16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Le Docteur Ehab n’est plus

lundi 26 janvier 2009 - 12h:57

Rami Almeghari

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Le Dr. Ehab Jasir Al-Shaer, médecin spécialisé en dermatologie, a été tué le 27 Décembre 2008 à Rafah, la ville où il exerçait. Son bureau est désormais vide.

JPEG - 18.8 ko
Le bureau à présent vide du Dr. Ehab al-Shaer, assassiné le 27 décembre 2008 - Photo : Rami Almeghari

Ehab Jasir Al-Shaer, médecin spécialisé en dermatologie, diplômé d’une université ukrainienne, ne s’est plus rendu à sa clinique depuis le 27 Décembre 2008.

Ce jour-là, Ehab, son frère Raja, Yasir son oncle , Haitham et Tamer ses cousins se rendent ensemble au bâtiment de l’administration locale de la ville de Rafah dans le sud de la bande de Gaza, où ils vivent.

"A 10h00, mes fils, mon frère et mes neveux sont allés au gouvernorat. Soudain, il était presque 11h30, nous avons entendu de fortes explosions un peu partout", a déclaré Jasir Al-Shaer, le père du Dr. Ehab, agé de 60 ans, tandis qu’il est assis sur une banquette à la clinique d’Ehab.

"Les voisins nous ont dit que le bâtiment du gouvernorat venait d’être touché par l’aviation israélienne. Mon c ?ur a commencé à battre très rapidement. J’ai quitté ma maison et me suis précipité là bas. Parmi les cadavres, j’ai trouvé mon fils Ehab, mon frère Yasir et son fils Haitham gisant sans vie à la morgue de l’hôpital", a déclaré clairement Jasir.

"Le sourire d’Ehab ne le quittait jamais à aucun moment. C’était un mari gai, généreux et attentif. C’est ainsi que j’ai toujours connu Ehab depuis notre mariage il y a trois ans," se souvient Nancy Jouda, l’épouse du Dr. Ehab, avec des larmes dans les yeux.

"Ce qui me cause le plus de chagrin", explique Nancy qui est enceinte, c’est que mon bébé ne verra jamais son père." Désormais veuve, à 28 ans, elle est aussi la maman d’un petit garçon et d’une fille qui viennent de perdre leur père.

JPEG - 21.7 ko
Détail d’une photo du Dr. Ehab al-Shaer avec son jeune fils - Photo : Rami Almeghari

Umm Ehab, la mère du médecin tué, terrassée par le chagrin, n’a pas arrêté de pleurer depuis qu’elle a appris la nouvelle. "Puisse Dieu me donner plus de courage et suppléer à cette perte immense", dit-elle.

Les membres de la famille de Jasir Al-Shaer se sont réfugiés en 1948 lorsqu’ils ont été contraints de quitter leur village de Karatiya, l’une des 450 villes de ce qui est maintenant appelé Israël et dont les habitants ont été déplacés. La famille a perdu deux autres fils en mai 2004, lorsque l’armée israélienne a attaqué leur quartier de Tal al-Sultan à l’ouest de la ville de Rafah.

Les patients sont choqués par la mort brutale de leur médecin. "J’ai appelé le docteur Ehab pour confirmer un rendez-vous, mais la personne au bout du téléphone n’était pas Ehab, c’était son frère", se rappelle Shirin, une des patientes d’Ehab qui n’a pas souhaité communiquer son patronyme. "Je me suis presque évanouie, pleurant sans m’arrêter."

Dr. Ehab Al-Shaer avait ouvert une clinique au centre-ville de Rafah en 2006 et était respecté pour sa pratique en dermatologie. Un an plus tard, alors que sa réputation s’étendait, il a ouvert une annexe de sa clinique dans le camp de réfugiés de Nuseirat au centre de la bande de Gaza.

"Nous recevions habituellement de nombreux patients pendant les heures d’ouverture de la clinique", a déclaré Khawla Elian, l’administrateur de la clinique. Il effectuait parfois des chirurgies cosmétiques mineures à la clinique et conservait les honoraires pour le traitement des maladies graves. Le Dr. Ehab, puisse-t-il reposer en paix, était un médecin très professionnel. Je me suis souvent interrogée sur le fait qu’à la clinique des gens arrivaient de partout dans la bande de Gaza."

"Quelle perte", dit Khawla alors qu’elle et Jasir le père d’Ehab, font le bilan de ce qui s’est passé. Maintenant, à la clinique, le silence est accablant. Plus de patients, plus d’interventions chirurgicales, plus de prescriptions, et plus jamais le sourire du Dr. Ehab al-Shaer.

Combien d’autres encore allons-nous perdre comme le Dr. Ehab ? Alors que j’écris ce récit, des avions de guerre israéliens, dont des avions de chasse F-16 et des drones de fabrication américaine, lâchent des bombes sur ma ville, comme au cours des dernières heures, blessant jusqu’à présent cinq personnes. Les blessés sont peut-être mes voisins, je ne sais pas. Est-ce vraiment une guerre contre le Hamas ou est-ce une guerre contre le peuple ?

* Rami Almeghari est contributeur à The Electronic Intifada, IMEMC.org et Free Speech Radio News et est chargé de cours sur les médias et la traduction politique à l’Université islamique de Gaza. Rami est également un traducteur expérimenté depuis l’anglais et il est rédacteur en chef du centre de presse international du Service d’Information de la Bande de Gaza. Il peut être contacté à :rami_almeghari@hotmail.com

Du même auteur :

- Un verre de thé en ligne de mire à Gaza - 17 janvier 2009
- Témoins des crimes de guerre israéliens - 9 janvier 2009
- Rues désertées et peur pendant qu’Israël démolit la bande de Gaza - 2 janvier 2009
- "Shabbat Shalom" à Gaza - 28 décembre 2008

8 Janvier 2009 - The Electronic Intifada - Cet article peut être consulté à
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Brigitte Cope


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.