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Gaza tombe-t-elle ?

samedi 27 décembre 2008 - 18h:45

Ellen Cantarow

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La conclusion déprimante est que si Gaza tombe, la Cisjordanie tombera à son tour.

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Quelque 150 tués et autant de blessés sous les bombardements de l’aviation israélienne, ce samedi matin, 27 décembre. (AP)




Richard Falk, Israël et le NYT

Israël referme le cercueil qu’est la bande de Gaza assiégée depuis près de trois ans, un siège qu’il a progressivement intensifié avec, comme résultats, des taux de malnutrition qui rivalisent avec ceux de l’Afrique sub-saharienne ; des eaux usées qui courent dans les rues et polluent l’océan ; des maisons toujours détruites aux bulldozers pour rajouter une punition collective aux punitions collectives ; des hommes, des femmes et des enfants, cibles de snipers et assassinés ; des enfants devenus sourds par les booms soniques continuels, la grande majorité d’entre eux souffrant du syndrome de stress post-traumatique et beaucoup d’entre eux n’ont d’autre ambition que de devenir un « martyr ». Israël, mi-décembre, a refusé l’entrée de Richard Falk, rapporteur spécial des Nations unies pour les Droits de l’Homme, sur les territoires occupés.

Le Dr Falk doit, de par sa responsabilité, établir des rapports pour l’ONU sur les conditions dans les territoires occupés. Israël l’empêche de mener sa tâche à bien. Dans un article qui semble sortir des ordinateurs du bureau de presse du gouvernement d’Israël (pas la moindre citation d’une opinion favorable à Falk, par exemple), le New York Times, nous dit que le Dr Falk « a été longtemps critiqué en Israël par de "nombreux Israéliens" (souligné par moi) pour ses opinions injustes et dures à avaler. » Une telle attribution anonyme de propos est caractéristique.

Contrairement aux ministres de l’Union européenne qui ont récemment condamné les actes d’Israël dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, mais pour approuver aussitôt le renforcement des relations de l’Union européenne avec Israël, Falk ne transigera pas. Il ne fait pas que décrire les atrocités d’Israël dans la bande de Gaza, il appelle à une action protectrice immédiate « pour contrebalancer les violations continuelles et de grande ampleur du droit humain fondamental à la vie ». Il demande aussi que la Cour pénale internationale fasse une enquête pour « déterminer si les dirigeants politiques et les chefs militaires israéliens responsables du siège de Gaza doivent être inculpés et poursuivis pour violations du droit pénal international ».

Une rafale de dénonciations au niveau mondial

Peut-être est-ce sa clarté dans sa mise au point et son refus de céder qui font les péchés de Falk aux yeux d’Israël ? (la hasbarah habituelle sur l’antisémitisme, etc., est à écarter, bien qu’étant juif, Falk pourrait entrer dans la catégorie des « juifs qui ont la haine de soi »). Beaucoup d’autres, juifs et non juifs (dont des juifs israéliens jamais cités par le New York Times ont accusé Israël de violations du droit international et de crimes de guerre à Gaza. Comme le notait Falk lui-même dans sa déclaration sur Gaza aux Nations unies (voir Gaza : le silence n’est pas une option » sur le site The Heathlander, et sur d’autres), le secrétaire général des Nations unies, le président de l’Assemblée générale et la haut-commissaire des Nations unies pour les Droits de l’Homme ont tous condamné Israël pour son siège monstrueux. « Karen AbyZayd » a déclaré Falk, « qui dirige l’effort de secours des Nations unies pour Gaza, a apporté une confirmation de première main sur l’urgence désespérée et les conditions inacceptables auxquelles est confrontée la population de Gaza. De nombreux dirigeants se sont exprimés sur la cruauté et le caractère illégal du blocus de Gaza imposé par Israël et une telle rafale de dénonciations venant de responsables généralement prudents n’est pas arrivée au niveau mondial depuis les beaux jours de l’apartheid sud-africain. »

D’autres dénonciations ont été lancées par une organisation israélienne défendant les droits humains, B’Tselem, laquelle en juin 2006 qualifiait la destruction par Israël de la centrale électrique de Gaza de « crime de guerre » (« Les attaques visant des objectifs civils sont interdites par le droit international et sont considérées comme un crime de guerre. La centrale électrique bombardée par Israël est un objectif purement civil et son bombardement n’a rien fait pour entraver la capacité des organisations palestiniennes à tirer des roquettes sur le territoire israélien »).

Le mois dernier, la Suisse a accusé Israël de violation du droit international par ses démolitions de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est et à Ramallah. Cette dénonciation, publiée par un journaliste du The First Post, est « probablement la condamnation la plus virulente de la politique israélienne à l’égard des Palestiniens venant d’un pays d’Europe occidentale depuis la célèbre dénonciation de Charles de Gaulle de "l’oppression, la répression et des expulsions" de Palestiniens par Israël il y a plus de 40 ans ». (17 novembre 2008)

Selon Christopher Hedges, Falk lui a déclaré que le siège israélien avait déclanché « le déploiement d’une catastrophe humanitaire qui chaque jour représente pour un million et demi de Gazaouis un calvaire épouvantable, un combat pour survivre... Cette situation est de plus en plus précaire. Selon une étude récente, 46% de tous les enfants de Gaza souffrent d’anémie aiguë. D’autres rapports indiquent que les booms soniques lors des survols de la bande par les avions israéliens ont provoqué des surdités généralisées, spécialement chez les enfants. Les enfants de Gaza ont besoin de milliers de prothèses auditives. La malnutrition est très élevée dans un nombre de dimensions différentes et affecte 75% des Gazaouis. Les troubles mentaux sont étendus... Chez plus de 50% des enfants gazaouis de moins de 12 ans, on ne trouve plus aucune volonté de vivre. »

Gaza a commis le péché ultime.

Ses habitants ont refusé d’être de bons petits indigènes ; ils ont lancé la première Intifada. Gaza est devenue légendaire, avec Jénine en Cisjordanie, pour son refus de se soumettre à l’occupation d’Israël. Gaza est aussi une région qui, à la différence de la Cisjordanie, a un nombre négligeable de terres agricoles et de ressources aquifères. Aussi, la bande de Gaza doit d’abord être mise en quarantaine (Darryl Li a comparé Gaza, après le « retrait » d’Israël - en septembre 2005 - [voir : Gaza : d’une prison à un zoo] à un enclos pour animaux à qui - avant le siège en tous cas - on lançait de la nourriture et du ravitaillement, Israël s’étant débarrassé de toute responsabilité à l’égard de la population). Le but d’Israël était que l’Egypte prenne la responsabilité de Gaza, ce qui ne s’est pas fait. La résistance de Gaza a poursuivi ses tirs de roquettes sur Israël. Mais le péché ultime et impardonnable de Gaza fut, dans une élection absolument équitable, d’élire un parti qui déplaisait à Israël et aux Etats-Unis. Elliott Abrams, celui de l’infamie de l’Iran-Contra, a aidé aux représailles en manigançant une guerre civile entre le Hamas et le Fatah (Voir Vanity Fair, avril 2008).

Maintenant, ça y est, la bande de Gaza est au bout. Pendant que le monde regarde, un peuple est en train d’être anéanti. L’article ultime est dans le London Reniew of Books de ce mois, celui de Sara Roy. Elle décrit le déclin insoutenable de tous les moyens de subsistance - nourriture, combustible, médicaments, purificateurs d’eau, etc.

Roy ne le dit pas, pas plus que Falk, mais le siège d’Israël rentre dans le cas d’au moins trois points de l’article 2 de la Convention sur le Génocide :
- meurtre de membres d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ;
- atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle).

La conclusion déprimante de Roy est que si Gaza tombe, la Cisjordanie tombera à son tour.


Ellen Cantarow écrit sur la Cisjordanie occupée et sur Israël, pour des publications étasuniennes depuis 1979. Elle est également pianiste, chanteuse et enseignante. On peut la joindre à l’adresse : ecantarow@comast.net

Edition du week-end 26/28 décembre 2008 - Counterpunch - traduction : JPP


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