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La ville de Gaza réduite à l’état de ruines

vendredi 9 janvier 2009 - 06h:57

Ibrahim Barzak - AP

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"J’habite seul dans mon bureau. Mon épouse et nos deux enfants se sont installés chez mon beau-père quand notre appartement a été démoli. La mosquée où je prie depuis mon enfance n’a plus de toit. Tous les bâtiments publics aux alentours ont été détruits. La ville et la vie que je connaissais ont disparu dans les bombardements israéliens".

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L’état sioniste criminel déploit ses engins de mort les plus meurtriers et les plus sophistiqués sur une ville sans défense - Photo : AP

Ibrahim Barzak a toujours vécu dans la Bande de Gaza. Correspondant de l’Associated Press depuis 17 ans, il témoigne de son quotidien depuis le début de l’offensive israélienne.

"Quelque 400.000 personnes vivent dans la ville de Gaza. L’eau courante a été coupée quand la centrale électrique qui fait fonctionner les pompes n’a plus eu de carburant. Pour suivre les nouvelles, il n’y a plus que les petites radios qui fonctionnent à piles. L’épicerie Hadi où nous faisions nos courses est fermée. La nourriture s’est fait rare dans toute la ville.

Trois jours après le début de l’offensive israélienne, le 27 décembre dernier, mon immeuble a été secoué par des bombes destinées à un bâtiment gouvernemental voisin géré par le Hamas. Mon frère a pris des photos de la pièce où mes fils, Hikmet, deux ans, et Ahmed, six mois, dormaient jusqu’ici. Leurs jouets étaient cassés, le placard criblé d’éclats d’obus et le mur de la chambre s’était effondré. Je ne sais pas si j’y retournerai un jour.

D’autres images me hantent. Je n’arrête pas de regarder la vidéo du bombardement du complexe du Hamas diffusée par l’armée israélienne sur le site YouTube. On peut y voir aussi la destruction de mon immeuble.

Certains de mes collègues ont également perdu leur maison dans les raids et dorment sur des matelas entassés dans un appartement au-dessus du bureau de l’Associated Press.

Mardi, je suis allé devant mon immeuble, mais je n’ai pas osé entrer. J’avais peur que ce qui reste du complexe voisin soit encore bombardé. Othman, le patron du restaurant Addar où mon épouse et moi allons chercher des plats à emporter quand nous travaillons tous les deux, a mis des plaques d’aluminium devant ses vitres brisées pour empêcher les pillages. Sur le trottoir, gît un enchevêtrement de lignes téléphoniques et électriques.

J’ai roulé jusqu’au centre-ville, par la rue des deux universités de la ville. Elle était jonchée d’éclats de verre, de câbles téléphoniques et de carcasses de voitures. Avant, cette rue grouillait d’étudiants, de taxis et de vendeurs de rue.

Le café Mazaj sur la rue Omar Mukhtar, la principale artère de Gaza, était fermé. Il était très apprécié des étudiants aisés et des humanitaires étrangers pour son très bon café guatémaltèque. Café que la rumeur disait acheminé par les tunnels creusés sous la frontière égyptienne par les militants palestiniens pour faire entrer des armes et marchandises d’Egypte.

A l’Al Dera, magnifique hôtel du front de mer, les jeunes gens se retrouvaient pour fumer le narguilé, les familles venaient dîner le jeudi soir. C’était une autre époque.

Mardi, le seul magasin ouvert était la pharmacie Shifa de mon ami Eyad Sayegh. C’est un chrétien orthodoxe et je me suis arrêté pour lui souhaiter un joyeux Noël, que les églises orientales célébraient mercredi. Il m’a répondu qu’il avait oublié que c’était Noël.

Mes repères de journaliste se sont aussi volatilisés. Le complexe Seraya, datant de l’ère coloniale, était le siège de la sécurité des dirigeants successifs de la Bande de Gaza, les Britanniques, les Egyptiens, les Israéliens, l’Autorité palestinienne et aujourd’hui les islamistes du Hamas. Il inspirait la peur, c’est là que se trouvait la prison centrale. Il n’en reste que des ruines.

Au coin, la mosquée Al Shuhada, où j’allais prier chaque jour, était l’un des rares endroits de Gaza où l’air conditionné marchait bien. Un philanthrope local amateur d’architecture marocaine avait redécoré l’intérieur avec des arabesques de bois et fait graver des versets coraniques sur le toit, qui s’est effondré quand les Israéliens ont bombardé la prison à côté.

Des bureaux présidentiels donnant sur la mer, il ne reste plus que quelques murs et le porche de l’entrée ouest. Pour nombre de Gazaouis, c’est un symbole, même si le président de l’Autorité palestinienne, le modéré Mahmoud Abbas, issu du Fatah, n’y a pas mis les pieds depuis le coup de force du Hamas, qui s’est emparé du pouvoir dans la Bande de Gaza en juin 2007. Quelqu’un a planté un drapeau palestinien sur les ruines du bâtiment. Les locaux du Conseil législatif palestinien sont eux à moitié détruits.

Dans la rue Jala, l’une des principales de la ville, j’ai aperçu une trentaine d’enfants autour d’une vanne d’irrigation qui fuyait, essayant de remplir des bouteilles en plastique et des jerrycans. Samir, 9 ans, m’a raconté qu’il n’avait plus d’eau chez lui et qu’il essayait d’en rapporter suffisamment pour se laver parce que son frère et lui sentaient mauvais.

La majorité des habitants connaissent ce problème. Dans l’immeuble de mon beau-père, les gens jettent des sacs entiers de nourriture avariée. Les réfrigérateurs ne marchent plus et les aliments frais pourrissent rapidement.

Dans les rues, il y a peu de circulation, excepté les véhicules des médias, les ambulances, et des voitures remplies de civils. Certains ont l’air de partir, avec des matelas accrochés sur le toit du véhicule, mais pour aller où ?

Des hélicoptères israéliens passaient au-dessus de nos têtes et j’ai entendu des déflagrations au loin. Je suis entré dans le centre-ville, comme pour me prouver que je pouvais encore faire ce que je faisais avant, rouler en voiture dans ma ville. J’ai pu aller jusqu’à l’école catholique du patriarcat latin, où mon défunt père, lui aussi correspondant de l’Associated Press, me conduisait tous les jours quand j’étais petit. Je suis resté devant, à me demander si je pourrais un jour y emmener mes enfants

8 janvier 2009 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://fr.news.yahoo.com/3/20090108...


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