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Qui expulsera Israël du Liban ?
Le Hezbollah ou les Nations unies ? (1)

dimanche 23 novembre 2008 - 06h:29

Franklin Lamb - Counterpunch

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Hezbollah : « Excusez-nous, s’il vous plaît, mais la "Ligne bleue" n’est pas la frontière ! »

« Nous, Libanais, sommes ici pour confirmer que nous résistons pour la libération de chaque parcelle de notre territoire. Nous n’abandonnerons pas la grande cause nationale qui est de poursuivre la libération de notre terre. La résistance attend avec impatience de hisser les drapeaux de la victoire sur les collines de Kfarshuba, les fermes de Sheba, à Ghajar et Abbasieh où 80% des terres sont toujours occupés ».

Le Sheik Nabil Owork, dirigeant du Hezbollah, aux villageois d’Abbasieh, 10 février 2008.


Sous la pression de ce canard boiteux, l’Administration Bush, pour qu’il se retire du territoire non libéré par la Résistance libanaise en mai 2000 - quand elle a délogé l’armée israélienne et ses milices supplétives de l’ALS (Armée du Liban Sud) -, Israël n’a montré jusqu’à maintenant aucune volonté de bouger. Pour le justifier, il prétend que l’Administration Bush qui se serait rétractée en secret promet de bombarder l’Iran.

Comme l’aveuglement total de cinq administrations US consécutives, à propos d’une occupation violente israélienne de 22 ans (1978-2000) du Sud Liban, le montre clairement, Israël reste sur le territoire libanais et ne se préoccupe pas de Washington constatant l’échec de la politique radicale américaine dans la région.

L’inquiétude soudaine à propos de l’ancrage d’Israël sur le territoire libanais - tels que le village de Ghajar et les fermes de Sheba - vient de cette élection très proche, et sans doute la seconde plus importante pour le Moyen-Orient (la première étant le vote US du 4 novembre 2008), l’élection libanaise de mai 2009. L’administration Bush tend largement à croire que l’élection de 2009 pourrait être l’ultime chance pour les Américains de sauver le Liban d’une souveraineté iranienne.

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Situation du village de Ghajar.

Si Israël quittait Ghajar - qu’il occupe en violation de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations-Unies sur son retrait du Liban, (et les fermes de Sheba qu’il occupe depuis 1967) -, avec un Hezbollah bien calé sur ses positions après la guerre de juillet 2006, l’administration Bush pense qu’alors ses alliés libanais du mouvement du 14 Mars pourraient en tirer un profit électoral.

Tant les Etats-Unis qu’Israël essayent d’empêcher le Hezbollah de déterminer la politique du Liban aux réunions du cabinet et d’obtenir l’allégeance de 128 députés après les élections de mai 2009. La victoire d’Obama est une aide pour le Hezbollah dans les prochaines élections libanaises car, malgré son obséquiosité et qu’il se soit mis à genoux devant les lobbys pro Israël - comme tout candidat américain aux présidentielles le font historiquement -, Obama a une vision plus large du Moyen-Orient et il est perçu dans la région comme ayant une volonté de « traiter et discuter » avec le Hezbollah, la Syrie, le Hamas, l’Iran et l’Afghanistan.

On a vu récemment à Beyrouth et dans le Moyen-Orient divers articles et de ces affiches : « Nasrallah-Obama ! Oui, nous pouvons ! » (Nam, Nahnou Nastatia ! - en arabe).

Pour ces raisons, la presque moribonde administration Bush ne prend aucun risque. Des accusations persistent, comme celles de cette semaine par le dirigeant du mouvement Marada pro-Hezbollah, Suleiman Franjieh. Selon lui, il est offert un versement en espèces des Saoudiens au Welch Club (d’un montant allant jusqu’à 900$ par vote selon certains organisateurs de l’élection pour qui le revenu mensuel moyen par famille est de 75$) pour la zone Tripoli/Akkar/Beyrouth, où Saad Hariri est considéré par beaucoup comme n’ayant pas correctement occupé la place de dirigeant de son père. L’offre d’argent pour les votes est signalée même dans les secteurs où un coup de balai électoral du Hezbollah est peu envisageable. Opposant à Hariri, Franjieh ajoute que « si l’Arabie saoudite continue d’inonder de son argent les prochaines élections, cela va conduire l’Iran et d’autres à mettre le leur ! ». Des électeurs libanais dans le besoin, et intelligents, ne se plaignent pas au point que certains citoyens prêts à tout calculent comment ils pourraient vendre leur vote plusieurs fois pour pallier l’inflation croissante au Liban.

Ce déferlement d’argent a poussé le dirigeant populaire du Hezbollah au Sud Liban, Sheikh Nabil Qwork à ce commentaire sarcastique : « Ce serait plus utile si cet argent était envoyé pour aider à reconstruire le Liban au lieu d’essayer d’acheter l’élection ».

Est-ce que le Hezbollah achète les votes ?

On ne peut être absolument sûr de presque rien ces jours-ci au Liban, mais ce n’est pas l’avis des résidents du quartier Hezbollah, Haret Hreik, situé entre les camps de réfugiés palestiniens de Shatila et Burj Barajneth.

« Ce serait tellement drôle ! J’espère qu’ils l’ont fait ! » commente à cet observateur [l’auteur] le jeune caissier du restaurant à sandwichs Halifee, un ado brillant près de la vingtaine d’années, portant le tchador. « Le Hezbollah est plus susceptible de solliciter les électeurs pour un don de bienfaisance sur le lieu de vote que de payer les gens pour voter. Je veux que vous sachiez que les partisans du Hezbollah ont le taux de participation aux élections le plus élevé du Liban car ils sont motivés pour faire leur ?devoir national’. Je veux voter et j’espère que le Parlement abaissera sans attendre l’âge pour voter de 21 à 18 ans, comme Sayeed Hassan Nassrallah l’a proposé dans son discours du Jour des Martyrs, la semaine dernière. »

Selon un analyste en matière électorale, de l’Université Notre-Dame (Louaize) à Beyrouth créée par l’ordre maronite de la Sainte Vierge Marie, le Parlement sera probablement d’accord. Les analystes en élections estiment que baisser l’âge du droit de vote de trois ans donnerait au Hezbollah une majorité sur les environ 250 000 nouveaux électeurs, étant donné que les jeunes au Liban penchent pour Hassan Nassrallah, comme beaucoup de jeunes Américains ont été pro Obama.

Engraisser la base avec du porc US ?

Ce doit être une pure coïncidence que la semaine dernière (le 12 novembre) l’ambassadrice US, Michele Sisson, et la directrice de la mission USAID au Liban, Denise Herbal, aient annoncé que l’ambassade américaine lançait un programme d’aide humanitaire de 6 millions de dollars pour « aider les 21 villages voisins du camp de réfugiés palestiniens Nahr al-Bared, dans le nord, villages qui ont été touchés par la guerre ». (Nahr al-Bared est le camp proche de Tripoli/Akkar qui fut détruit pendant 12 semaines de combats entre le Fatah al-Islam salafiste et l’armée libanaise, l’été 2007, et où il reste encore en partie à reconstruire sérieusement, car les promesses des donateurs n’ont pas été respectées).

A ceux des Libanais qui se sont montrés surpris de ce qu’ils perçoivent largement comme une ingérence et un stratagème électoral, l’ambassade n’a pas expliqué comment ces 21 villages ont pu être eux-mêmes touchés [par les combats], étant donné que la plupart d’entre eux sont très éloignés des combats - au moins dans deux d’entre eux, ce même observateur a vu des snipers tirer sur le camp palestinien bouclé, lors du siège de mai 2007. En outre, ce manque d’explication coïncide avec le fait que les 21 villages sélectionnés sont justement des villages alliés des Etats-Unis et où les candidats sont exposés à une défaite possible au prochain scrutin.

Le nouvel ambassadeur US a indiqué qu’« un fonds de roulement serait mis en place pour des micro-prêts afin de stimuler une génération à bas revenus (lire : payer rapidement en espèces), la création d’emplois ainsi que des formations professionnelles adaptées au marché de l’emploi pour les jeunes, les femmes et les chômeurs. »

Une question d’un journaliste, « Que devient Nahr al Bared, où ils ont tout perdu et ont besoin désespérément d’une aide ? », a été complètement ignorée.

L’ambassade a répondu aux questions par l’une des déclarations habituelles : « Le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique respecte la souveraineté et l’indépendance du Liban, il ne s’ingère pas dans les affaires intérieures et acceptera les résultats de l’élection prochaine. »

Un militant du Hamas, de Jénine en Palestine, actuellement traqué et installé au Liban, a lancé en plaisantant : « Retombez sur terre ! C’est ce qu’ils nous ont dit en 2006 avant que le Hamas ne gagne nos élections ».

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Une vue des fermes de Sheba.




Fraternel échange : territoire libanais pour la Georgie ?

L’élection est à l’origine de certaines tensions entre les Etats-Unis et leur allié du 14 Mars car beaucoup de Libanais tiennent à ce que Ghajar et les fermes de Sheba soient rendus, et étant donné que l’ambassade n’a pas tenu ses engagements pour contraindre Israël à se retirer et que puisse en bénéficier l’équipe du 14 mars, leur leader Saad Hariri pourrait bien négocier avec les Russes. Pas seulement pour aider le retour des fermes de Sheba avant le vote mais aussi, et à la consternation de l’administration Bush et d’Israël, pour demander à la Russie des armes lourdes pour le Liban.

Suite à une réunion la semaine dernière entre Hariri et des dirigeants russes, Hariri a été cité par le quotidien Vremia Novosti : « Le Liban a besoin d’armes lourdes telles que des chars d’assaut et de l’artillerie. L’aide militaire américaine ne consiste qu’en des armes légères ».

Ce qui contrarie encore plus l’administration US c’est qu’Hariri pourrait obtenir que le Liban reconnaisse la séparation des régions géorgiennes de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud et en échange, la Russie prendrait la balle au bond et forcerait Israël a s’en aller du Liban. Selon un membre de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain, la Maison-Blanche se demande ce qu’il s’est passé durant cette réunion Nasrallah-Hariri (Hezbollah - Mouvement du Futur) du mois dernier pour qu’Hariri se réinvente comme patriote pro résistant libanais.

Où l’occupation israélienne du territoire libanais se termine-t-elle ?

Les électeurs libanais sont conscients que le Hezbollah pourrait inclure le retrait attendu d’Israël de Ghajar à sa liste de victoires revendiquées sur Israël, et puis rajouter le retrait complet israélien des fermes de Sheba et, comme certains y tiennent, le retrait d’autres secteurs frontaliers revendiqués par le Liban.

L’administration Bush espère que si Israël se retire de la partie nord de Ghajar et qu’un règlement des Nations unies annoncé depuis longtemps se conclut pour les 14 fermes de Sheba, la Maison-Blanche - qui se vide actuellement -, pourrait revendiquer un certain succès avec son « processus de paix » au Moyen-Orient, avant la remise des clés. En outre, ses alliés libanais auraient un argument pour dire que la Résistance libanaise n’a plus besoin d’être armée pour récupérer le territoire libanais. Toutefois, de nombreux Libanais le long de la « frontière » sud du Liban soutiennent qu’Israël occupe plus de territoire libanais que le village de Ghajar et les fermes de Sheba.

Hezbollah : « Excusez-nous, s’il vous plaît, mais la "Ligne bleue" n’est pas la frontière ! »

Pas plus tard que la semaine dernière, mais pas pour la première fois, le Hezbollah a rappelé à la communauté internationale que la Ligne bleue tracée par l’ONU n’était « pas une frontière » entre le Liban et Israël.

Le responsable des relations internationales du Hezbollah, Nawaf Mousawi, a expliqué à des journalistes et parlementaires que la Ligne bleue était seulement une « ligne indiquant les limites du retrait de l’armée israélienne du Sud Liban en 2000 ». Et d’ajouter que « les organisations terroristes sionistes avaient déplacé la ligne de frontière de son emplacement établi en 1920 à la nouvelle ligne de 1923, ce qui enlevait au Liban 7 villages et 20 fermes. Nous devons veiller aux tentatives de considérer la Ligne bleue comme une ligne frontière, ce qui ôterait au Liban des millions de mètres carré de son territoire national. »

Hasan Nasrallah a également affirmé que l’intégrité territoriale du Liban inclut non seulement les fermes de Sheba contestées mais aussi 7 villages également contestés. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour Tel-Aviv ni pour l’administration Bush.

Mousawi poursuit : « Vous pouvez revenir aux documents du ministère français des Affaires étrangères dans la ville de Nantes, où vous trouverez un mémorandum du mouvement sioniste adressé à la conférence de paix de San Remo en 1919. Dans cette note, le mouvement sioniste veut que le fleuve Al-Awwali, au nord de Saïda, soit la frontière d’Israël, ce qui ferait que tout le sud intégrerait l’Etat d’Israël. »

Mousawi, souvent succinct quand il relate nombre de faits, ne cite pas le nom des 7 villages mais ces villages sont cités par ceux qui en ont été expulsés et qui vivent le long de la Ligne bleue : Tarkikha, Abil al-Qamh, Hunin, al-Malikiyya, al-Nabi Yusha, Qadas et Saliha. De plus, ces gens soutiennent qu’Israël a empiété sur les villages d’Abbasieh et Nkhaile et que ceux-ci doivent être rendus.

Des cartographes des Nations-Unies, qui ont passé une partie de l’année 2007 à étudier les cartes françaises/anglaises relatives à la frontière Liban/Palestine, ont souligné que ceux qui connaissaient le plus exactement quel territoire libanais Israël occupe toujours sont ces citoyens libanais dont les familles ont habité le long de la frontière historique Liban/Palestine/Syrie pendant des générations, et qui furent les témoins des projets sionistes de près d’un demi-siècle auparavant ; d’après un villageois, un gaillard de 80 et quelques années, « L’entreprise coloniale sioniste a été greffée sur notre terre ».

Une rapide étude de l’opinion - tout comme un réexamen des dossiers de cartographie de la période mandataire coloniale (1920-1948) qui a mené directement à l’instauration du Liban moderne, de même qu’à la Nakba -, est révélatrice.

Elle aide aussi à comprendre l’état d’esprit du Hezbollah dans son service à sa population, et à réaliser que le parti se réfère à ses « devoirs religieux et moraux pour résister à l’occupation sioniste ». En sa qualité de professeur à l’Université américaine de Beyrouth, Timur Goksel, observateur pendant 30 ans à la frontière entre le Liban et la Palestine occupée et porte-parole de la FINUL pendant près d’un quart de siècle, a déclaré à une délégation de visiteurs américains du Conseil pour l’intérêt national, la semaine dernière, « Le règlement de la question de la frontière sud du Liban pourrait prendre dix années et il suppose la coopération de toutes les parties. »

[...]

Partie 2 :

- Le colonialisme et les 7 villages chiites
- Rectifications à venir de la frontière ?
- Prochain déplacement : l’ONU ou le Hezbollah ?

Franklin Lamb fait un travail de documentation au Liban. Il est diplômé de la Boston University et de la London School of Economics. Il a été assistant à l’International Law et conseiller-assistant à la commission parlementaire de la justice du Congrès américain. Il a publié plusieurs ouvrages sur le Liban et peut être contacté à l’adresse : fplamb@gmail.com.

Du même auteur :

- Le Hezbollah et les Palestiniens : 1ère partie - 2ème partie
- Journée agitée à Beyrouth
- « Aimer le Liban » empêche-t-il de dire « Désolé ! » ?
- 25e anniversaire du massacre de Sabra et Shatila

Au nord-ouest du village de Ghajar, Sud Liban, le 18 novembre 2008 - Counterpunch - traduction : JPP


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