auteur :

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- Le monde occidental devrait avoir honte de sa collusion avec des tortionnaires - 24 mars 2009
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6 avril 2009 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : Claude Zurbach


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