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Rendre normal l’anormal

jeudi 11 décembre 2008 - 06h:40

Akram Attallah Alayasa - Ma’an

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Mahmoud vit dans un village dans les environs de Hebron. Il a travaillé dans une usine israélienne dans la colonie de Qityat Malakhi pendant plus de six ans. Comme à des milliers de Palestiniens, les autorités israéliennes lui ont refusé un permis de travail.

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30 octobre 2008 - les forces israéliennes d’occupation kidnappent des étudiants du collège technique d’Hébron - Photo : MaanImages/Mamoun Wazwaz

Cette décision n’a pas été changée par son mariage ou ses deux enfants, qui sont normalement des facteurs favorables. Il a même gardé ses distances vis à vis de la politique en pensant que cela faciliterai son travail en Israël, mais, comme de nombreux Palestinien, il s’est trompé. Sa situation, aussi inoffensif qu’il soit, ne correspond pas aux critères israéliens pour obtenir un permis.

Mahmoud est un réfugié du village de Iraq Al-Manshia, qui n’est pas loin de Qiryat Malakhi. Malgré cela, il ne peut pas réaliser son Droit au Retour à travers ce permis de travail. Il ne peut pas non plus dire « non » à l’occupation parce qu’il doit boucler ses fins de mois.

Quand j’ai rencontré Mahmoud, il m’a dit en souriant « Bientôt j’aurai trente ans, et j’ aurais le permis. » Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire au début à cause du concept, la logique, et l’ordre naturel ont été inversés. Mahmoud attend patiemment d’avoir trente ans, il le voit comme un cadeau. Contrairement au reste du monde, il attend de vieillir avec impatience ; il veut être plus vieux pour obtenir le permis.

Mahmoud m’a rappelé un ami. Il voulait être plus âgé pour pouvoir aller en Jordanie. En 1982, Israël obligeait les Palestiniens de moins de 24 ans qui voulaient aller en Jordanie d’y rester pendant au moins six mois. Lorsque mon ami a approché ses 24 ans, l’âge fut alors porté à 28 ans.

Est ce que ça ne serai pas une tentative de changer les normes des Palestiniens ? De leur vie normale ? Est-ce que c’est pour habituer les Palestiniens à des choses anormales pour qu’ils les considèrent comme des besoins normaux. La même chose peut être dit des Palestiniens qui veulent prier à Jérusalem pendant le Ramadan. Les personnes ayant 48 ans veulent en avoir 50 pour pouvoir y aller, selon les critères israéliens.

Il est maintenant 16 heures. Mahmoud rencontre ses cinq « camarades » et ils vont en voiture jusqu’à Yatta, au sud de la Cisjordanie. Plus de trois heures sont passées, et ils ont traversé des routes en mauvais état, des collines et des vallées, attendant pendant tout ce temps avec crainte qu’une jeep israélienne s’éloigne pour qu’ils puissent entrer en Israël inaperçus. Mahmoud et ses collèges payent 500 Shekels (environ 99 euros) pour ce court voyage qui semble très long en peur et en souffrances. Alors que la nuit est tombée et que minuit approche, la lumière de la lune ne leur permet pas de rester cachés, et ne leur donne même pas un petit peu de chaleur face au vent glacial du désert.

Ils attendent d’un air pensif, mais patiemment, dans le froid pendant des heures, jusqu’à ce que la voiture magique avec la plaques d’immatriculation jaune apparaîsse. Cette voiture israélienne va les transporter pour les 70 kilomètres restant de leur voyage jusqu’à leur travail à Qiryat Malkhi ; ils doivent payer 700 Shekels (environ 138 euros) de plus pour ce dernier bout de voyage.

Mahmoud souriait pendant qu’il me racontait les souffrances qu’il doit endurer toutes les deux semaines pour aller à son travail, il considère ses souffrances comme normales. Mais moi, je me retourne vers mes arguments philosophiques personnels, me demandant pourquoi est ce qu’on ne crie pas ? Pourquoi on n’ élève pas notre voix au lieu d’être satisfait et dire « Dieu merci » et « nous sommes OK ».

Le nombre de voitures étaient, comme d’habitude, toujours croissant au point de contrôle de Wadi An-Nar, les soldat étaient là, égoïstes et négligeants à notre égard, face à notre attente qui ne se termine jamais. Ils volaient notre temps sans aucun regret.

Quelques chauffeurs de taxi en avait assez d’attendre alors ils essayaient de contourner la longue file d’attente. Les cris qui venaient de ceux qui attendaient en file devenaient de plus en plus fort. J’ai essayé de garder mon calme, contrairement à mon caractère habituel, et j’ai demandé à un des chauffeurs qui se tenait à côté de moi pourquoi il essayait de passer devant les autres. Il m’a répondu tout simplement par « Pourquoi est ce que je devrais rester dans cette file et attendre que ces fils de p*** décident que je peux traverser le point de contrôle ? Pourquoi est ce qu’on ne rendrait pas leurs vies aussi difficiles qu’ils rendent la nôtre ? »

À ce moment là, j’ai réalise que ce chauffeur voulait justifier son comportement et ne pas rester dans la queue. Il se peut que ce soit la vérité, mais ce qu’il a dit représente une rébellion par rapport à des concepts anormaux. La chose la plus normale à faire est de traverser notre pays sans points de contrôle. C’est naturel de se rebeller quand on se sent humilié. Ce qui n’est pas normal ou naturel, c’est d’être content si les soldats nous laissent passer rapidement le point de contrôle militaire, lequel est situé sur nos terres et entre nos villes. C’est naturel de ne pas avoir de points de contrôle qui volent notre temps, font souffrir les gens et font de notre vie un enfer.

J’ai une amie norvégienne qui est venue en Palestine comme volontaire pour un ONG palestinienne pour les enfants handicapés. Elle ne pensait pas qu’un enfant de dix ans sourd et aveugle pourrait être arrêté. Quand elle a entendu parler de son cas elle à pleuré toute la nuit.

C’est une réaction normale d’un être humain ayant grandi dans une société normale. Elle ne trouvait aucun motif pour son arrestation. Elle a attendu impatiemment pour savoir ce que lui est arrivé après que les forces militaires israéliennes l’aientt arrêté avec d’autres membres de sa famille pour forcer son grand frère à se rendre. Sa collègue palestinienne ne l’a pas aidée en disant que c’était une chose courante et que ça arrivait souvent.

Ce n’est pas facile d’expliquer la situation à notre amie norvégienne, je lui ai dit que la réaction de sa collègue palestinienne n’était pas étrange parce qu’elle a constaté d’autre cas similaires.

3 dcembre 2008 - Ma’an News Agency - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/en/index.ph...
Traduit de l’anglais par Imogen Richmond Bishop


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