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Une tournée ridicule de plus au Proche-Orient par un Secrétaire d’Etat américain

lundi 16 mars 2009 - 07h:58

James G. Abourezk - Counterpunch

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C’était presque irréel de voir la Secrétaire d’Etat Clinton rendre sa première visite à Israël, une visite qui sera probablement la première parmi de nombreux voyages prétendant encourager les pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens.

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Est-ce cette potiche d’Abbas qui serait la raison de l’hilarité d’Hillary ? - Photo : AP

J’ai déjà fait ce rêve plusieurs fois : il suffit de se contenter de remplir la liste des divers Secrétaires d’Etats américains, de dire qu’ils ont rencontré les dirigeants israéliens et Mahmoud Abbas (qui est à peu près aussi populaire auprès des Palestiniens que ne l’est Rush Limbaugh [animateur de radio pro-républicain] auprès des Démocrates) et qu’aucun progrès n’a été fait.

A part dire qu’Abbas dirige le seul gouvernement légitime de la Palestine, Mme Clinton a bien dit que la construction de nouvelles colonies n’apportait « rien d’utile » ou, peut-être, que c’était la démolition de plusieurs immeubles d’habitation palestiniens à Jérusalem qui n’apportait rien d’utile. Il est difficile de se rappeler qui n’a été d’aucune aide. Elle a opportunément oublié que le mandat d’Abbas en tant que président de l’Autorité Palestinienne avait expiré et elle a également oublié que le Hamas avait remporté haut la main les élections législatives. Ce n’est pas que le parlement [palestinien] se soit réuni régulièrement, essentiellement parce que Israël a arrêté la plupart des députés du Hamas, tous encore derrière les barreaux ; c’était cette sorte d’élection dans laquelle les Etats-Unis ne croyaient pas. Elle était légale et montrait les préférences du public palestinien, une chose que les Etats-Unis avaient choisi d’ignorer.

Mme Clinton a bien envoyé deux diplomates pour parler aux Syriens, ce qui est aussi prometteur qu’intéressant. La Syrie a été sur la liste des vrais méchants depuis que George W. Bush a décidé d’agir conformément à l’aversion d’Israël vis-à-vis de la Syrie et de rappeler l’ambassadrice étasunienne, Margaret Scobey. C’était le soutien de la Syrie aux « terroristes » désignés par les Etats-Unis et Israël qui a provoqué cette rupture diplomatique.

Il y a quelques années, j’ai déjeuné avec Mme Scobey à Damas, laquelle m’a dit que le problème que « nous » avions avec la Syrie était que ce pays n’empêchait pas les insurgés de traverser sa frontière vers l’Irak pour combattre l’armée américaine. « Pourquoi ne postez-vous pas tout simplement des soldats sur la frontière pour les en empêcher ? » Je lui ai demandé : « Pourquoi reprochez-vous à la Syrie de ne pas faire la police sur cette longue frontière ? »

« Eh bien ! Nous n’avons pas assez de soldats pour faire ce travail », fut sa réponse honnête.

En dénonçant publiquement la Syrie, George W. a non seulement accompli son objectif consistant à contenter Israël, mais il a également descendu en flammes un allié de valeur dans sa « guerre contre le terrorisme ».

Il y a quelques années, au début du premier mandat de Bush, je me trouvais dans une réunion avec le président syrien, Bashir al-Assad. Il a mentionné qu’il avait donné aux Etats-Unis une information qu’il avait découverte au sujet d’une attaque programmée par al-Qaïda contre les intérêts des Etats-Unis au Moyen-Orient. En nous alertant suffisamment tôt, il a permis à nos hommes de contrecarrer les plans des terroristes pour nous faire du mal. (J’ai supposé que cette attaque était planifiée contre la base navale US à Bahreïn, mais on ne m’a jamais dit exactement où elle était prévue). Peu de temps après, j’ai vu l’ambassadeur américain, Ted Kattouf, et je lui ai demandé si c’était vrai. Sa réponse fut que non seulement c’était vrai, mais que le personnel des services de renseignements syriens avaient découvert et empêché plus d’une attaque planifiée contre les Américains au Moyen-Orient.

Ce que le Président al-Assad, visiblement irrité, m’a dit ce jour-là était que si George Bush continuait de traiter la Syrie de pays « terroriste », il ne nous préviendrait plus jamais des attaques en préparation.

Des sources au sein de la presse nous disent à présent que la Syrie caresse l’idée de développer des armes nucléaires. Si cela est vrai, ce n’est pas une bonne nouvelle. Mais là encore, nous sommes nous-mêmes notre pire ennemi en ce qui concerne la prolifération nucléaire. Tandis que nos politiciens dénoncent les ambitions nucléaires de l’Iran, absolument rien n’est dit sur la possession par Israël d’environ 200 têtes nucléaires. La raison pour laquelle l’arsenal nucléaire d’Israël devrait être discuté ouvertement est qu’il est la cause - et ce n’est pas surprenant - de la volonté de ses voisins de développer leurs propres armes atomiques. L’autodéfense est une motivation puissante.

Lorsque nous nous penchons en arrière sur l’histoire, en dehors de l’Irak de Saddam Hussein, Israël est le seul pays dans cette région qui ait attaqué ses voisins. L’Iran n’a attaqué personne au cours des deux ou trois cents dernières années. Pas plus que la Syrie. Même la mésaventure de la Syrie au Liban fut la conséquence d’y avoir été invitée pour aider à régler la Guerre Civile dans les années 70, mais ce n’était pas une véritable invasion, pas comme celles dans lesquelles Israël s’est spécialisé. Le péché de la Syrie fut de prolonger maladroitement son séjour au Liban.

Ce qui n’est pas très connu (et on se demande bien pourquoi !) est que la Syrie et l’Iran ont tous deux proposé un « Moyen-Orient sans armes nucléaires » - des propositions qui ont été immédiatement raillées par Israël et par les Etats-Unis.

Ce double langage s’applique également aux milices arabes - le Hezbollah et le Hamas - qui s’arment pour se défendre contre les attaques israéliennes perpétrées contre eux et leur liberté. Dire que le Hamas et le Hezbollah sont des groupes terroristes n’est, ainsi que le dirait Mme Clinton dans un autre contexte, « d’aucune aide ». Ils sont, selon toutes les définitions, à l’exception des définitions offertes par les Etats-Unis et Israël, des « groupes de libération ». Ils essayent de libérer leurs terres des occupants étrangers - à savoir, Israël -, une action que les Etats-Unis applaudissent normalement. Mais Israël a demandé à notre gouvernement de les identifier comme groupes terroristes, ce que notre gouvernement a fait volontiers. Rendre ce service à Israël ressemblait beaucoup au service rendu par l’invasion de Bush en Irak, qui fut grandement encouragée par la peur d’Israël de la politique irakienne menée contre eux. Bien sûr, l’influence des néocons dans l’administration Bush a beaucoup facilité la décision d’entrer en guerre.

Ce double langage est tellement flagrant qu’il serait embarrassant si le public américain en prenait jamais conscience. Le Président Obama a maintenant déclaré officiellement qu’il soutenait un don d’armes à Israël, de plusieurs milliards de dollars, pour les dix prochaines années. Israël et les Etats-Unis [NdT : ainsi que la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, etc.] décrient - de la voix la plus forte - les armes qui sont introduites à Gaza, afin que les gens de là-bas puissent se défendre. La même chose est vraie pour le Hezbollah. On fait grand cas de la « contrebande » d’armes vers le Hezbollah, lequel, à l’instar du Hamas, fait tout ce qu’il peut pour défendre son peuple de la puissance militaire israélienne. Mais les politiciens et les journalistes américains lisent consciencieusement les arguments israéliens lorsque le moment arrive d’expliquer leurs sentiments. Les armes rudimentaires du Hamas sont difficilement à la hauteur des avions de combat, des chars modernes, des drones, des bombes à fragmentation, des obus au phosphore et autres bombes qu’Israël a infligés aux civils dans le Ghetto de Gaza. La nouvelle arme « DIME », qui brûle sévèrement tout ce qu’elle touche, a été particulièrement efficace lorsqu’elle a été utilisée contre les civils de Gaza. L’argument qui a le plus été mis en avant par la machine de propagande israélienne durant l’assaut de Gaza était le suivant : « Nous ne resterons pas les bras croisés en permettant que nos familles soient la cible de quelqu’un qui tire des roquettes sur nos villes. »

Soumise à aucun examen, cette tranche de propagande, expliquant le massacre de quelques 1.500 personnes à Gaza - pour la plupart des femmes et des enfants - fut brillante. Comme les Nazis essayant d’éradiquer le Ghetto de Varsovie, Israël a volontairement et délibérément massacré des civils qui étaient incapables de fuir à cause des clôtures les encerclant. Lorsque les Israéliens ont été pris la main dans le sac, l’armée israélienne a simplement dit qu’elle enquêterait. Rien n’est jamais sorti d’une telle enquête, si, en fait, il y a jamais eu d’enquête.

Il est embarrassant de voir que le Lobby au travail pour un si petit pays amène nos politiciens à trembler dans leurs bottes. Malgré toutes les démolitions d’habitations palestiniennes, malgré l’expansion des colonies dans les territoires occupés, malgré les invasions dévastatrices du Liban en 1982 et en 2006, l’invasion brutale du ghetto de Gaza l’année dernière et malgré la détention de milliers de Palestiniens dans les prisons israéliennes, la plupart détenus sans mise en accusation et sans procès, nous n’entendons pas le moindre mot de critique de la part de notre Congrès ou de notre président. Etonnant, non ?

Je l’ai déjà dit auparavant, mais il est nécessaire de la répéter - il n’y aura pas d’accord de paix entre Israël et les Palestiniens tant que le Président des Etats-Unis ne dira pas à Israël de chasser les colons de Cisjordanie, permettant ainsi la formation d’un Etat palestinien. S’il ne le fait pas, Mme Clinton et George Mitchell finiront par se lasser de voyager au Moyen-Orient au prétexte de soutenir des pourparlers de paix.

* James G. Abourezk est un avocat en exercice dans le Dakota du Sud. Il est également un ancien sénateur des Etats-Unis.

5 mars 2009 - Counterpunch - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://counterpunch.org/abourezk030...
Traduction : J.F Goulon - Questions Critiques


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