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"Le Hamas résiste alors que le Fatah s’engraisse"

vendredi 9 janvier 2009 - 09h:34

Serge Dumont - Le Temps

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Sans soutenir le mouvement islamiste, les Palestiniens de Cisjordanie sont solidaires et critiquent le président Abbas.

« Je ne soutiens pas le Hamas mais je suis solidaire avec mes frères de Gaza. » Entre deux appels de clients, Saed Asfour, un chauffeur de taxi de Ramallah, passe son temps devant la télévision. Il suit minute par minute l’évolution de l’opération « Plomb durci » diffusée en direct par Al-Jazira. « Qu’est-ce que les Israéliens ont à gagner avec tous ces massacres ? Ils feraient mieux de trouver un arrangement avec le Hamas et les tirs de roquettes s’interrompraient  », lâche-t-il.

A priori, la vie n’a pas vraiment changé à Ramallah depuis le début de l’opération israélienne le 27 décembre. La ville semble prospère et l’on y ouvre partout de nouveaux chantiers. Mais les événements de Gaza sont les seuls à alimenter les conversations. « Mahmoud Abbas [le président palestinien] est trop complaisant avec [le Premier ministre israélien] Ehoud Olmert  », lâche Ismaïl, le principal revendeur de volaille du vieux souk. « Au lieu de courir partout dans le monde, il aurait dû annoncer la fin des négociations avec Israël, couper les ponts avec Olmert et menacer d’une nouvelle Intifada. Cela aurait fait de l’effet.  »

Manifestations, don de sang

Dans les premières heures de la guerre de Gaza, des manifestations se sont déroulées à Ramallah, à Jénine, à Naplouse et à Hébron. A l’appel de l’Autorité palestinienne (AP), des centaines de personnes ont donné leur sang. Des collectes de vivres et de vêtements ont également été organisées.

Jeudi, c’est dans un centre culturel de la banlieue de Ramallah que le Croissant-Rouge du Qatar attendait les donneurs. « Donner du sang est un minimum. Je voudrais faire plus mais quoi ? interrogeait un étudiant venu de Bethléem pour l’occasion. Avec les Israéliens, seule la force produit des effets. Autrement, ils ne lâchent rien.  »

« La Cisjordanie et la bande de Gaza sont deux parties d’une même Palestine qui ne se voient ni se touchent parce qu’Israël est au milieu  », enchaîne Adnan Chichabi, un professeur d’anglais venu déposer des vêtements pour ses « frères » de Gaza. « Faut-il reprendre les armes ? Certains y pensent mais la Cisjordanie ne s’est pas encore remise de la précédente révolte. Ses habitants ne veulent pas en arriver à une telle extrémité, du moins pas encore. »

Drapeau vert de l’islam

Certes, sur le terrain, les attaques à coups de pierres ou de cocktails molotov de voitures israéliennes circulant en Cisjordanie ont été multipliées par dix ces derniers jours. Quelques rafales de Kalachnikov ont également été tirées ici ou là. Un sympathisant du Hamas a été abattu parce qu’il s’approchait d’une position fortifiée israélienne et un autre a été tué hier alors qu’il tentait d’incendier la pompe à essence située à l’entrée de la colonie de Michor Adoumim. Mais ces actions restent isolées. Car depuis le putsch du Hamas à Gaza en juin 2007, les services de sécurité israéliens et ceux de l’AP se sont évertués à démanteler les réseaux de l’organisation islamiste opérant en Cisjordanie. Des centaines de militants ainsi que des élus islamistes ont été arrêtés. Des dizaines d’institutions caritatives ainsi que quelques écoles coraniques ont été fermées.

Dans les petits villages contrôlés par le Fatah, des habitants bravent pourtant l’interdit en hissant le drapeau vert de l’islam sur leur toit. Certains affichent aussi à leur fenêtre des photos d’enfants tués durant les bombardements israéliens de Gaza. « Pour le moment, la distinction avec le Hamas n’existe plus  », affirme l’épicier d’Al-Nuweimeh, un petit hameau situé en face de Jéricho. « Longtemps j’ai soutenu Abou Amar (nom de guerre de Yasser Arafat) puis son successeur. Mais le Fatah s’est endormi ces dernières années alors que le Hamas ne plie pas. Lorsque je vois Abbas embrasser Olmert chaque fois qu’il le rencontre, cela ne me plaît pas. Il s’humilie et, en plus, cela ne nous rapporte rien.  » Et de poursuivre : « Personne ne prône la violence pour la violence, mais entre le Hamas qui résiste et le Fatah qui s’engraisse, on n’hésite pas longtemps. »

A Hébron, ville de 100 000 habitants qui passe pour le principal bastion du Hamas en Cisjordanie, l’entrée nous en a été refusée hier par les soldats israéliens invoquant des « problèmes de sécurité ». En fait, il s’agit d’une rafle de sympathisants islamistes. En revanche, l’entrée dans Qalqiliyah (43 000 habitants, au nord-ouest de la Cisjordanie) s’est déroulée sans problème. Gérée depuis 2005 par le Hamas, cette cité affiche elle aussi sa solidarité avec la population de Gaza. Dans l’artère commerçante, de nombreuses photos de « martyrs » sont placardées. A la sortie de la mosquée principale, quelques fidèles s’exprimant dans un anglais chaotique dénoncent l’« inertie de l’AP ». « Ces gens-là sont coupés de la réalité, ils discutent au lieu d’agir  », dit l’un d’entre eux. Pour lequel « les Palestiniens ne peuvent jamais compter sur personne et certainement pas sur les pays arabes  ». Un autre jure que « la guerre de Gaza va durer longtemps » et qu’il irait volontiers se battre en passant par l’Egypte. « Il suffit qu’Allah m’appelle et je répondrai présent dans l’heure », jure-t-il. En regardant le ciel.

Ramallah, Jéricho et Qalqiliyah, 9 janvier 2009 - Le Temps


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