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« Nous parlons en silence, nous résistons ensemble »

mercredi 14 janvier 2009 - 13h:29

Laila El-Haddad - The Electronic Intifada

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Nous avions décidé de nous rendre à Washington DC afin de participer à la marche nationale « Let Gaza Live ». C’était une décision de dernière minute, après en avoir pesé le pour et le contre : notre soutien à Gaza contre le coût d’un voyage en voiture de huit heures, avec une météo déplorable, accompagnés de mes jeunes enfants Yousuf et Noor.

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« Obama : j’ai pleuré quand votre grand-mère est morte. Ferez-vous la même chose pour moi ? Mon grand-père vit à Gaza. »

Deux étudiants de l’Université de Duke nous accompagnent, un Palestinian de Lydd et un étudiant Syrien.

En route, Yousuf interrompt soudainement notre conversation pour me demander si son grand-père à Gaza va mourir. Il me recommande de « leur » dire de ne pas le tuer.

Je l’invite à réciter une dua, une prière adressée à Dieu pour garder son grand-père sain et sauf - pour garder toute la bande de Gaza saine et sauve.

Je lui explique que cette prière est plus puissante qu’une balle.

Nous arrivons à destination, un peu tard, et rapidement nous rejoignons un groupe d’environ 10 000 manifestants. C’est une foule diverse et civile non-violente. Malheureusement, la pluie est, elle, violente et non civile. Au terme de la manifestation, nous sommes transpercés par la pluie gelée, j’ai les doigts ankylosés, Noor a les lèvres bleues, nos pèlerines en plastique recouvrent nos visages trempés.

Nous rattrapons mon frère et mon neveu, Zade, qui porte un écriteau mouillé, l’encre saignant sur le sol simulent les larmes et le sang de Gaza. Sur l’écriteau on peut lire :

« Obama : j’ai pleuré quand votre grand-mère est morte. Ferez-vous la même chose pour moi ? Mon grand-père vit à Gaza. »

En réponse à ses protestations contre le froid glacial, sa mère, immédiatement, réplique « gelé est mieux que mort ». Il acquiesce.

Plus tard, il dira fièrement à son grand-père qu’il a marché pendant deux heures sous la pluie gelée pour Gaza.

Nous passons devant l’hôtel où le futur Président s’est installé (des sources disent qu’il est occupé à manger du chili). Finalement nous arrivons devant la Maison Blanche, puis reprenons notre route vers la Caroline du Nord.

Vers 21h00, encore sur la route, je reçois un appel de mon père, un de ces appels si souvent redoutés. Mon sang ne fait qu’un tour. Le soir, si tard, n’apporte rien de bon.

« Toujours des bombardements, je ne peux pas dormir, les navires militaires Israéliens sont en train de pilonner le quartier Tel al-Hawa dans la ville de Gaza ; tu sais, où Amo Musab a construit sa nouvelle maison » faisant référence à son cousin.

Il continue calmement : « les faubourgs sont en flamme. Les résidents appellent le Croissant Rouge Palestinien, mais sans succès. Ils disent qu’ils sont en train d’être bombardés par des bombes incendiaires, ils ne savent plus trop, asphyxiés par une épaisse fumée noire.

Je me précipite sur le compte Twitter de mon frère. Je me sens mieux, renforcée par la puissance de savoir que je vais diffuser au monde ces quelques informations qui semblent en même temps autant irrationnelles que significatives. Mon frère lutte pour contenir en 140 caractères sa terreur, sa panique et sa peur de la mort.

Nous continuons à parler.

J’apprends que le cousin de mon beau-père a été blessé. Au nord de Gaza, sa maison a été touchée par les forces israéliennes, puis rasée au bulldozer. Ensuite, il a été arrêté, les yeux bandés, puis torturé : poussé en bas des escaliers, les côtes brisées. Comme si ce n’était pas suffisant, il a dû marcher une heure pour rejoindre le quartier de Sheikh Ijleen. Au milieu de la nuit, vêtue de son seul pyjama, son épouse a été forcée de quitter sa maison. Seule, elle a erré dans la ville.

Pendant une heure, jusqu’à ce que les bombes se calment, je suis restée avec mon père. Parfois nous ne disons rien, collés à nos téléphones. Nous avons parlé en silence, cette technologie devenant tout à coup si étrangère. Comme si, pendant ces quelques minutes, je pouvais le protéger de l’enfer faisant rage autour de lui. Aussi absurde que cela puisse paraître, nous nous sommes sentis, d’une certaine manière, protégés, se rassurant que quoi qu’il se passe, nous résisterions ensemble.

* Laila El-Haddad est une journaliste, photographe et bloggueuse palestinienne qui passe son temps entre Gaza et les Etats-Unis. Elle tient le blog : http://a-mother-from-gaza.blogspot.com

12 janvier 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Christine Rossetti


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