16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Reconstruire l’Université islamique de Gaza

samedi 28 février 2009 - 06h:35

Akram Habeeb et Marcy Newman - The Electronic Intifada

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Ce sont les universités israéliennes qui abritent les laboratoires où est développé l’armement utilisé pour détruire des vies palestiniennes dans Gaza et ailleurs, écrivent Akram Habeeb et Marcy Newman.

JPEG - 26.2 ko
Les universitaires lancent un appel à la solidarité avec les universités palestiniennes assiégées (Rami Swidan/MaanImages)

Depuis qu’Israël a bombardé les bâtiments abritant les laboratoires scientifiques à l’Université islamique de Gaza (IUG) le 28 décembre dernier, les décombres décrédibilisent les affirmations israéliennes selon lesquelles ces laboratoires auraient servi à fabriquer des armes. Bien sûr, ce genre d’allégations est grotesque ; en effet il serait assez stupide pour l’IUG d’entretenir l’idée même de confectionner des armes, vu la manière dont les universités palestiniennes ont subi des attaques constantes de la part d’Israël et ce depuis la fondation de l’Université de Birzeit en 1975 dans la Bande de Gaza.

Ce sont bien plutôt les universités israéliennes qui abritent les labos où est développé l’armement utilisé pour détruire des vies palestiniennes à Gaza et ailleurs. Le 14 juin 2007 dans The Nation, la journaliste étatsunienne Naomi Klein établissait clairement que les relations entre l’Etat d’Israël, ses institutions académiques et son armée sont entrecroisées : « Trente compagnies de sécurité des frontières ont été lancées en Israël rien qu’au cours des six derniers mois, largement grâce à de généreuses subventions d’état qui ont transformé l’armée israélienne et les universités du pays en incubateurs pour des start-up de sécurité et d’armement (chose à retenir dans les débats sur le boycott universitaire) ».

La manière dont Israël lie ses universités (toutes gérées et financées par l’état) et son armée peut se déduire d’un certain nombre d’universités israéliennes et de leurs laboratoires qui servent de couveuses d’armes de destruction, tandis que le peuple palestinien devient inévitablement leurs cobayes. Dans un article récent de la Revue de l’Université de Tel Aviv (hiver 2008-2009) intitulé « Lever le voile du secret », Gil Zohar explique très clairement la collaboration entre les universités israéliennes et le projet colonial et militaire d’Israël : « L’Université de Tel Aviv (TAU) est en première ligne du travail critique qui doit maintenir l’avantage militaire et technologique d’Israël. Alors que beaucoup de ces recherches restent confidentielles, différents faits illustrent le rôle de l’université. MAFAT, acronyme hébreu signifiant le Directorat [Recherche et Développement] du ministère israélien de la Défense, finance actuellement 55 projets à la TAU. Neuf projets sont financés par DARPA - l’Agence de Projets de Recherche Avancée en matière de Défense du Département de la Défense des USA ».

Ce qui est significatif c’est que le gouvernement US et son armée sont complices de la recherche menant à la destruction et à la dévastation de vies palestiniennes via leur financement de ces projets de recherche, qui conduisent inévitablement à des actes d’agression tels que le bombardement de l’IUG.

L’IUG est un établissement d’éducation supérieure ouvert non seulement à ses 20.000 étudiants mais aussi aux 1,5 million de Palestiniens de Gaza qui fréquentent ses bibliothèques et suivent ses conférences. USAID, l’Agence d’aide extérieure du gouvernement US, affirme avoir financé pour plus de 900.000$ de projets, qui ont servi à construire le campus de l’IUG (voir « Selon un audit les USA ont financé une université liée au terrorisme » dans The Chicago Tribune du 12 décembre 2007). En mars 2007 le Washington Times publiait un article de propagande intitulé “Une école liée au Hamas reçoit des fonds US”, accusant USAID de ne pas respecter les lois fédérales en assistant financièrement l’IUG ainsi que l’Université Al-Quds (célèbre pour avoir des relations normalisées avec les académiques israéliens, bien qu’il ait été question de renoncer à ces projets conjoints).

USAID a mené un audit en réponse à l’article du Washington Times mettant en question les 140.000$ accordés par USAID à l’université et à 49 étudiants bénéficiaires de bourses. L’article et l’audit arguaient que financer une université réputée « contrôlée par le Hamas » violait la loi fédérale des USA. A la suite de cet audit, le corps enseignant et les étudiants de l’IUG se sont vus interdire tout financement par le Département d’Etat US - que ce soit des fonds USAID pour la construction et les bourses, ou le Programme de Développement des Facultés Palestiniennes. C’est encore une méthode pour détruire les possibilités d’éducation des Palestiniens à Gaza tout au long de ces dernières années.

Il est difficile d’évaluer dès à présent la part des dommages subis par l’IUG qui avait été construite à l’aide de fonds USAID. De même, il est difficile de confirmer un lien direct entre projets de recherche militaire à la TAU financés par Israël et les USA, et la destruction de l’IUG. Mais ce qui est clair, c’est que les possibilités d’éducation passées en provenance des USA, pour les membres du corps enseignant et les étudiants individuels aussi bien que pour l’extension des études scientifiques, sous forme de laboratoires à construire, ne sont désormais plus disponibles pour les Palestiniens affiliés à l’IUG.

En outre, le premier témoignage « vivant » qui réfute véritablement les allégations d’Israël sur l’IUG comme lieu de cachette ou de manufacture d’armes peut être trouvé dans les décombres des bâtiments détruits, annihilés grâce au savoir produit par les projets de recherche américains dans des universités israéliennes. Les montagnes de gravats appellent toute commission d’enquête à venir, à creuser, à chercher dans les profondeurs afin de prouver que les allégations israéliennes ne sont qu’un prétexte utilisé pour détruire une prestigieuse institution académique en Palestine. Les débris des bâtiments abritant les labos de science montrent qu’il y avait au-dessous 74 laboratoires servant aux étudiants en sciences et ingénierie à l’IUG. Ces labos étaient des lieux de recherche appliquée et d’expériences scientifiques. Ils étaient une source d’espoir pour des étudiants pauvres, dont beaucoup étaient sur le point d’être diplômés.

Les bâtiments des labos de sciences et d’ingénierie ne sont pas les seules implantations pilonnées par les Israéliens avec leurs armes fabriquées par les USA. Beaucoup d’autres bâtiments abritant des labos d’informatique sophistiqués, des locaux de cours, d’ateliers et de séminaires ont également été bombardés. Malgré les terribles dommages infligés à l’IUG, elle sera reconstruite dans l’esprit de résilience que nous voyons dans les jeunes esprits de nos étudiants. Mais cette action ne pourra être soutenue sans l’aide de nos collègues du monde entier. Les universitaires ont pris la décision de boycotter Israël et de soutenir les Palestiniens vu le rôle des universitaires israéliens dans son agression militaire incessante, offrant une lueur d’espoir à l’IUG.

L’IUG a besoin d’un soutien financier pour l’aider à reconstruire et à rééquiper ses laboratoires. Mais elle n’a pas besoin de charité pure et simple. Le corps enseignant de l’IUG et ses étudiants ont aussi besoin de la solidarité de leurs collègues universitaires afin de réhabiliter le reste de ses locaux. Des projets tels que cours par vidéo-conférence en collaboration, programmes d’échange d’enseignants et d’étudiants ainsi que des bourses sont aussi des moyens très importants d’apporter une solidarité à l’IUG.

Il est tout aussi important pour nos collègues étatsuniens d’éradiquer la fausse étiquette prétendant que l’IUG serait une institution « contrôlée par le Hamas ». De même que les Palestiniens de Gaza appartiennent à une diversité de partis politiques, les étudiants, la direction, le corps enseignant et le staff de l’IUG représentent cette réalité. L’IUG est une université comme n’importe quelle autre en Palestine, qui reflète la diversité de sa population. Tout comme la propagande d’Israël se prétendant engagé dans une « guerre avec le Hamas », lorsqu’il assiège tous les Palestiniens vivant à Gaza, cette classification de l’IUG blesse tous les Palestiniens poursuivant une éducation supérieure.

Nous lançons un appel à nos collègues pour travailler à reconstruire l’IUG grâce à leur solidarité qui doit nous permettre de demeurer un édifice de lumières, d’amour et de savoir.

* Akram Habeeb enseigne la littérature à l’Université Islamique de Gaza et Marcy Newman enseigne la littérature à l’Université Nationale An Najah. Plus d’information sur la reconstruction de l’IUG sur : http://www.iugaza.edu.ps/iugrec/en. Si vous voulez nous aider, envoyez un courriel à Marcy à l’adresse : marcynewman@riseup.net ou à Akram à l’adresse : akramhabeeb@byahoo.com.

16 février 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Marie Meert


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.