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Obama : Changement dans la continuité ?

mercredi 10 décembre 2008 - 12h:34

Aliaa Al-Korachi - Al-Ahram/hebdo

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Hillary Clinton au Département d’Etat, Robert Gates à la Défense, James Jones conseiller à la Sécurité nationale et Susan Rice ambassadrice à l’Onu, forment un carré important, déterminant la politique proche-orientale des Etats-Unis. Des nominations qui semblent loin du programme de « changement » prêté à Obama, comme beaucoup d’Arabes espéraient. Portraits.

Hillary Clinton, pro-israélienne pure et dure

61 ans, ancienne première dame et sénatrice de l’Etat de New York, et surtout l’ex-rivale qui a affronté dans une campagne longue et sans merci Barack Obama à la présidentielle, Hillary Clinton prend la tête de la diplomatie de la future administration américaine.

Un choix étonnant ... puisque la politique étrangère notamment concernant la région du Proche-Orient a été le grand point de discorde entre les deux. C’est le même Barack Obama qui s’était moqué durant la campagne présidentielle de « la prétendue expérience internationale de l’ex-première dame » qui consistait essentiellement, selon lui, « à prendre le thé avec des diplomates américains ». Et c’est aussi Hillary qui l’avait traité de « naïf » et d’«  irresponsable », de commandant en chef qui aurait besoin d’un « manuel d’instructions pour politique internationale  ».

Clinton devient alors la troisième femme dans l’histoire des Etats-Unis à devenir secrétaire d’Etat américaine, après Madeleine Albright sous la présidence de Bill Clinton et Condoleezza Rice à qui elle succédera. Hillary, chef de la diplomatie américaine, est certes un choix dépressif pour le monde arabe pour ses positions très sévères envers la région. On n’oublie pas Hillary, la sénatrice, qui a défendu les opérations militaires en Afghanistan et en Iraq et qu’elle a été la dernière des principaux candidats démocrates à modifier sa position concernant l’Iraq.

Durant sa campagne électorale, Elle se disait décidée à mettre fin à la guerre, mais n’envisageait pas de retrait total. Une option qui se contredit avec la promesse d’Obama d’un retrait très prochain. Elle parlait d’une « politique vigoureuse avec les ennemis de Washington ». L’Iran est en tête de liste. Quant au Hamas et au Hezbollah, pour elle, il n’est pas question de dialogue, ils ne sont que des réseaux terroristes.

Sa position envers le processus de paix est beaucoup plus critiquée. Sénatrice, elle a dénoncé la résolution du Conseil de sécurité et des Nations-Unies décrétant l’investigation dans les massacres de Jénine, et elle a ?uvré pour la faire tomber.

Son soutien à l’Etat hébreu est clair. C’est elle qui s’est prononcée un jour en faveur d’un transfert de l’ambassade israélienne de Tel-Aviv à Jérusalem. Et en visitant Israël en 2005, elle avait fait l’éloge de ce mur de séparation, ce que jamais un Américain ni même un Israélien n’a osé faire. « Ce n’est pas contre les Palestiniens, mais contre les terroristes, et c’est au peuple palestinien de leur faire changer leur position de terrorisme ». Et au cours de la guerre du Liban de l’été 2006, Hillary Clinton avait tenu à manifester un soutien sans équivoque à l’Etat hébreu : « Nous nous tiendrons au côté d’Israël parce que cet Etat défend les valeurs américaines ainsi que celles israéliennes ».

Aujourd’hui chef de la diplomatie, que peut-on attendre d’elle ? Clinton, la chef de la diplomatie, va-t-elle ôter son masque de sénatrice pour réaliser le programme d’Obama ?


Roberts Gates, architecte de la stratégie de guerre en Iraq

64 ans, secrétaire à la Défense depuis 2006, ancien directeur de la CIA, Gates va rester toujours à la tête du Pentagone. C’est la première fois qu’un secrétaire à la Défense soit maintenu dans une administration d’un autre bord que le sien. Obama a donc ainsi maintenu Robert Gates dans ses fonctions, alors que les Etats-Unis mènent deux guerres de front en Iraq et en Afghanistan. C’est lui qui connaît la situation, de plus, selon les analystes, il détient le clé de dossier de ces deux guerres. Gates est connu pour être l’architecte de la stratégie de renforts en Iraq, un des succès de l’administration Bush. Le secrétaire à la Défense, Robert Gates est perçu comme « l’antithèse » de son prédécesseur Donald Rumsfeld. Celui-ci a été choisi par George Bush à la fin de 2006 pour succéder au très controversé Rumsfeld pour mettre en ?uvre la stratégie d’envoi de 30 000 soldats en renfort en Iraq début 2007, qui a contribué à améliorer la situation en Iraq.

Alors pour Obama, la mission de Robert Gates est « de finir la guerre en Iraq d’une façon responsable ». Gates serait notamment chargé de concrétiser la promesse de retirer les troupes américaines d’Iraq, faite par Obama en 16 mois. En fait, les deux hommes sont pour un retrait des troupes américaines d’Iraq. Dès son arrivée au Pentagone fin 2006, Robert Gates avait séduit le Congrès par sa franchise lorsqu’il avait reconnu lors d’une audition que « non », les Etats-Unis ne gagnaient pas la guerre en Iraq. Il a dénoncé la guerre d’Iraq comme une « calamité stratégique », ainsi que la « militarisation rampante de la politique étrangère américaine ».

Mais le point de divergence dans cette affaire, qu’Obama et Gates sont moins en accord sur le rythme de retrait des troupes d’Iraq. Gates avait déclaré à maintes fois avant sa nomination être opposé à un calendrier rigide de retrait et avait jugé contre-productif de fixer une date de retrait.

Et bien qu’Obama ait répété, la semaine dernière, qu’il entendait respecter son engagement de campagne de « retirer les troupes de combat dans les seize mois », il a aussi dit qu’il suivrait « l’avis des chefs d’état-major ». Alors selon les analystes, le choix de Gates pourrait donner un prétexte à Obama de se dérober facilement de cette promesse de retrait.

Pour l’Afghansitan, Gates a un autre grand rôle. Il devrait superviser le changement de priorité militaire en cours, en faveur de l’Afghanistan, décrété « front de la guerre contre le terrorisme ». En fait, Gates, comme Obama, partage la volonté d’envoyer d’importants renforts en Afghanistan. Il parlait toujours « des moyens et de la stratégie nécessaires pour vaincre Al-Qaëda et les Talibans en Afghanistan ».


James Jones, la double expérience de militaire et de diplomate

64 ans, ancien général du corps des marines, ancien commandant de l’Otan, Jones est nommé conseiller à la Sécurité nationale. Il est supposé être la dernière voix qu’Obama va entendre avant de prendre sa décision.

A la tête du Conseil de sécurité nationale, installé à la Maison-Blanche, il aurait en charge la coordination de la diplomatie et des affaires militaires. Pour Obama, Jones apporterait à cette fonction « la double expérience acquise en tant que militaire et en tant que diplomate ».

Alors que le dossier afghan est une priorité de la nouvelle administration, le général Jones présente l’avantage de connaître parfaitement l’Otan. Commandant au sein de l’Otan, James a tiré la sonnette d’alarme sur la dégradation de la situation en Afghanistan. Il a dit que « l’Otan ne va pas gagner la guerre en Afghanistan, et la guerre américaine en Iraq va faire perdre celle d’Afghanistan ».

Son expérience du Moyen-Orient devrait lui permettre d’occuper une place de choix dans les prises de décisions en matière de politique étrangère. Il connaît bien le dossier israélo-palestinien. Jones avait été nommé l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la sécurité au Proche-Orient, par Condoleezza Rice à la suite du lancement du processus de paix d’Annapolis, le 27 novembre 2007. Son rôle était d’aider les Israéliens et les Palestiniens à mettre en place un système de sécurité nécessaire dans le cadre d’un accord de paix. A cet égard, il aurait rédigé, en août dernier, un rapport sur la sécurité dans les territoires palestiniens. Ce rapport a proposé un plan visant à faciliter le retrait israélien des régions de Judée-Samarie évoquées dans la Feuille de route. Il consisterait à envoyer des troupes internationales pour assurer la sécurité dans ces territoires, durant le retrait israélien et jusqu’à ce que l’Autorité Palestinienne soit en mesure d’en prendre le contrôle. Ce qui a suscité les critiques d’Israël, qui ne souhaite pas abandonner cette région.

Pour l’Etat hébreu, en cas de retrait de Judée-Samarie, les populations du centre du pays seraient, à l’instar de celles du sud, vulnérables face aux tirs de roquettes et aux infiltrations terroristes. C’est pour cette raison que les gouvernements israéliens successifs ont souhaité pouvoir conserver certaines prérogatives sécuritaires sur cette région. Il était contre la guerre en Iraq. Jones a remis au Congrès, en septembre 2007, un rapport sur l’état des troupes américaines dans ce pays, où il recommandait de réduire le nombre de soldats. Il a été aussi très critique sur la gestion de la guerre en Iraq par l’administration Bush, qu’il a qualifiée de « débâcle ».

Susan Rice, la partisane de la manière forte

48 ans, membre du Conseil de sécurité nationale et sous-secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines sous l’administration Clinton, Susan Rice est nommée ambassadrice à l’Onu. Susan n’a pas de lien de parenté avec Condoleezza Rice. C’est la deuxième personnalité noire représentant les Etats-Unis à l’Onu, après Andrew Young qui a occupé ce poste à la fin des années 1970.

Au cours de la campagne présidentielle américaine, elle a été l’un des principaux conseillers de Barack Obama sur les questions de politique étrangère.

Spécialiste de l’Afrique, Susan Rice est une fervente partisane de l’action militaire en cas de génocide ou de crimes de masse. Très critique à l’égard de la gestion de la crise au Darfour, elle a plaidé l’année dernière devant le Congrès pour une action militaire contre le gouvernement du Soudan. Elle a appelé à bombarder les aéroports et les institutions militaires soudanaises.

Elle a été aussi pour la guerre en Iraq. Pour elle, « l’utilisation de la force maximale est la solution pour confronter la possession de Saddam Hussein de la force nucléaire ».

Haut diplomate en Afrique lors des attentats à la bombe contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998, elle a l’expérience des dossiers de terrorisme et d’Al-Qaëda.

Le choix comme ambassadrice à l’Onu de Susan Rice, connue pour son franc-parler, à l’instar de son mentor Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’Etat de Bill Clinton, pourrait suggérer que la future administration entend instaurer un dialogue de fermeté avec les Nations-Unies.


Rahm Emanuel, l’homme d’Israël à la Maison-Blanche

48 ans, spécialiste universitaire de la communication et député à la Chambre des représentants, Rahm Emanuel, est nommé au poste stratégique de secrétaire général de la Maison Blanche. Les deux hommes représentent l’Illinois et se sont rapprochés lorsque Barack Obama est arrivé à Washington, après avoir été élu sénateur en 2004. Rahm Emmanuel connaît bien la Maison Blanche : il y a travaillé en tant que conseiller politique sous l’administration Clinton, de 1993 à 1998. Il a été à l’origine d’une des images les plus célèbres de la présidence Clinton. Il a supervisé, jusqu’à la chorégraphie, la poignée de mains historique entre Rabin et Arafat lors de la signature, en 1993, des accords de paix d’Oslo.

Le Proche-Orient tient une place cruciale dans le c ?ur du représentant de l’Illinois. Il possède la citoyenneté israélienne. Son père, Binyamin Emanuel, un pédiatre, est né en Israël et a émigré avec sa famille aux Etats-Unis dans les années 1960.

Le nouveau secrétaire général de la Maiso-Blanche affirme qu’il soutient le lobby pro-sioniste « AIPAC ». C’est lui qui a présenté Obama lorsque ce dernier est allé prononcer un discours devant le public de l’AIPAC. En 1991, lors de la deuxième guerre du Golfe, Rahm Emanuel a servi comme volontaire dans les forces armées israéliennes et parle couramment l’hébreu. Il servait comme mécanicien, auprès d’un bureau de recrutement de Tsahal. Durant deux mois, il a réparé des blindés près de la frontière libanaise.

Emanuel est aussi un faucon proéminent en ce qui concerne Israël, attaquant l’Administration Bush lorsqu’elle s’est permis de critiquer les politiques d’assassinats et de violations des droits humains par Israël. Il a aussi été un défenseur proéminent des attaques d’Israël contre le Liban, allant même jusqu’à remettre en cause la crédibilité d’Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits de l’homme, qui ont rapporté les violations israéliennes du droit international humanitaire. Sa nomination a suscité l’enthousiasme de journaux israéliens. Maariv le présente comme « notre homme à la Maison-Blanche », et qui « va influer sur le président pour qu’il soit pro-israélien. Peut-il laisser sa conscience hors de la Maison-Blanche ? ».

Du même auteur :

- Liban : Le dilemme d’une armée
- Palestine : Des médiateurs découragés
- Iraq : La logique du chaos (avec Ahmed Loutfi)
- Une nation de réfugiés

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 10 au 16 décembre 2008, numéro 744 (Evènement)


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