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Les mécanismes du refus

samedi 17 juin 2006 - 18h:07

llan Pappe

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Ilan Pappe

Après que l’armée israélienne ait commis le massacre de Jénine en avril 2002, le producteur ? un autre ?, a voulu faire un show musical pour redonner un peu de réconfort aux troupes...

Alors ils ont monté une scène dans la zone complètement détruite de Jénine. Vous savez que tout était détruit et réduit en cendre, les gens y ont été tués, souvent ensevelis sous les décombres.

Ils y ont monté un show musical. J’ai interrogé le producteur : « Vous n’aviez pas de problème d’avoir une scène au milieu de ce désastre ? », il a dit « Non, tout s’est bien passé ».


Entretien animé par Justin Podur

Podur : Dans votre livre, /Histoire de la Palestine moderne/ (Cambridge, 2004), vous utilisez ce que vous nommez une approche “humaniste”. Vous opposez cette version humaniste à la version « nationaliste » qui existe de l’histoire de la Palestine moderne. Quelle est la différence entre les deux et pourquoi cela pose-t-il problème ?

Pappe : L’histoire officielle d’Israel et de la Palestine ont été toutes deux vus sous l’angle sioniste ou sous l’angle du nationalisme palestinien. Ce sont des points de vue qui viennent du haut : des généraux, des hommes politiques, des élites. Cette histoire n’a rien à voir avec la majorité des peuples qui n’ont rien avoir avec ses jeux politiques et militaires. Lorsque vous essayez d’écrire l’histoire du point de vue de la majorité du peuple, ceux qui sont exclus, vous voyez ce jeu politique sous un autre jour. Vous voyez combien les élites politiques peuvent être manipulatrices. Vous voyez que le conflit n’est pas le résultat naturel d’une collision entre les peuples mais le résultat délibéré d’une stratégie politique. Si vous pouvez comprendre le passé, comme j’essaie de le faire, si vous pouvez le regarder honnêtement, alors nous arriverons à construire les bases solides pour construire un futur.

Podur : Vous dites que vous avez choisis une approche humaniste, mais vous avez aussi admis que pour finir vous avez racontés une histoire proche de la version palestinienne des évènements.

Pappe : En tant qu’humaniste ma sympathie va aux victimes. Si j’avais écrit sur les Juifs en Europe, ou sur les Africains Américains sous l’esclavage ou Jim Crow, j’aurais été accusé d’être pro juifs ou pro africain. Depuis que j’écris sur l’histoire de la Palestine moderne, je suis accusé d’être pro Palestiniens. Ce qui me surprend c’est que les gens qui se proclament humanistes n’arrivent pas aux mêmes conclusions que moi, ce sont des gens qui concluent que les Palestiniens n’ont jamais été victimes de la colonisation et de l’expulsion, ce sont des gens qui se disent humanistes mais qui n’ont aucune sympathies pour les Palestiniens.

Podur : Vous avez expliqué comment cela peut être possible la nuit dernière dans votre intervention. Vous avez parlés de ce que vous appelez « les mécanismes du refus ». Pouvez expliquer ce concept ?

Pappe : Le cas palestinien est paradoxal. Les gens qui vivent la peuvent voir le résultat de 56 ans de politique ethnique, de discriminations, d’apartheid. Et maintenant, 56 ans après, grâce aux médias, aux intellectuels, et la bonne conscience du public, Israël est « la seule démocratie du Proche Orient ». Rien dans la réalité des faits de semblent gêner les journalistes, les intellectuels et le public israéliens. La raison est que notre société est protégée par ces mécanismes de refus. Même les Israéliens qui se considèrent comme faisant partie du camps de la paix vivent dans le refus.

Un de ses refus est physique et à avoir avec le nom des endroits. Lorsqu’en 1948 des milliers de Palestiniens furent expulsés, le nom des villes a été changé. Les villes furent physiquement détruites et réduites en cendres et remplacées par des arbres européens. L’idée était de détruire le passé, de faire comme s’il n’avait jamais existé et simultanément de transformer un village ou une ville arabe méditerranéenne en une forêt européenne.

Les archéologues israéliens ont été consultés pour trouver des noms venant de la Bible et qui correspondraient à chaque site. Mais les noms furent choisis parfois plus délibérément que cela. Pae exemple le village de Lubia devient le village israélien de Levi. Les noms sont similaires et ils ont été choisis dans ce but. Les enfants qui grandiront dans ces villages penserons uniquement à Levi, et non à Lubia.

C’est le Fond National Juif qui a planté les pins européens en Israel, afin d’effacer la mémoire de l’endroit et de l’européaniser. J’ai été désorienté de voir à Toronto que le Fond National Juif demande de l’aide en se présentant comme une organisation écologique. Ce n’est pas le cas, c’est une agence coloniale et de séparation ethnique. Les mécanismes du refus ne concerne pas seulement 1948, il y a des Palestiniens qui vivent sous occupation militaire depuis 1967.

Podur : Mais même lorsque ces faits sont rappelés, ils ont très peu d’impacts.

Pappe : Il y des exemples incroyables. En voici un. Il y a une émission de télévision en Israël qui se nomme « Taverna ». C’est de la musique israélienne, ce qui veut dire que c’est de la musique grecque avec des mots en hébreu. Après que l’armée israélienne ai commis le massacre de Jénine en avril 2002, le producteur ? Un autre ?, a voulu faire un show musical pour redonner un peu de réconfort aux troupes dans ses temps difficiles. Alors les producteurs de l’émission ont monté une scène dans la zone complètement détruite de Jénine.

Si vous avez été à Jénine ou si vous avez vu des films à ce sujet, vous savez qu’il y avait un trou au milieu du camp, tout était détruit et réduit en cendre, les gens ont été tués, souvent ensevelis sous les décombres. Ils ont monté une scène au milieu de ce désastre et ont organisés leur show musical. J’ai interrogé le producteur à ce sujet « vous n’aviez pas de problème d’avoir une scène au milieu de ce désastre ? », il a dit « non, tout c’est bien passé ». Comme si ma question concernait les aspects techniques du show plutôt que les aspects macabres et moraux.

Un deuxième exemple : les réactions que peuvent susciter certains films de journalistes Israéliens. Un membre d’une équipe de journalistes avait entendu parler que des soldats Israéliens du passage d’Eretz jouaient au jeu de la roulette avec la vie des Palestiniens. C’était au temps ou un petit nombre de Palestiniens étaient autorisé à entrer en Israël par le passage d’Eretz pour aller travailler. La porte d’Eretz est électrifiée emboîtée avec des “dents” qui scelle la porte complètement lorsque la barrière est baissée.

Les soldats jouaient à voir s’ils pouvaient attraper un travailleur palestinien dans la porte. Un travailleur a finit par en mourir. L’équipe du filme à enquêtée et à filmée le jeu qui se jouait en secret bien évidemment. Lorsque le film fut diffusé, le studio a reçu quantité de lettres de protestations arguant que l’équipe n’aurait pas du filmer cela, que cela aidait l’ennemi at sapait le moral des soldats qui ont besoin de soutient. C’est une autre manière de refuser, refuser de voir la barbarie de notre société. Cela ressemble à la réaction de l’opinion américaine après les révélations sur la prison d’Abu Ghraib.

Podur : Vous utilisez ces exemples de refus pour expliquer qu’il n’y pas de bases morales, pas de bases pour le dialogue à cause du refus qui est si fort en Israel. Vous dites qu’un boycott et des sanctions envers Israel sont nécessaires. C’est quelque chose que beaucoup, même parmi ceux qui sont d’accord avec vos analyses, n’acceptent pas. Pouvez-vous vous expliquer un peu plus longuement ?

Pappe : Comme en Afrique du Sud sous le régime d’apartheid, le refus et l’endoctrinement sont si puissant qu’il n’est pas raisonnable de croire qu’un mouvement venant de la société elle même (en Afrique du Sud la société blanche, en Israel la société juive) pourra cesser ce mécanisme de refus. Je crois que ce qu’Israël fait aux Palestiniens détruira le peuple juif dans un futur proche ou pas si éloigné que cela. Malgré 250 armes nucléaires et le soutient de la seule superpuissance mondiale.

Pour le salut des Arabes et des Juifs, le monde doit absolument jouer un rôle pour mettre fin à l’apartheid. Et le seul moyen d’arrêter la violence ce sont les pressions. Envoyer un message disant qu’il y a un prix à payer pour pratiquer l’apartheid. C’est important parce que l’image donnée est importante dans la culture israélienne. C’est vrai que les sanctions sont problématiques : ce serons les plus pauvres qui en souffrirons pendant que les nantis et ceux qui ont le pouvoir échapperons à leur effet.

Mais n’importe quel message disant que les Israéliens ne font pas partis du monde civilisé, qu’Israel est un paria à cause de son comportement peut être utile parce qu’il dira à Israel que pratiquer le racisme et l’apartheid a un prix. C’est vrai que cela peut paraître insuffisant, jusqu’à ce que ce soit mis en place. Mais ce sera toujours mieux que les attentats suicides. Je peut dire après 35 ans que nous avons tout tenté et que nous avons échoués, et dans bien des cas “le camps de la paix” a été le pire : il croyait dans ses “dialogues” qu’ils étaient tellement généreux parce qu’ils offraient aux Palestiniens 20% de leur terre natale.

Podur : Que répondez vous aux arguments, émanant souvent de partisans des droits des Palestiniens, qui présentent le boycott comme un risque d’unification des Israéliens et de l’opinion juive derrière les forces réactionnaires qui pourrons alors arguer que les Palestiniens et leurs amis souhaitent la destruction de l’Etat d’Israel et mener tout les juifs à la mer ? L’argument est de dire que, comme celui du droit au retour, le boycott est pour l’instant contre productif, un cadeau aux réactionnaires.

Pappe : Demander des sanctions ou un boycott est dur, particulièrement pour moi car je demande aux gens de me boycotter. Je répondrais de cette façon : il ne me semble pas que l’unité des réactionnaires dépendent de ce que nous sommes en train de faire, ils sont assez unifiés et j’ai du mal à imaginer qu’un changement de tactique de notre part pourrait encore plus les unifier. Les gens qui pensent qu’il y a une meilleure voie n’ont qu’à aller de l’avant et travailler dans ce sens. Qu’ils nous le prouve. Je ne suis pas contre “deux états” ou le “dialogue”. Je pense juste qu’ils ont échoués et que plus d’échec seraient dangereux. Nous courrons après le temps et chaque jour qui passe accentue le partage ethnique, les expulsions et les destructions.

Podur : Vous présentez aussi le coût de ces mécanismes de refus pour les Juifs.

Pappe : Ici se joue la tragique histoire d’une communauté juive qui vit au milieu du monde arabe dans une sécurité et une prospérité relative. Ce qui unifie les juifs vivants en Israël c’est cette société d’apartheid qui proclame “pas d’arabes”. Les Arabes Juifs doivent cacher leur accent et doivent accepter de s’entendre dire que la culture arabe qui est la leur est inférieure aux autres cultures. Ce n’est pas bon pour l’humanité d’avoir à détester et à avoir peur de sa propre culture. Ils doivent toujours prouver qu’ils ne sont pas encore secrètement des Arabes.

Podur : Il y a environs deux ans un article était publié dans Ha’aretz dans lequel deux sionistes arrivaient à la conclusion que la solution de deux états n’étaient pas possible. Jeff Halper est arrivé à la même conclusion. Etes vous arrivés à la meme conclusion ?

Pappe : Mon groupe de travail argue qu’un état séculier et démocratique est la solution. Je suis historien de la Palestine, et depuis les années 1980 je me considère comme anti sionistes. Je vois le monde comme un universitaire, comme un humaniste, non comme un nationaliste. J’ai fait parti du Parti Communiste et cela a marqué ma manière de penser. J’ai passé quatre ans en Grande Bretagne. Beaucoup de mes amis proches sont Palestiniens et ils m’ont aidés à voir le monde différemment. Je parle et j’écris l’arabe. Je pense que la seule voie pour dépasser l’endoctrinement est de se faire rencontrer les gens afin de faire
tomber les stéréotypes.

Podur : Votre position n’est pas celle de la majorité en Israël. Combien êtes vous ?

Pappe : Nous sommes certes une minorité mais nous grandissons. La première conférence israélienne sur le droit au retour des Palestiniens a eu lieu l’année dernière en mars 2004. 300 Israéliens y ont assistés. Pour faire ça, ils devaient savoir que venir à cette conférence cela voulait dire implicitement qu’ils apportaient leur soutient au principe du droit au retour.

* Ilan Pappe est professeur d’histoire à l’université d’Haifa en Israël. C’est un activiste pour les droites des Palestiniens. Il était à Toronto en février pour donner une conférence au cour de “la semaine de l’apartheid israélien » à l’université de Toronto. Il a été interviewé par téléphone le 5 février 2005.

http://www.zmag.org/content/showart...


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