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Propagande de guerre : faut-il croire ce que l’on nous montre ?

dimanche 4 janvier 2009 - 12h:01

Paul Reynolds - BBC News

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Israël fait tout pour avoir l’initiative dans la propagande de guerre sur Gaza mais, dans un cas important, sa version s’est trouvée sérieusement contestée.

L’incident pose question sur la façon d’interpréter une vidéo filmée d’avion.

Israël a publié la vidéo d’une attaque aérienne du 28 décembre, qui paraissait montrer la scène d’un chargement de roquettes sur un camion. Le camion et ceux qui étaient autour ont été ensuite bombardés par un missile.

Voilà la preuve flagrante, ont dit les Israéliens, que nos attaques sont précises et justifiées. Une unité spéciale, créée pour coordonner le travail de communication a publié la vidéo sur YouTube dans son travail consistant à saisir tous les moyens modernes de communication pour faire passer la version israélienne.

La vidéo YouTube comporte un grand sous-titre disant : « Des missiles Grad chargés à bord d’un véhicule du Hamas. » Un samedi matin, au Royaume-Uni, ce sont plus de 260 000 personnes qui ont regardé la vidéo.

Une version toute différente

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Ahmed Sanur conteste l’affirmation d’Israël disant que sont des roquettes qui ont été ciblées.

Il s’avère, cependant, qu’un habitant de Gaza, Ahmed Sanur, ou Samur, 55 ans, affirme que le camion était à lui et qu’il était avec des membres de sa famille et de son personnel en train de sortir des bouteilles d’oxygène de son atelier.

Son atelier avait été endommagé lors du bombardement d’un immeuble voisin par les Israéliens et il craignait les pillards, dit-il.

Le groupe israélien pour les droits humains, B’Tselem, a publié (ci-dessous) le récit de Mr Sanur sur son site, avec une photo des bouteilles d’oxygène incendiées.

Mr Sanur indique que 8 personnes, dont son propre fils, ont été tuées. Il a déclaré par la suite au quotidien israélien Ha’aretz : « Ce n’était pas des Hamas, c’était nos enfants... Ce n’était pas des missiles Grad. »

Les Israéliens répondent que le « matériel » avait été sorti d’un site qui abritait des armes. La vidéo est restée sur YouTube.

Mais l’incident montre comment un document vidéo, apparemment incontestable, peut se transformer en une pièce très douteuse.

Cela rappelle un évènement durant la guerre de l’OTAN contre la Serbie au Kosovo en 1999. Dans cet exemple, une vidéo prise d’avion paraissait montrer un convoi militaire, lequel fut alors attaqué.

Mais sur le terrain, on a découvert que les « camions » étaient en réalité des tracteurs remorquant des charretées de réfugiés civils, dont beaucoup avaient été tués.

L’effort de propagande d’Israël

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B’Tslem assure que ces bouteilles se trouvaient près du camion bombardé.

L’effort de propagande d’Israël est conduit pour répondre à deux objectifs principaux.

Le premier est de justifier les attaques aériennes. Le second est de montrer qu’il n’y a aucune catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza.

Ces deux objectifs sont destinés à placer Israël en position forte sur le plan international et à permettre à sa diplomatie d’agir comme un parapluie pour repousser les appels à un cessez-le-feu pendant que les opérations militaires se déroulent.

Israël a poursuivi son premier objectif très activement pour faire admettre que le Hamas devait prendre les responsabilités. L’image de roquettes du Hamas filant dans le ciel d’Israël a été très performante à cet égard.

Israël a aussi autorisé le passage de camions de nourriture, insistant sur le fait qu’il ne voulait pas laisser les gens mourir de faim, même s’ils peuvent être en manque.

Israël parait satisfait de son travail.

L’un de ses porte-parole, qu’on voit régulièrement sur les médias internationaux, le major Avital Leibovich, a déclaré : « Un certain nombre de médias sont très favorables à Israël. »

Interdiction contre des médias étrangers

Israël a appuyé sa démarche en interdisant Gaza à des correspondants étrangers, malgré une décision de la Cour suprême israélienne.

La chaîne de télévision arabe Al Jazeera opère ici et ses reportages ont été diffusés ; ils ont touché l’opinion dans le monde arabe. Le bureau local de la BBC fait aussi un gros travail.

Mais l’absence de journalistes des grandes agences signifie, dans le cas précis de Mr Samur, que son récit n’a pas été diffusé aussi largement qu’il aurait pu l’être, ni fait l’objet d’un examen sur le champ.

Pendant ce temps, Israël bénéficiait d’une bonne couverture médiatique sur les menaces et les dommages dans ses propres villes et communautés.

Israël va-t-il rester à l’initiative en matière de propagande, ce n’est pas certain. Les images d’enfants tués et blessés démentent ses prétentions à la précision des tirs et plus cela continue, plus son formidable capital dans l’opinion publique internationale se retourne contre lui, avec des pressions diplomatiques pour que cela cesse.

Ses problèmes de communication pourraient se compliquer encore s’il s’engageait dans une opération terrestre, avec beaucoup plus d’images de morts et de destruction.

Mise au point : plusieurs lecteurs m’ont envoyé un mel pour me demander si je croyais le Hamas. L’un me dit que je suis « acheté » en faveur de la propagande du Hamas. Un autre que je m’arrange avec les déclarations du Hamas « Tout ce qui manque dans leurs propos en dit long sur votre parti pris. »

Je ne crois dans la « propagande » de personne. Nous cherchons à vérifier les déclarations, quelle qu’en soit la source. L’une des principales affirmations dans Gaza en ce moment est la situation grave de la population. Ayant fait à plusieurs reprises des reportages dans Gaza toutes ces années, je sais à quel point Gaza est surpeuplée et combien les gens y dépendent de l’aide alimentaire des Nations unies. Cela veut dire qu’ils n’ont aucune autre source d’approvisionnement mais aussi, si le système fonctionne, qu’ils devront en obtenir suffisamment pour continuer à se débrouiller. Le problème est que les correspondants étrangers ne peuvent pas, par eux-mêmes, rendre compte de la situation exacte à l’intérieur de Gaza.

Paul.Reynolds-INTERNET@bbc.co.uk

Correspondant pour l’International - site : BBC News

Publication B’Tselem

31 décembre 2008 : Doute : un camion bombardé portait des bouteilles d’oxygène et non des roquettes Grad.

Le 29 décembre, l’armée israélienne a bombardé un camion dans la ville de Gaza, prétendant qu’il portait des roquettes Grad destinées aux attaques sur Israël. Des images du bombardement, filmées depuis un drone, sont diffusées par l’armée israélienne.

B’Tselem a recueilli le témoignage d’Ahmad Sanur, le propriétaire du camion bombardé. Sanur affirme que sur le camion, il s’agissait de bouteilles d’oxygène qu’il utilisait pour la soudure, et non des roquettes Grad. Les militants B’Tselem sur le terrain ont pris des photos des bouteilles d’oxygène restées sur les lieux du bombardement.

Selon le témoignage de Sanur, lui et des membres de sa famille essayaient de sauver leur matériel de son atelier de métallerie qui est tout près d’une maison bombardée, afin de prévenir tout pillage. Il nie avoir la moindre relation avec des militants ou des combattants et il est prêt à le déclarer à tout journaliste ou enquêteur.

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Image de l’armée montrant le chargement du camion et image des bouteilles d’oxygène laissées près du camion, prise par un militant B’Tselem.

Huit personnes ont été tuées dans le bombardement, dont son fils. Deux ont été gravement blessés. Les noms suivent, mais sans en garantir l’orthographe.

Muhammad Bassel Madi, 17
Wisam Akram ’Eid, 14
Imad Ahmad Sanur, 32
Rami Ghabayan Sa’adi, 24
Mahmoud Nabil Ghabayan, 14
Ashraf a-Dabagh, 26
Muhammad Majed Ka’abar, 20
Ahmad Ibrahim Khila, 15

Deux ont été gravement blessés :

Bilal Ghabayan Suheil, 19
Baha Ghabayan Suheil, 16

Sur le site de B’Tselem

BBC News ; B’Tselem - traduction : Info-Palestine.net


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